Charlotte de Turckheim : "Je ne comprends plus ce corps que je ne contrôle plus" – INTERVIEW

Mercredi 6 avril 2022, Charlotte de Turckheim a accepté de répondre aux questions de Femme Actuelle dans une interview exclusive. L’actrice assure la promotion de son film, Mince Alors 2 ! et se livre sans concession sur son rapport au corps.

  • Charlotte de Turckheim

Dix ans après la sortie de Mince Alors ! une comédie qui venait bousculer tout ce que l’on pouvait penser sur le poids et la minceur, Charlotte de Turckheim est à la fois aux manettes et au casting d’un second volet. Délocalisé en pleine campagne, Mince Alors 2 ! revient sur cette problématique qui n’a pas pris une ride et reste toujours autant d’actualité. Alors que le film, sorti en salle le 22 décembre 2021 au cinéma, sort en DVD, l’actrice a accepté de se livrer sur les coulisses de son œuvre et de sa vie intime. Avec décomplexion, elle se confie à Femme Actuelle, mercredi 6 avril 2022.

Femme Actuelle : Pourquoi avoir choisi de revenir dans un second volet de Mince Alors !, dix ans après ?
Charlotte de Turckheim :
Depuis le début, on avait envie d’en faire un deuxième. On avait même envisagé d’en faire une série à un moment. Le rapport au corps est un sujet sans fond, dans la famille, dans la société. C’est un sujet passionnant que l’on pourrait encore traiter de plein de façons différentes. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous avons attendu si longtemps. La première est que le film passait tous les ans à la télévision et n’a jamais cessé d’être diffusé. On pensait toujours que c’était trop tôt. On se disait qu’il valait mieux attendre que ça s’arrête, parce qu’à chaque fois qu’il passe, il marche très bien ! La deuxième raison c’est qu’entre temps j’ai fait une pièce de théâtre, j’ai fait un autre film, j’ai fait beaucoup de choses. Je ne me voyais pas ré-attaquer tout de suite avec un deuxième film, j’avais envie de faire autre chose. Quand on a décidé de s’y remettre, on a réalisé que ça avait pris neuf ans.

Comme dans le premier volet, Mince Alors 2 ! aborde la question du poids. Le surpoids et la volonté de prendre du poids. Qu’est-ce qui vous a donné envie de porter ce sujet au cinéma ?
C.T. :
La question du poids est inépuisable. À travers le poids, vous parlez du corps, vous parlez de l’image qu’on a de soi, de l’estime de soi. Je connais tellement peu de gens qui sont contents de leur apparence physique, quelquefois pour des raisons totalement mystérieuses et incompréhensibles. Je rencontre tellement de filles absolument sublimes, minces, qui n’aiment pas du tout leur corps… Il y a des filles très belles qui se trouvent moches. Je ne connais personne qui se trouve bien. C’est un sujet universel et protéiforme. D’ailleurs, je me suis beaucoup plus intéressée au ados dans la deuxième volet, parce qu’entre temps c’est devenu un véritable phénomène de société pour eux aussi.

Nous sommes en 2022, à l’ère d’Instagram et du body positivisme. Pensez-vous que ce sujet est moins clivant qu’avant ?
C.T. :
Non. Je trouve qu’Instagram donne l’impression que maintenant tout est accepté, qu’on a fait un bond en avant (soupir). En fait, on a fait un petit pas de souris. Évidemment je les connais ces sites body optimistes, où l’on voit des filles avec des vergetures, etc. Je pense aussi à la campagne avec la femme de 60 ans et le ventre tout mou… Je ne pense pas que ça ait donné envie à des filles d’avoir le ventre mou. Dans la réalité, tout le monde souffre toujours autant de son apparence, voire même plus. Parce que maintenant il y a les filtres et toutes ces émissions de télévision avec ces nanas qui ont des corps complètement refaits… Tout le monde trafique son corps aujourd’hui. La chirurgie esthétique s’adresse aux filles de moins de trente ans, c’est quand même dingue ! C’est difficile de s’accepter quand on n’a pas les mensurations de Kim Kardashian. Alors qu’elle même a un corps qui n’est pas naturel… Donc non, je ne trouve pas que dans le fond les choses se sont beaucoup améliorées. Ça a certes évolué, mais je ne sais pas si ça a évolué positivement.

