EXCLU – Brigitte Bardot : Bienvenue chez elle à la Madrague

Alors qu’un biopic évènement lui est bientôt consacré sur France 2, l’icône du cinéma poursuit ses combats d’hier et d’aujourd’hui. A 88 ans et demi, « BB » n’a rien perdu de sa superbe. Pour Gala, son fidèle ami Henry-Jean Servat nous raconte ce quotidien à Saint-Tropez qu’il partage avec elle, au gré de leurs rencontres. PAR HENRY-JEAN SERVAT.

Avec Brigitte, c’est tout le temps, toujours, la même chose. Elle démarre au quart de tour. Et ne s’intéresse qu’à un seul truc qui n’est pas, qui n’a jamais été et qui ne sera jamais, sa petite personne. Je me souviens de l’avoir amenée, un jour, (re)voir La Vérité, le film le plus important, le plus bouleversant de son existence d’actrice, de sa vie d’avant, tourné bien des années-lumière auparavant. Elle était assise à côté de moi, Olga Horstig, son agent, de l’autre côté. Brigitte, dont chacun sait bien qu’elle dit des bêtises quand elle déclare avoir été une mauvaise comédienne, avait accepté de revoir ce film où, à chaque plan, elle nous serre le coeur comme un papier de soie qu’on froisse, et elle pleurait en silence à la fin de la projection. Je n’osais même pas la regarder… Des anges passaient. Brigitte se leva et, ambiancée par les souvenirs qui affluaient, répondit à mes questions, chacun écoutait et tout arrivait. Elle qui se refusait à parler cinéma se mettait alors à raconter le tournage, les claques avec Clouzot, l’amour avec Sami Frey, la gentillesse avec Marie-José Nat. Je tenais un papier formidable dont je fis, avec son accord, une page entière de ‘Libération’ mais, soudain, quelqu’un de la Fondation l’appela pour signaler que le maire de Nîmes faisait capturer des chats errants pour les gazer. Plus rien, dès lors, n’exista. Il fallait arrêter « cette horreur, sur-le-champ », dans la capitale de l’infâme corrida. Le moment de grâce était terminée, la désespérance animale faisait irruption dans le paysage et chamboulait tout. Personne ne peut, ni ne pourra, jamais comprendre Bardot s’il n’intègre pas cette passion viscérale qui la tenaille pour le peuple animal. Tout le monde sait qu’elle ne vit, ne survit, à sa propre gloire que grâce aux animaux. Ils l’ont sauvée.

Brigitte Bardot est, aujourd’hui comme hier, une dame retirée du monde, cloîtrée chez elle, confinée en sa mythique demeure (non vaccinée, elle a récemment attrapé une forme de coronavirus qui l’a obligée à rester couchée) face à l’une des plus belles baies du monde. Loin, très loin de la foule déchaînée, elle habite, entre le ciel, le soleil et la mer, à Saint-Tropez où elle n’a pas mis les pieds depuis plus de trente ans sur le port et dans le centre-ville. Brigitte ne vit pas comme une vieille star qui referait le coup de ’Sunset boulevard’, cadres de clichés jaunis, télévision laissant défiler en boucle des images de ses films. Il y a belle lurette que tout ce tintouin est fini, d’autant plus terminé qu’il n’a jamais existé et il n’y a donc pas de raison que cela commence. Brigitte, même si elle n’est pas au fait de tout, n’ignore pas, malgré tout, que sa vie va défiler dès ce lundi 8 mai*, six épisodes en trois soirs exactement, sur son écran de télévision. La France entière va ainsi redécouvrir sa vie telle qu’elle l’a racontée dans ses mémoires et que l’a mise en images Danièle Thompson. Brigitte l’ignore d’autant moins que la mise en place de la série Bardot ne s’est faite qu’avec son approbation et en pleine connaissance de cause. Qui plus est, elle a d’autant moins de raisons de l’ignorer que sa boîte aux lettres croule sous les demandes d’entretien. « Je n’en ferai pas, je ne dirai rien. » C’est clair. Elle ne s’intéresse pas à l’actrice qu’elle fut et elle ne sait même plus qu’elle a été, autrefois, il y a longtemps, une comédienne qui joua le jeu. Ou plutôt ne le joua pas, ne l’a jamais joué. « A l’écran, j’ai été moi, sans calcul, sans chi-chi ». Brigitte s’est toujours voulue naturelle et à 88 ans et demi, elle ne dérogera à aucun de ses principes.

