Delphine Seyrig, légendaire actrice née le 10 avril 1932, s’est battue au péril de sa carrière pour les droits des femmes, a rendu fou amoureux Michael Lonsdale, et a marqué toute une génération. Sa vie en images.
Son enfance, du Liban aux USA
Delphine Seyrig naît à Beyrouth le 10 avril 1932, d’un père, Henri Seyrig, archéologue et directeur du Service des Antiquités au Liban sous le mandat français, et d’une mère navigatrice. Elle passe une grande partie de son enfance au Liban. Élève bavarde et un brin dissipée, elle est bercée aux sons des musiques de Frank Sinatra ou Bing Crosby.
À 6 ans, elle est envoyée par ses parents dans une pension en Suisse, dans une ferme. Puis, à 10 ans, la petite fille débarque aux États-Unis, accompagnée de sa famille, pour la mutation de son père. Ils y séjournent trois ans. Delphine Seyrig devient bilingue et conserve un lien éternel avec le pays de l’Oncle Sam.
Ce sera la comédie… ou rien !
Adolescente, elle vit entre la France et le Liban, au gré des exigences professionnelles de ses parents. Déjà, l’artiste dans l’âme sait qu’elle est destinée à de grandes choses et s’ennuie sur les bancs de l’école. « Pourquoi fait-on des études à notre âge ? J’ai 17 ans, je ne suis fixée à rien, je sens en moi une grotte à explorer, infinie, inépuisable« , a-t-elle écrit dans une lettre selon le documentaire Toute Une Vie, diffusé sur les ondes de France Culture.
Delphine Seyrig, déterminée à vivre de sa passion, annonce à son père qu’elle veut faire du théâtre, mais celui-ci, agacé, réduit d’abord ses espoirs à néants.
Elle décide alors de lui envoyer une longue lettre pour lui montrer, à l’écrit, à quel point elle souhaite faire du théâtre. C’est dans une autre missive que son père lui répond, ému : « Tu me demandes de parier sur toi comme sur un cheval qui n’a jamais couru… Eh bien, je parie sur toi, petit poney« .
Amour, famille et petits chats
En juillet 1950, alors qu’elle étudie le théâtre, Delphine Seyrig épouse le peintre américain Jack Youngerman, alors étudiant aux Beaux-Arts de Paris.
De leur union naît un fils, Duncan, en 1956. Mais dix ans après leur mariage, lorsque l’un et l’autre commencent à connaître le succès dans leur domaine de prédilection respectif, ils décident de se séparer.
En 1980, Delphine Seyrig présente ses chattes persanes Olivia et Révolution à la télévision française. Pour l’anecdote, le second matou doit son nom à son année de naissance, 1968 !
Sa voix était « trop particulière »
C’est en 1952, alors qu’elle vient de fêter son 20e anniversaire, que l’actrice en herbe décroche son premier rôle dans la pièce L’Amour en Papier, de Louis Ducreux. Puis, elle intègre la troupe de la Comédie de St Étienne, dirigée par Jean Dasté. Elle se glisse dans la peau de personnages de grands classiques, comme Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, ou La Tempête de Shakespeare.
Un démarrage sur les chapeaux de roues. Mais Delphine Seyrig voit l’un de ses plus grands rêves s’étioler lorsqu’elle tente sa chance au Théâtre National Populaire (TNP), à Lyon. Elle passe une audition, mais à son grand désespoir, n’est pas retenue. En cause ? Sa voix considérée comme « trop particulière » et pas assez audible. Une terrible déception.
Mais elle tient sa revanche lorsqu’elle s’envole aux États-Unis et y trouve… le succès. En 1959, elle joue son premier rôle au cinéma dans Pull My Daisy, de Robert Frank et Alfred Leslie, puis se fait connaître du grand public l’année suivante, grâce à Alain Resnais qui la met en scène dans L’Année dernière à Marienbad. Le début d’une longue carrière internationale…
Elle a été aimée (follement) en secret
La comédienne croise à de nombreuses reprises l’acteur Michael Lonsdale, à qui elle donne la réplique dans Baisers Volés, de François Truffaut, Chacal, de Fred Zinnemann, ou encore India Song, de Marguerite Duras. Mais Delphine Seyrig ignore que l’acteur est fou amoureux d’elle… et celui-ci n’ose jamais lui déclarer sa flamme.
« La personne que j’ai aimée, n’était pas libre… Elle était en couple avec Sami Frey. Je n’ai jamais tenté quoique ce soit par respect. J’en ai beaucoup souffert et je n’ai jamais pu aimer quelqu’un d’autre… C’était elle ou rien. Voilà pourquoi je suis toujours célibataire à 85 ans« , a-t-il raconté dans son ouvrage Le Dictionnaire de ma vie, aux éditions Kero.
Le mariage, « une forme de prostitution »
Dans les années 1970, Delphine Seyrig affiche sans fard son féminisme et dit tout haut ce que certaines osent à peine penser…
« Il faudrait écrire pour les femmes des rôles qu’on a jusqu’à présent écrit pour les hommes, des personnages où les femmes pensent, agissent« , déclare-t-elle.
Celle qui considère le mariage comme « une forme de prostitution« , n’hésite pas à s’indigner : « Je pense qu’à partir du moment où mon bonheur dépend d’un homme, je suis une esclave et je ne suis pas libre. (…) Les femmes veulent se prendre en main elles-mêmes ».
Ses prises de position, considérées comme radicales pour l’époque, entachent son image et sa carrière se fait moins florissante. Mais Delphine Seyrig assume entièrement ses propos. « Je sais que je vais être obligée d’accepter des rôles secondaires ou qui ne me plaisent pas, il est rare que l’on fasse des films sur les femmes de mon âge« , a-t-elle expliqué.
Une ardente défenseuse de l’avortement…
Avant la Loi Veil, elle n’hésite pas à prêter son appartement pour que des avortements clandestins puissent s’y effectuer. En 1971, la comédienne signe Le Manifeste des 343, rédigé par Simone de Beauvoir, et indique ainsi qu’elle aussi, a subi un avortement clandestin.
« Avant de signer le manifeste, j’ai hésite un quart de seconde, je me suis dit : ‘Est-ce que je vais vraiment dire à tout le monde que j’ai avorté ? Je tremblais un peu de parler d’une chose si privée en public (…) J’avais peur d’être malpolie. On est vraiment au Moyen-âge pour ça« , avait-elle avoué, face caméra.
…et une pionnière de #MeToo
En 1976, elle allie sa passion pour le cinéma et son engagement pour l’égalité des sexes en réalisant le documentaire Sois Belle Et Tais-Toi. Elle y recueille une vingtaine de témoignages de comédiennes, dont Jenny Agutter, Juliet Berto, Ellen Burstyn, ou Candy Clark, qui racontent le sexisme ordinaire du milieu du cinéma. Delphine Seyrig ou la véritable pionnière de l’ère #MeToo ?
Sa mort
Delphine Seyrig meurt d’un cancer à 58 ans, le 15 octobre 1990, et repose au cimetière du Montparnasse à Paris.
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