Le prince Ernst August Junior de Hanovre, qui vient d’annoncer que son épouse, la créatrice de mode russe Ekaterina Malysheva attendait leur troisième enfant, a tout pour être heureux. Mais il est poursuivi en justice par son père, le prince Ernst August. Chaque semaine, Stéphane Bern décrypte l’actualité royale avec un nouveau rendez-vous: Côté Cours.
Il n’est pas toujours simple d’être un roi sans royaume, un chef d’une maison royale qui incarne l’Histoire sans disposer des moyens pour entretenir l’héritage du passé… tout en continuant à focaliser l’attention du public et des médias. Telle est la difficile situation dans laquelle se débat le prince Ernst August Junior de Hanovre, qui vient d’annoncer que son épouse, la créatrice de mode russe Ekaterina Malysheva attendait leur troisième enfant. Le couple, qui s’est marié lors d’une cérémonie somptueuse en juillet 2017 et qui vit principalement à Londres, est parent d’Elisabeth, trois ans, et August, deux ans. Ce fastueux mariage avait eu pour cadre féérique les jardins historiques de Herrenhausen, le Versailles hanovrien, et le château de Marienburg, véritable rêve de pierres, construit au XIXème siècle comme celui de Neuschwanstein en Bavière qui servit de modèle d’inspiration au château de la Belle au bois dormant de Disneyland.
Dès le mariage, auquel n’assistait pas le père du marié le prince Ernst August de Hanovre, nul n’ignorait que les tensions familiales existaient en raison d’un différend avec son fils. Le mois dernier, on a appris que le prince Ernst August, chef de la maison de Hanovre et cousin éloigné de la reine d’Angleterre, poursuivait en justice son fils qualifié d’« ingrat », pour avoir cédé au gouvernement pour un euro symbolique le château familial dont il avait hérité. Il est vrai que le jeune prince Ernst-August, contrairement à son père, est contraint de gagner sa vie et travaille dans le secteur bancaire à Londres, tandis que son épouse Ekaterina gère sa propre ligne de vêtements EKAT, qu’elle a fondée en 2013.
Une vente dictée par des contraintes économiques
Pendant ce temps, le prince Ernst-August, accuse son fils de « passer derrière son dos » dans des documents judiciaires déposés le mois dernier. L’homme de 66 ans – époux séparé de la princesse Caroline de Monaco – avait pourtant transféré le château de Marienburg et le domaine voisin de Calenburg à son fils Ernst August Junior au milieu des années 2000. Mais ni l’héritage des princes de Hanovre, ni la fortune de sa mère Chantal Hochuli, héritière d’une dynastie chocolatière suisse, ne peuvent combler ce puits sans fond qu’est la vieille demeure familiale. Certes, noblesse oblige et Ernst August, premier dans la lignée de la succession à l’ancien trône hanovrien créé en 1814 pour les ducs de Bunswick-Lunebourg avant d’être dissous en 1866 par la Prusse conquérante, a des responsabilités devant l’Histoire, un nom lourd à porter. Descendant des rois hanovriens d’Angleterre, de l’empereur d’Allemagne Guillaume II, du roi Christian IX du Danemark et de la reine Victoria d’Angleterre, il est lié à la plupart des familles royales européennes, mais ne dispose plus d’une liste civile qui lui permet d’entretenir dignement ses propriétés familiales. Dès 2018, il s’était engagé à vendre pour un euro symbolique le colossal château de Marienburg à l’État, un geste plus dicté par des contraintes économiques qu’un acte de générosité : le château nécessitait des rénovations estimées à plus de 27 millions d’euros et avait coûté une fortune pour rester ouvert à 200 000 visiteurs chaque année, des visiteurs qui l’ont déserté depuis la crise sanitaire…
Pour le jeune prince cela marque « un tournant historique » pour la famille et « aidera à préserver le palais gothique pour le public ». Le Bundestag – le parlement fédéral allemand – a déjà voté en faveur d’une contribution de 15 millions d’euros pour les rénovations urgentes, tandis qu’une centaine de peintures et autres objets du château ont été remis au musée national de Hanovre. Celles-ci valaient un total de 4,5 millions d’euros, tandis que 6 millions d’euros supplémentaires de trésors ont été donnés à une fondation d’art.
Dans sa plainte déposée à Hanovre, le prince Ernst-August (père) cherche à récupérer les propriétés et accuse son fils de « violer gravement le droit, les droits légaux et les intérêts familiaux ». Il accuse en outre son fils de s’approprier illégalement certaines des peintures, sculptures et voitures anciennes de la famille, d’une bibliothèque et d’un musée. Le prince Ernst-August a également allégué qu’il avait été coupé des siens, et relégué dans une « hutte forestière » autrichienne, sans aide financière malgré sa maladie. Des allégations que réfute son fils, convaincu qu’elles seront rejetées par les tribunaux allemands. « Tous les arguments de ce procès ont déjà été réfutés dans un règlement à l’amiable », a déclaré Ernst-August Junior, « dans ce contexte, nous sommes détendus face à tout différend devant le tribunal ». Il n’empêche que cette querelle familiale entache la réputation des Guelfes, l’une des plus anciennes et prestigieuses dynasties souveraines d’Europe. Ils devinrent les électeurs puis rois de Hanovre et dirigèrent la Grande-Bretagne et l’Irlande lorsque George Ier monta sur le trône en 1714 jusqu’au début du règne de la reine Victoria en 1837, date à laquelle l’union personnelle avec le Royaume-Uni prit fin. Quand en 1866, ils perdirent leur dernier titre royal allemand, mais conservèrent un vaste portefeuille de propriétés, dont le château de 135 pièces de Marienburg près de Hanovre, construit entre 1858 et 1867 comme cadeau d’anniversaire par le roi George V de Hanovre à son épouse, Marie de Saxe-Altenburg.
Les générosités amoureuses des siècles passés sont devenues des charges trop lourdes pour des héritiers que leur nom oblige, mais qui, sans trône ni moyens, doivent sans cesse réinventer leur rôle en conjuguant l’Histoire au présent.
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