Quel destin ! Bien avant de triompher avec ses ballades nostalgiques et ses mélodies sentimentales, le chanteur Gérard Lenorman a connu une enfance marquée par la solitude. Souvenirs.
Cet auteur-compositeur-interprète a enchanté les années 1970 et 1980. Celui qui voulait alors mettre Mickey à Matignon est de retour avec un nouvel album intitulé Le goût du bonheur… (GL Productions) dans lequel il se livre à l’introspection. Parmi les auteurs présents sur ce disque (Vianney, Bénabar…), Serge Lama lui a offert le texte Maman, aux fortes résonances autobiographiques. Né en 1945 de père inconnu – il a appris à 35 ans qu’il était le fils d’un soldat allemand –, Gérard Lenorman, qui était dernièrement de passage dans Télématin, n’a en effet jamais connu l’amour maternel, ou si peu.
SEUL À LA MAISON JUSQU’À 9-10 ANS
« J’habite avec ma mère rue Damrémont, dans le 18e arrondissement de Paris. Place Pigalle, il y a un orchestre de jazz, des Américains qui sont restés en France après la guerre. Je vais les écouter en cachette et les filles qui travaillent là-bas, très gentilles, m’offrent parfois un verre de lait. Je suis toujours tout seul à la maison jusqu’à l’âge de 9-10 ans. Ma mère travaille ici et là, elle change souvent de boulot. Il n’y a pas de musique chez nous, elle est contre. Elle est contre tout ce qui me concerne, d’ailleurs. Je suis son problème. Dans le fond, je suis un enfant encombrant, si l’on peut dire. Mais je vis avec. On s’y fait, on n’en meurt pas ! Déjà, je chante tout le temps des chansons de Line Renaud, d’Henri Salvador. Mon premier public a été ma grand-mère quand je vais chez elle à Turqueville dans la Manche. Heureusement qu’il y a ces trois mois de vacances et de bonheur ! Là-bas, je suis l’enfant du pays, le petit-fils d’Augustine Lenorman. C’était quelqu’un ma grand-mère ! Elle faisait tout dans le village : infirmière, sage-femme… Elle était belle, je l’adorais. »
IL PERCUTE UN CAMION : L’ACCIDENT DE TROP
« Ma mère se marie à Issoire, dans le Puy-de-Dôme, et me met en pension. Je suis un perturbateur, je fais le clown. J’ai besoin de m’exprimer et ça ne plaît pas aux adultes. La pension est tenue par des curés à l’autorité débile, abusive. Ils me détestent, mais quand l’évêque nous rend visite, ils viennent me chercher pour chanter et réciter des poèmes. Quelque part, je tiens là une forme de revanche parce que je fais ce que les autres ne savent pas faire. A 14 ans, après le Certificat d’étude, je suis des formations d’ajusteur, de tourneur… Mes parents n’avaient ni l’envie ni les capacités de me faire suivre de longues études. Tout en travaillant à l’usine, je chante, je deviens un petit peu connu dans la région sous le nom de Jerry Wells. A 18 ans, avec mes sous, je m’achète ma première voiture, une Renault 4 Chevaux pourrie. Pour mon premier voyage, je prends alors la direction de la Normandie pour rejoindre ma grand-mère. Dans une longue ligne droite bordée d’arbres du côté de Montluçon, je m’endors au volant et je percute de face un énorme camion. J’étais entre la vie et la mort, cassé de partout, mais j’ai eu la chance de tomber sur un chirurgien virtuose, un maître de la réparation et de la reconstruction. Résultat, je suis à peu près normal ! Je suis resté immobilisé près d’un an. »
AU CLUB MED EN SUISSE AVEC LES ROTHSCHILD
« Un ami musicien suivait mes progrès alors que j’étais à l’hôpital. Un jour, il m’appelle pour me proposer de le rejoindre au Club Med, à Leysin, en Suisse. J’y vais dès que possible, et c’est là que ma vie commence. Je sors enfin du carcan ! Je n’avais jamais vu la montagne, ni la neige. Ce sont les tout débuts du Club, et Gilbert Trigano (le patron historique du Club Méditerranée, ndlr) y vient régulièrement avec ses amis, les Rothschild. Des potes sympas ! Là-bas, je suis chanteur. Ce don, ce petit cadeau de naissance me permet encore une fois de m’élever. Il n’y pas de musiciens du côté de ma mère. Je sais que mon père était musicien, violoniste, mais je ne l’ai pas connu. Puis je rencontre en Suisse un ami qui me propose de monter avec lui à Paris, et tout va très vite. Je joue dans la comédie musicale Hair, et en 1971, je suis numéro un avec la chanson Il. »
LE POINT FINAL AUX ÉPISODES MALHEUREUX
« Enfant, on rêve beaucoup quand on doit se taire, quand on ne compte pas. J’avais beaucoup attendu ce moment, et à partir de là, je n’ai plus jamais été malheureux. Ensuite, j’ai eu la chance d’avoir des chansons exceptionnelles et un public qui m’a suivi jusqu’à aujourd’hui. Ma famille ? J’ai coupé les ponts définitivement avec ma mère et mon beau-père quand je suis parti. Si, je suis resté ami avec mon demi-frère, je n’ai plus jamais revu ma demi-sœur. C’est comme ça. Il y a des souffrances qu’on a du mal à rejeter. Et l’âge n’y fait rien, même si ces mêmes souffrances s’adoucissent. Depuis quelques temps, j’aime d’ailleurs beaucoup marcher en montagne. Je ne m’en lasse pas, et j’y trouve un ailleurs qui me fait le plus grand bien. »
Crédits photos : AGENCE / BESTIMAGE
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