Il a renouvelé la caméra cachée avant de s’imposer comme un élément majeur du cinéma français. Retour sur le parcours de l’autre Belge qui fait gondoler le public hexagonal.
Le jeune François Damiens a 12 ans et il est du genre facétieux. Son kif du moment en cette année 1985 ? Les canulars à la Jacques Rouland, l’inventeur du concept de la caméra cachée. Le week-end, François décortique l’annuaire, choisit des gens qu’il connaît un minimum, et leur fait des blagues au téléphone. “Je leur disais : ‘Je suis le marchand de chaussures. Votre mari a réservé des santiags à talonnettes biseautées, mais il n’est pas encore venu les chercher…’ Les gens me prenaient pour un branque. Entre mon frère et ma sœur, qui ont aujourd’hui des métiers sérieux, je faisais un peu peur. On se demandait ce que j’allais faire plus tard”, se souvenait ainsi le comédien dans Le Parisien, en septembre 2017.
Près de quarante ans ont passé et on a aujourd’hui la réponse ! L’ex-préado rigolo est devenu, avec son compatriote Benoît Poelvoorde, l’acteur d’outre-Quiévrain le plus apprécié des Français. “Une sorte de Bourvil belge”, a déclaré un jour à son sujet Franck Dubosc, quand d’autres voient en Poelvoorde le nouveau Louis de Funès. Si on ajoute à ce duo l’extraordinaire popularité de Virginie Efira, on peut dire que la “Belgium connection” est devenue incontournable au sein du cinéma français ! On est en tout cas très loin des blagues de Coluche sur nos “amis belges”, qui fleurissaient dans les années 1970.
“Les gens me prenaient pour un branque”
En une petite décennie, François Damiens a su se rendre indispensable au 7e art hexagonal, alternant comédies populaires et films plus dramatiques, avec quasiment toujours de beaux chiffres d’entrées à l’arrivée. Et les chiffres, ça le connaît, lui qui a fait des études de commerce international avant de se lancer dans la comédie. Né à Uccle, une commune plutôt chic de la région Bruxelles-Capitale, François Damiens grandit au sein d’une famille aisée. “Du côté de mon père, c’est très bourgeois, même plutôt snob, tout ce que je n’aime pas. Du côté de ma mère, c’était des bosseurs. On ne rigolait pas. Mon grand-père me disait toujours : ‘Il y a des limites à la déconnade’”, confiait-il à Marie Claire, en octobre 2017. Ce grand-père est par ailleurs possesseur d’un voilier amarré en Bretagne, région dans laquelle la famille passe ses vacances d’été. Au collège et au lycée, sans être un foudre de guerre, l’élève Damiens s’arrange pour ne pas redoubler afin de ne pas rester trop longtemps au sein d’un système qui ne lui sied pas vraiment.
Traduction : il préfère de loin ses canulars téléphoniques… Le bac en poche, François tente le concours du Conservatoire de Bruxelles, il n’est pas reçu. Il entame alors des études en école de commerce parce que, dit-il, il ne veut pas “galérer et fumer des clopes roulées pendant dix ans”.
Après un stage en Australie, l’apprenti comédien revient néanmoins à ses premières amours en se lançant dans la mise en scène de… caméras cachées : “J’y suis arrivé par le biais d’un ami qui travaillait dans une société de production qui concevait des sketchs diffusés dans les avions. Je faisais signer les autorisations de diffusion sur les tournages. Et puis je cassais tellement la tête au producteur qu’il a fini par me laisser en faire une, deux, trois, puis une par émission”, expliquait-il ainsi à VSD en décembre 2014.
Notre comique planqué passe ensuite à la vitesse supérieure quand le plat pays tombe sous le charme de son personnage de François l’Embrouille, qui sévit alors sur la chaîne nationale RTL-TVI. Soit un Wallon à l’accent épais et au look particulier : moustache, coupe mulet, costard en tergal marron ou survêt ultra-cheap… Un gros balourd que rien n’arrête, au point de pousser très loin ses “victimes” dans leurs retranchements, quitte à recevoir deux ou trois baffes à l’occasion. Résultat, certains sketches, tels Le Tatoueur ou Le Dentiste, deviennent des classiques.
En France, Canal + lui fait alors les yeux doux. Et, à l’époque, qui dit chaîne cryptée dit ticket d’entrée pour le cinéma… C’est par le biais d’une caméra cachée avec Éric et Ramzy que la jonction avec le grand écran s’opère. “Je faisais le taximan, mais je n’avais aucune prise sur eux. Ils allaient encore plus vite que moi. Ils m’ont pris pour un cinglé. Mais c’est grâce à eux que j’ai fait OSS 117 : Le Caire, nid d’espions.” En effet, quelques jours après ce sketch, le duo comique, séduit par la nature de ce Belge tonitruant, le présente au réalisateur Michel Hazanavicius, qui lui propose le rôle de Raymond Pelletier dans le premier volet de la franchise qui a fait la gloire de Jean Dujardin… et la sienne !
