Connue pour ses talents d’actrice, Emma de Caunes signe cette fois-ci en tant que réalisatrice. Neufs Meufs, sa première série, est une création diffusée sur Canal+.
Le public l’a connue actrice, mais c’est la mise en scène qui, depuis toujours, l’appelle. Aussi, après avoir signé des courts-métrages, Emma de Caunes prend les rênes de sa première série, une création décalée Canal+. Dans Neuf Meufs, programme né d’un scénario de long-métrage qui tardait à se concrétiser, elle brosse des portraits de femmes dans toute leur complexité et croque leur rapport au désir, aux hommes et à leurs propres aspirations. Rencontre avec une réalisatrice-née.
Madame Figaro. – À quand remonte votre envie de réalisation ?
Emma de Caunes. – À l’enfance ! Déjà, petite, j’inventais des histoires et je mettais en scène mes copains dans des spectacles. C’était moi la patronne. Ensuite, au lycée, j’ai choisi un bac cinéma. Je voulais en faire mon métier, mais le destin en a décidé autrement. J’ai été repérée en casting sauvage à la sortie des cours, j’ai tourné des pubs qui m’ont permis de m’émanciper très jeune, et le cinéma a frappé à ma porte. J’ai adoré jouer, mais je savais que ce n’était qu’une transition, que cela m’amènerait ailleurs.
En vidéo, « Neuf meufs » la bande-annonce
Pourquoi avoir opté pour un diaporama de femmes dans votre série ?
Il y a quelques années, j’ai découvert Sept Fois femme, de Vittorio De Sica, dans lequel Shirley MacLaine, dont je suis fan, joue sept états de la femme. Une opportunité rare pour une actrice. En parallèle, j’avais toujours trouvé les rôles qu’on me proposait un peu caricaturaux. J’ai alors eu envie de confier des partitions inattendues, à contre-courant, à des femmes que j’admire, comme Aïssa Maïga, que l’on voit rarement magnétique et inquiétante, ou Mademoiselle Agnès. C’est mon amie depuis vingt-cinq ans, et si peu de gens la perçoivent ainsi, j’avais toujours vu l’actrice qui sommeillait en elle.
En miroir de vos portraits de femmes se dessine une galerie d’hommes toute aussi riche.
Les fictions qui tentent de mieux représenter la femme ont parfois tendance à dépeindre les hommes comme des ordures. Or, je ne voulais surtout pas passer par le dénigrement du masculin pour valoriser le féminin. Outre son talent et notre amitié, c’était à ce titre très important d’écrire avec Diastème, pour équilibrer les points de vue.
N’avez-vous pas songé à jouer l’un des rôles ?
Non, car je voulais être prise au sérieux. J’aurais eu du mal à m’autodiriger et je ne voulais pas que cela passe pour l’opportunisme de l’actrice qui a disparu des radars. Surtout, je voulais profiter pleinement de cette expérience dont j’avais tant rêvé. Mettre en scène n’a rien d’un caprice : c’est ce vers quoi je veux tendre.
Collaborer avec votre mari, Jamie Hewlett, sur cette minisérie a été une évidence ?
Autant travailler avec des gens que j’aime, surtout en ces temps chaotiques. Mon mari a signé le générique, et son fils Rocky a composé la musique. Pour la série, Jamie et moi avons même créé une société de production, Majie Films, avec laquelle nous espérons développer d’autres projets.
Votre fille, Nina Blanc-Francard, tient aussi un rôle aux côtés de Mademoiselle Agnès. Elle joue une ado qui interroge sa mère sur l’orgasme…
J’ai grossi le trait, mais c’est du vécu. Du jour au lendemain, j’ai eu l’impression que ma petite cocotte devenait une femme. Et je n’étais pas prête ! J’allais chercher une actrice quand j’ai pensé à elle : elle est bien dans ses pompes, a de la personnalité, et surtout, ça l’amusait ! Du coup, malgré moi, j’ai semé la graine de la comédie et je m’en veux un peu. Elle a bien sûr raison d’essayer si c’est ce qu’elle souhaite, mais je lui répéterai toujours de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
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Pourquoi ?
C’est un atavisme familial. Nous n’aimons pas les étiquettes ou ce qui ronronne. Mon père m’a transmis la curiosité et quelques principes : ne jamais se prendre au sérieux, prendre du plaisir dans ce qu’on fait et rejeter la routine.
Vous vous êtes diversifiée pour cette raison ?
Entre autres. J’ai démarré très jeune, eu un César à 22 ans, et même si je suis une enfant de la balle, je n’étais pas prête à ce succès rapide. Très vite, j’ai eu la bougeotte, notamment parce qu’on m’offrait beaucoup de rôles de «petite meuf pétillante aux cheveux courts». Or, j’ai été maman à 26 ans, et très vite, cela ne m’a plus correspondu. J’ai alors animé La Musicale (sur Canal+). J’adorais cette émission qui, par ailleurs, m’apportait le luxe de pouvoir choisir mes rôles. Mais le milieu en a déduit, à tort, que je n’étais plus actrice. D’autres comédiennes arrivaient, remplaçant alors celles qui, comme moi, étaient à la mode la veille. C’est le lot du métier et, franchement, c’est sans regret. J’ai alors mis toute mon énergie à essayer de concrétiser mes idées.
Neuf meufs, d’Emma de Caunes, avec Aïssa Maïga, Mademoiselle Agnès, François Berléand. À partir du 15 février, sur Canal+ et myCanal.
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