« À travers le poids, vous parlez du corps, vous parlez de l’image qu’on a de soi, de l’estime de soi »

La manière dont vous abordez le sujet est très positive, jamais dans l’acharnement. Pourquoi avoir fait ce choix scénaristique ?
C.T. :
Je suis quelqu’un de positif et ’essaie d’être le plus réaliste possible. Même si je trouve que la situation n’a pas beaucoup évolué, il faut continuer sur cette lancée. J’ai envie que ça bouge et que ça change. Et pour cela, mon vecteur c’est l’humour et la sensibilité. Je pense que c’est une meilleure idée de parler du poids en ajoutant de la tendresse et de l’humour, plutôt que d’en faire systématiquement quelque chose de dur.

Vous abordez le poids des jeunes dans ce deuxième volet. Est-ce que l’auto-critique n’a pas été trop difficile à gérer pour les jeunes acteurs au casting ?

C.T. : Quand on a fait le casting, c’était un choix de leur part. On en a beaucoup discuté. C’était un film militant pour eux, ce n’était pas que pour faire du cinéma. Ils voulaient participer à une expérience dans laquelle leur poids leur apportait enfin quelque chose de positif. Ils m’ont dit que d’habitude être gros c’est uniquement du négatif pour eux. Et là, parce qu’ils sont gros, ils décrochent un film. D’un seul coup, on n’est plus le petit gros du fond, on est le mec qui fait du cinéma. C’est intéressant de voir les choses sous cet angle. Et puis d’ailleurs, ils passent leur temps à se parler de cette manière. J’ai été sidérée d’entendre à quel point ils se chambraient en permanence sur leur physique. Les dialogues ont été écrits en les écoutant.

Lola Dewaere et Catherine Hosmalin sont de retour. Est-ce qu’avoir des actrices du premier film était important pour vous ?
C.T. :
Dans la tête des gens, Mince Alors ! c’était les trois filles. C’était indispensable qu’elles soient là. Même s’il manque Victoria Abril, parce qu’on n’a pas trouvé de rôle pour elle. Nous avons d’ailleurs eu une autre problématique compliquée à résoudre, c’est que Catherine Hosmalin a énormément maigri (rires). Dans un film qui s’appelle Mince Alors ! c’était compliqué d’avoir des héroïne toutes minces. Mais c’était intéressant de développer avec elle dans le film le fait qu’elle a maigri mais que ça ne la rend pas plus heureuse pour autant.

Vous avez un rôle beaucoup plus important dans ce deuxième volet. Comment ça se fait ?
C.T. :
Au départ Mehdi Nebbou [qui jouait le docteur Hachemi dans le premier volet, ndlr] devait jouer dans le film. On avait imaginé qu’il s’était marié avec Lola Dewaere. Mais il a été retenu par d’autres projets, dont une série qu’il avait commencée avec Audrey Fleurot. Trois semaines avant le tournage je lui ai dit d’oublier. La mort dans l’âme, parce que je n’avais pas envie de remplacer Mehdi qui était triste de ne pas participer au film, j’ai accepté. Tout le monde m’a dit que je devais incarner l’humanité. Et comme j’avais un bon contact avec les jeunes, ça m’a beaucoup plu de faire ça avec eux. C’était plus facile pour moi de les diriger pendant qu’on jouait.

