S’il est compliqué de sortir en ce moment, rien ne nous empêche de nous faire la malle grâce aux livres. Voici six romans formidables, qui vont vous transporter et tout vous faire oublier.
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Vous vous demandez que faire pendant ce week-end? Vous avez envie de changer d’air? D’oublier le Coronavirus d’arrêter de vous interroger quant à la date à laquelle vous pourrez vous faire vacciner. En attendant de résoudre toutes ces épineuses questions, rien de tel qu’un bon roman pour s’échapper et vibrer. Nous vous en avions récemment proposés cinq formidables à dévorer pendant les vacances d’hiver. Sans compter le nouveau livre génial de Delphine de Vigan, Les enfants sont rois qui vient de paraître chez Gallimard. Voici six autres romans que nous avons adorés, qui vont vous permettre de vous évader.
1. Le Neveu d’Anchise, éd. du Seuil, 144 p. 16 €
Le trentième roman de Maryline Desbiolles est une merveille qui va vous faire un bien fou, vous faire courir à perdre haleine, grimper les buttes et dévaler les collines de l’arrière-pays niçois avec le jeune et maigre Aubin qui a l’air d’un Indien parmi les siens. Quel bol d’air et de beauté ! Ce court livre ravira ceux qui aiment êtes envoûtés par la langue autant que par l’histoire. Car l’écriture poétique et charnelle de Maryline Desbiolles fait résonner les mots entre eux pour parler de la filiation, de la mémoire, des sillons laissés par les aïeux dans les chemins cahoteux qui mènent à cette déchetterie où s’élevait autrefois la maison d’Anchise, ce veuf inconsolé, ce vieux fou qui s’est immolé dans sa voiture. De ce grand-oncle apiculteur, Anchise sait peu de choses. Mais il ignore encore aussi tout de lui-même. C’est dans le silence et les sons de la vieille trompette de son ancêtre qu’il se découvre et sent vibrer le désir. Maryline Desbiolles scande l’inventaire d’un monde disparu à travers les yeux d’un enfant. Plus qu’un roman, elle signe un chant lumineux.
2. La vengeance m’appartient de Marie Ndiaye, éd. Gallimard, 240 p., 19,50 €
Qu’il est mystérieux le nouveau roman de Marie Ndiaye ! On ignore tout des motivations de ses personnages, pleins de zones d’ombre, et cela fait son charme surprenant autant que sa force. Qui était Gilles Principaux pour elle ? Cette question tourne en boucle dans la tête de maître Suzanne depuis que cet homme lui a demandé de défendre sa femme, arrêtée pour avoir noyé leurs trois enfants alors même qu’elle a toujours été une mère parfaite, irréprochable du moins. Car cet homme, elle est persuadée d’avoir passé un après-midi avec lui alors qu’elle était enfant, lui adolescent, et qu’elle accompagnait sa mère venue repasser le linge de la famille. De sa plume envoûtante, Marie Ndiaye prend un malin plaisir à remettre en cause nos certitudes. Son roman nous déstabilise autant qu’il nous dérange. Et c’est bien à ça, au fond, que sert la littérature.
3. Faire Corps de Charlotte Pons, éd. Flammarion, 240 p., 18 €
La gestation pour autrui (GPA), on est pour ou contre dans les manifs, les journaux, sur Instagram, photos de famille heureuse à l’appui ou au travers des essais. Mais dans les romans? Jamais jusqu’à présent. Il faut bien de l’audace pour faire entrer un sujet pareil en littérature, se glisser comme le fait Charlotte Pons dans la peau, la tête et la chair, d’une mère porteuse. L’histoire qu’elle raconte désarçonne autant qu’elle dérange, quoi qu’on en pense. Effraie aussi, quoi qu’on en dise. Et surtout interpelle. C’est celle de Sandra, une jeune quadra parisienne, décidée à ne pas avoir d’enfant, qui finalement, accepte d’en porter un par amitié pour Romain, son copain d’adolescence, en couple avec son amoureux prénommé Marc. Mais on ne peut pas faire comme si de rien n’était, comme si même pas peur, même pas mal, même pas attachée. Charlotte Pons signe un roman fort, aussi osé que délicat, qui aborde des sujets embarrassants. Elle donne à sentir et à penser une question importante, compliquée. Elle met en scène le doute, une femme qui ne veut pas d’enfant parce que les traumatismes du passé colonisent le présent mais dont les convictions s’effritent à mesure qu’en elle pousse le bébé, un homme qui ne désire rien tant qu’en avoir un avec son amoureux, un trio qui pense qu’un contrat suffit pour que les choses soient bien claires. Impossible pourtant de porter un enfant, comme si c’était pour du beurre.