La Madrague se trouve au bout du bout du monde et de la route des Canebiers. Aucun bruit, sinon le clapotis des vagues. Brigitte, qui dort tard, se réveille dans un grand silence, hormis les bruits de ses chiens et n’entend pas être dérangée avant midi. Ses proches le savent, personne ne l’appelle le matin au téléphone. Et tout le monde le sait bien: Brigitte aime à paresser dans son grand lit de bois torsadé. La maison est au calme. A l’intention des chiens qui souvent l’accompagne, a été installé, un toutou’s bar, alimenté en eau claire par les gardiens. Tous les jours de sa vie, Brigitte « part au bureau ». Et se vêt toujours de noir: jupe longue ou legging. « J’ai renoncé à la mode. Je ne m’habille plus ». Elle n’a d’ailleurs plus rien dans ses placards et ne veut plus rien avoir. Chacun sait qu’elle a vendu ses robes et tenues de mode au profit de sa Fondation, il y a belle lurette. Elle conduit sa vieille 4L blanche dont son mari, Bernard d’Ormale, a fait équiper le tableau de bord d’un système permettant de passer les vitesses et d’actionner le frein sans avoir de pédale à actionner au pied, en raison de ses problèmes de jambe. Elle prend alors la route du Capon qui tournicote, passant à un moment, devant la maison de Gérard Oury et Michèle Morgan puis devant celle de Danielle Thompson qui a écrit et réalisé (avec son fils Christopher) la série Bardot. Brigitte continue d’emprunter le même chemin goudronné puis entre dans une sorte de parc, protégé par une grille de fer coulissante, abritant l’un des coins les plus secrets de Saint-Tropez. Là, Brigitte a acheté, il y a longtemps, une autre maison. Introuvable, inaccessible. Roger Hanin qui avait cru malin, un jour, d’y débarquer subrepticement s’en fit mettre promptement à la porte. Ce trésor est niché dans la verdure, au sommet d’une collinette descendant en pente douce vers la mer où quand elle pouvait marcher sans problème, elle menait ses animaux, chiens mais aussi vache, âne et cochon, pour qu’ils profitent d’une bonne baignade. L’endroit, dit ‘La Garrigue’, est situé au milieu d’une grande étendue de terrain sur lequel se trouvent aussi une chapelle entourée de tombes de ses animaux et une ferme abritant des bêtes recueillies, rescapées d’abattoirs, coulant des moments paisibles et ne se reproduisant pas.

Ici, il n’y a pas de star, mais une militante, une campagnarde, une paysanne. Brigitte aime s’installer sous la charmille, entourée de ses animaux accourant à son arrivée. Les chats sont installés sur le journal et le cheval arrive jusque sur le pas de l’entrée, glissant souvent la tête à l’intérieur. C’est là qu’elle boit le café, lit Var-Matin et Le Figaro dont elle fait les mots croisés, me racontant avoir trouvé, un jour, sans difficultés, la définition de « deux initiales qui enflammèrent le monde. ». C’était « BB ». Tout cela c’est, disons, pour l’amusement. Brigitte qui ne reçoit personne passe, en fait, le plus clair de son temps à travailler à l’intérieur, dans la pièce avec cuisine ouverte. Elle est installée sur une table de bois provençale couverte de dossiers et de paperasses, avec un téléphone à cadran et à l’ancienne. Le numéro de la ligne est masqué quand elle appelle. Il n’y a pas d’ordinateur, pas d’appareil électronique, ni même de machine à écrire. Elle écrit tout à la main, toujours de sa magnifique écriture ronde, à l’encre bleue azur. C‘est là qu’elle a lu une première lettre de Danièle Thompson, l’informant de son désir de mettre en scène une série sur sa vie de « BB ». Un accord fut alors signé entre la maison de production et l’avocat de Brigitte qui, elle, ne s’en mêla absolument pas. Et qui fit stipuler, même, qu’elle ne ferait pas la promotion de la série et qu’elle n’interviendrait en rien pour contrecarrer quoi que ce soit. « Je ne veux rien voir, je ne veux rien savoir », dit-elle. Danièle proposa à Brigitte de lui faire rencontrer Julia de Nunez qui allait l’incarner joliment, sur le petit écran. Brigitte déclina. Elle avait toutefois parlé au téléphone avec Laetitia Casta qui la joua dans Gainsbourg, vie héroïque et avec Mathilde Bisson qui ‘interpréta sur scène dans Moi non plus. Brigitte fut très mignonne, comme elle sait l’être, mais cette fois, ne manifesta aucune curiosité. Fidèle à son habitude, elle ne demanda rien. Le tournage s’installa à Saint-Tropez, sur la plage de La Ponche devant la maison qui est celle où Brigitte habite dans le film (et fait l’amour, dans une scène mémorable) avec Jean-Louis Trintignant. Brigitte ne se manifesta en rien et ficha une paix royale à tout le monde. Bien sur, c’est sa vie qui est racontée et montrée, mais « ma vie, je la connais par coeur, je l’ai vécue et écrite et je n’ai pas besoin de la revivre. » Brigitte a, aime-t-elle à souligner « mieux à faire en combattant pour les animaux. » Elle vient d’écrire une lettre pas piquée des hannetons à Emmanuel Macron qui l’avait reçue à ses débuts et auquel elle reproche sa « passivité, sa lâcheté, sa complaisance à l’écart des chasseurs et son indifférence à l’égard de la souffrance animale« , ce en quoi elle n’a pas tout à fait tort. Les animaux auxquels elle a voué sa vie l’occupent et la préoccupent, pour l’éternité, plus que tout. Il n’y a que cela qui intéresse Brigitte. Elle n’a pas demandé à voir la série et la chaine ne la lui a pas envoyée. Le seul vrai mystère de cette Bardot‘ qui nous raconte avec classe et sensualité, l’histoire de ce siècle, réside donc dans le fait de savoir si, oui ou non, celle qui reste la femme la plus extraordinaire de notre époque va se plonger dans sa légende magnifique. Bardot, depuis longtemps. Brigitte, pour toujours.

* Bardot, Dès lundi 8 mai à 21.10 sur France 2. Une mi-série en six épisodes.

Cet article est à retrouver dans GALA N°1560 disponible dans les kiosques le jeudi 4 mai 2023.

Crédits photos : AGENCE / BESTIMAGE

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