Vous avez préféré être devant ou derrière la caméra ?
C.T. :
J’aime mieux être derrière la caméra. Par contre sur ce tournage, j’étais fatiguée. Alors ma fille Julia est venue me donner un grand coup de main à la moitié du film. Elle s’est beaucoup occupée de la direction des acteurs et de la mise en scène, et ça, c’était super !

« Les hommes ont un rapport au corps tout aussi complexe que nous »

On peut difficilement s’empêcher de vous demander quel est votre rapport à votre corps…
C.T. :
Il est très complexe. J’ai été très mince pendant 45 ans. Quand je suis entrée en ménopause, j’ai beaucoup grossi. Je ne comprends plus ce corps que je ne contrôle plus. Je n’arrive pas à maîtriser les choses. Quand j’étais jeune, je prenais trois kilos, je me mettais au régime, je les perdais. Ça ne marche plus comme ça maintenant. Évidemment que c’est un problème pour moi.

Dans le film, il est question d’une cure « jeune et detox ». Ce genre de cure est devenu très à la mode… Avez-vous déjà essayé l’une de ces méthodes ?
C.T. :
J’ai tout fait. Sur la longueur ça ne tient pas, à force de tout le temps faire le yoyo… J’ai arrêté de faire des régimes drastiques parce que de toutes les façons je reprends encore plus la fois d’après.

Dans Mince Alors 2 ! vous abordez la question du poids… des hommes, à travers le nouvel amant du mari de Catherine Hosmalin. En quoi est-ce différent entre les hommes et les femmes ?
C.T. :
Les hommes ont un rapport au corps tout aussi complexe que nous. La seule différence est que ça ne se porte pas aux mêmes endroits. Eux, leur stress intense c’est la perte de cheveux. Ça peut paraître ridicule, mais pour eux c’est vraiment une grosse épreuve. Il y a aussi le fait de prendre du ventre. Ils ne grossissent pas des hanches mais prennent du bide. J’ai aussi voulu aborder le fait que parfois on se trompe en pensant que les hommes n’aiment que les femmes minces. Alors qu’ils sont nombreux à aimer les femmes rondes. Il ne suffit pas de se dire « tiens je vais être mince pour récupérer mon mari », parce que si ça se trouve votre mari aime bien les formes et ça se trouve il a changé de sexualité !

« La crise a profondément changé les habitudes de consommation de films, d’images… »

Votre fille, Johanna Piaton, a un rôle dans ce film. Elle est la petite dernière de vos trois filles. Est-ce que le poids est un sujet de conversation entre vous quatre ?
C.T. :
Bien sûr. Comme toutes les femmes et comme toutes les adolescentes qu’elles ont été, elles ont été confrontées à ça et maintenant ça les interpelle en tant que mères. Deux d’entre elles sont mamans de jeunes enfants. Je peux vous dire que le rapport à l’alimentation des enfants, a évolué. Elles font super attention au sucre, aux graisses, etc.

Votre entourage a-t-il vu le film ?
C.T. :
Ils l’ont vu, ils y ont participé. On est tous tellement proches les uns des autres qu’ils ont assisté à toutes les étapes de la fabrication du film. Ils étaient tellement impliqués. Je crois que ça les a intéressés.

Après le succès fulgurant du premier film, quelles sont vos attentes pour celui-ci ?
C.T. :
On est dans un monde complètement différent et on traverse une crise dans le cinéma. On ne l’avait pas vue venir. Je ne sais pas comment on va s’en sortir. Nous sommes tous complètement perturbés par ce qu’ils en passe en ce moment. On a été très déçus par le nombre d’entrées en salles. Mais nous sommes tellement nombreux dans ce cas là que personne n’ose se plaindre, tout le monde est logé à la même enseigne. Il y a une inquiétude pour l’avenir surtout. Comment va-t-on faire pour attirer les gens dans les salles ? La crise a profondément changé les habitudes de consommation de films, d’images… Il n’y a plus du tout la prise de risque, ni la curiosité d’aller découvrir un film.

Source: Lire L’Article Complet