4. Hôtel du Bord des larmes d’Elsa Flageul, éd. Mialet et Barrault, 192 p., 19€
Après le très réussi A nous regarder, ils s’habitueront,paru en 2019, Elsa Flageul se glisse une fois encore dans l’intimité d’une famille. En voie de désagrégation, cette fois. L’hôtel du bord des larmes, c’est un établissement où vont les couples qui veulent divorcer pour être entourés et n’avoir à s’occuper de rien et où se rendent Cécile et François sans trop y croire. « Il y a un jour pour se quitter« , écrit Elsa Flageul. C’est ce jour-là, ou plutôt ce week-end-là, le dernier que vont partager Cécile et François, qu’elle raconte avec délicatesse dans son sixième roman. Elle observe avec beaucoup de finesse et de sensibilité les amours déçus, perdus, la rancœur accumulée, les rêves qu’on piétine, souvent malgré soi. Presqu’à son insu. Qu’on ait divorcé ou pas, impossible de ne pas être touché par les mots d’Elsa Flageul, de ne pas se reconnaître dans le miroir qu’elle nous tend, dans les les chagrins, le sentiment d’échec, la culpabilité des parents, dévastés d’imposer leur séparation à des enfants, qui selon sa jolie expression ne savent plus où donner du cœur.
5. Un Fils sans mémoire de Valentin Spitz, éd. Stock, 200 p., 20,90 €
Père manquant, fils manqué : le verdict tombe dès les première lignes de ce livre qui vous retourne le cœur, raconte avec beaucoup de pudeur et une infinie délicatesse « comment un fils est parvenu à aimer son père« . Le fils, c’est Valentin Spitz, le père, c’est Le Doc que des milliers d’ados ont écouté sur Fun radio dans les années 1980, qui parlait de sexe sans tabou et répétait à l’envi que ce n’était pas sale. Son père, Valentin Spitz aussi l’écoutait, à défaut de le voir, car longtemps il n’en a pas été un. A Bernard Pivot qui l’avait invité à Bouillon de Culture et lui demandait combien il avait d’enfant, en 1994 Le Doc avait d’ailleurs à l’époque répondu « deux », alors que le troisième, dévasté, le regardait à la télé, avec sa mère. Il faudra un test de paternité pour que son père le reconnaisse et puis l’intervention d’un juge pour qu’il le prenne chez lui un week-end sur deux sans s’occuper pour autant de lui. De ce héros médiatique de père (qui eut finalement six enfants) que tout le monde trouve super, mais qui arrive toujours en retard, et passe sa vie à le faire attendre, des heures, comme un patient lambda, Valentin Spitz avait très peu de souvenirs et juste une ou deux photos, floues. Et pourtant il s’est battu pour récupérer son nom. Celui-là même dont il signe aujourd’hui ce livre déchirant sur l’absence et le manque. Un manque qu’il a fini par combler parce que les père (comme les mères !) ne ratent pas toujours tout et finissent (parfois) par être à l’heure au rendez-vous.
6. Des Diables et des Saints de Jean-Baptiste Andréa, éd L’Iconoclaste, 368 p. 19,00 €
Au bout du tunnel. Jean-Baptiste Andréa n’a pas son pareil pour parler de l’enfance et de ses rêves piétinés. L’histoire de Joseph, ce vieux pianiste qui joue dans les gares, défile comme un film dans son troisième roman. Sa vie et celle des orphelins élevés à la dure aux Confins, un pensionnat religieux et ultra rigoriste des Pyrénées, se dévide sous nos yeux horrifiés. On vibre avec eux de colère, on fait nôtre leurs révoltes, leurs désirs de fugue, et on voudrait endurer à leur place les châtiments qui leur tombent dessus. Ils se reconnaissent entre eux à leurs mains tremblantes. Jean-Baptiste Andréa réussit à faire trembler les nôtres aussi.
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