Clara Luciani : "J’aurais adoré avoir la voix fluette"

Ce vendredi 14 février, aux 35es Victoires de la musique, la chanteuse a été récompensée pour la réédition de son album Sainte-Victoire.

Un nouveau triomphe aux Victoires de la musique. À 27 ans, la chanteuse enchaîne les tournées et les Olympia, invitant sur scène Benjamin Biolay ou Philippe Katerine. Clara Luciani a créé la surprise, ce vendredi 14 février, en remportant le prix de la meilleure artiste de l’année aux 35es Victoires de la musique. Un sacre qui récompense la réédition de son album Sainte-Victoire, Disque de platine. Des grenades à la poésie sauvage, une french pop traversée de rock et de disco, rafraîchie par sa plume incisive.

Madame Figaro. – Dans Ma sœur, vous chantez : «Personne ne croit en toi comme j’y crois.» Comment est né cet hommage poignant à votre sœur aînée, également chanteuse ?
Clara Luciani
. – Nous sommes comme des sœurs jumelles. Enfants, nous chantions accompagnées à la guitare par notre père. Elle m’a encouragée à faire de la musique et, à 11 ans, j’ai vendu tous mes jouets pour m’acheter à mon tour une guitare, une Stratocaster rouge. Quand je suis arrivée à Paris, à 19 ans, alors que j’enchaînais les petits boulots – j’ai même été pizzaïola -, elle me répétait qu’un jour je vivrais de ma musique. Cette chanson est un merci.

Comme tout l’album, c’est aussi une ode à la beauté des contrastes…
Je suis autant fascinée par l’univers pastel de Michel Legrand et de Jacques Demy que par la magie crue de Nan Goldin. Je suis faite de contrastes, comme la musique de cet album, une disco dark. Dans Sainte-Victoire, on entend des mélodies dansantes, insouciantes, des piano-voix paisibles et puis, soudain, des grenades. C’est en permanence entre la caresse et la gifle.

Quelle esthétique habite votre univers ?
Si je devais mettre une image sur ce disque, ce serait la fameuse photo de Helmut Newton : cette femme qui marche seule, la nuit, dans Paris, vêtue d’un smoking Yves Saint Laurent, à la fois androgyne et sensuelle. J’ai toujours voulu être cette femme. Elle m’obsède. Elle est belle et libre. Elle dégage une force. On n’a pas envie de l’emmerder. J’adore aussi l’esthétique de Patti Smith : la pochette de son album Horses est intemporelle. J’aime sa façon de s’approprier les vêtements, de les utiliser comme un mode d’expression, de choisir plutôt que de suivre des tendances.

Le refrain entêtant d’Emmanuelle évoque les sérigraphies d’Andy Warhol et les guitares du Velvet Underground…
Je suis fan de la Factory et, en composant Emmanuelle, je pensais aux chansons de Lou Reed, qui sont comme des films. Je voulais raconter l’histoire d’une fille un peu dépravée, qui rentre chez elle après on ne sait quel genre de soirée. Sa robe est à l’envers, son maquillage a coulé… Le refrain est né une nuit dans un tour bus. «Emmanuelle s’est endormie sur le coup de 4 heures et demie» : la phrase tournait en boucle dans ma tête.

Qu’est-ce qui inspire votre voix si particulière ?
À l’école, j’étais dans une chorale, et on m’avait placée avec les garçons, à cause de mon registre bas. J’aurais adoré avoir la voix fluette des autres filles. J’ai fini par aimer ma voix… C’est de l’art brut. Ce qui me touche, ce sont les failles, les imperfections. Quand Benjamin Biolay chante, j’entends son cœur, ses écorchures. Philippe Katerine m’inspire, avec sa liberté folle, sa poésie. Aretha Franklin me bouleverse : ses gospels sont des hymnes contagieux. Une bonne chanson, finalement, c’est cela : une mélodie qu’on a envie de chanter à l’unisson.

Sainte-Victoire, chez Initial/Universal.

*Cet article initialement publié le 8 novembre 2019 a été mis à jour.

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