Dès lors, François Damiens suit son petit bonhomme de chemin dans le cinoche français. Souvent dans des bons coups (L’Arnacœur, Rien à déclarer, La Famille Bélier…), le comédien semble posséder un sens inné pour flairer les œuvres qui vont marcher auprès du public. “J’essaie de faire des films pour de bonnes raisons, mais je préfère les comédies qui reposent sur des sujets graves car sinon on est un peu ton sur ton”, analysait-il en septembre 2017 dans les colonnes du Parisien. Pourtant, malgré un parcours impeccable, le comédien rate souvent de peu les honneurs de la profession.
“Une sorte de Bourvil belge”
Maintes fois nommé aux César ou aux Magritte (les Oscars belges), François Damiens rentre toujours chez lui bredouille… Comme si “la grande famille du cinéma” attendait LE grand rôle pour enfin le consacrer. À 50 ans, le Belge pétaradant est encore loin d’avoir utilisé toutes ses cartouches.
François Damiens & Benoît Poelvoorde : une amitié au service du cinéma
©Reynaud Julien/APS-Medias/ABACA
Benoît Poelvoorde a ouvert la voie à l’émergence des comédiens belges en France. Et quand François Damiens est apparu, l’ex-Monsieur Manatane n’a pas souffert de jalousie, bien au contraire. L’un et l’autre l’affirment : ils sont copains comme cochons et peuvent rester des heures à discuter au téléphone… ou à boire des coups !
Dix ans d’amour avec Gaëlle
©Giancarlo Gorassini/Bestimage
Divorcé, François Damiens a refait, depuis une dizaine d’années, (très) discrètement sa vie avec Gaëlle, 49 ans. L’acteur a deux fils, nés de sa précédente union : Jack, 22 ans, et Jimmy, 20 ans.
Toutes voiles dehors
Avec Tanguy de Lamotte
Depuis tout petit, l’acteur part en vacances en Bretagne où il s’est passionné pour la voile. “J’aime autant la Bretagne que les Bretons”, déclare le Belge à longueur d’interviews ! En 2013, il a participé à la Transat Jacques-Vabre avec Tanguy de Lamotte.
Une expérience forte : “Je le referai direct”, affirme-t-il depuis.
Damiens, acteur culte chez les footeux
Depuis l’enfance, il est fan d’Anderlecht, l’un des clubs de Bruxelles. Transmise par son grand-père, cette passion ne l’a jamais quitté. Mais son aura chez les footballeurs dépasse la Belgique. C’est ainsi qu’à l’issue du match victorieux de la France en Irlande, le 27 mars, les Bleus ont célébré dans les vestiaires le buteur du soir, Benjamin Pavard, en reprenant un fameux sketch de l’humoriste. François Damiens ? Un acteur incontournable de la pop culture.
Filmographie
2006 : OSS 117 : LE CAIRE, NID D’ESPIONS
Il se fait remarquer dans la peau d’un homme d’affaires belge qui donne la réplique à Jean Dujardin. Un second rôle en forme de ticket d’entrée.
2006 : DIKKENEK
Une comédie d’Olivier Van Hoofstadt devenue culte, dans laquelle il incarne un désopilant et ridicule donneur de leçons.
2009 : LA FAMILLE WOLBERG
La cinéaste Axelle Ropert repère son potentiel dramatique et lui offre le rôle d’un père et maire à la nature complexe.
2010 : L’ARNACŒUR
Dans cette comédie romantique à succès, portée par Vanessa Paradis et Romain Duris, il décroche la timbale en mettant tout le monde d’accord via un second rôle savoureux.
2011 : UNE PURE AFFAIRE
Il est le héros de cette comédie sociale maligne, dans laquelle il incarne un avocat loser qui s’improvise narcotrafiquant. Il marque de plus en plus les esprits.
2014 : LA FAMILLE BÉLIER
Gros carton public signé Éric Lartigau où l’acteur incarne le père de la famille Bélier. Le remake américain, sorti en 2021, obtient trois Oscars.
2018 : MON KET
Il passe à la réalisation pour ce film personnel sur la paternité, via un dispositif de caméras cachée. Une réussite pour certains, un gros raté pour d’autres…
2022 : JACK MIMOUN ET LE SECRET DE VAL VERDE
Une grosse comédie d’action de et avec Malik Bentalha. Damiens y crève l’écran en campant un personnage terriblement idiot. Hilarant !
2023 : LES COMPLICES
En salles le 12 avril, cette comédie est signée Cécile Rouaud. Il y incarne un tueur à gages devenu trop sensible pour continuer dans cette voie. Un rôle taillé sur mesure pour lui.
Sylvain Monier
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