Sur le tournage tendu des « Grands ducs », de Patrice Leconte, en 1995, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle s’amusent, me testent et se moquent de Philippe Noiret. Jean-Pierre me fait enfin un signe qui m’aide à respirer.
Le cinéaste Patrice Leconte, qui habite comme moi à Montparnasse, me téléphone : il voudrait me proposer un scénario. Je l’invite à grignoter à la maison. Il ne mange rien, ne fait que me décrire les ressorts de son « road-movie ». Il me quitte en me laissant le manuscrit. Je me jette dessus et suis conquise par cette histoire de trois acteurs ringards qui jouent les imposteurs en tournée sur les scènes de théâtre. Leconte a pensé à moi pour jouer Carla Milo, une sorte de pétasse émerveillée d’elle-même face à ces trois baltringues. Quand j’apprends que les trois baltringues s’appelleront Noiret, Rochefort et Marielle, je tremble ! C’est du lourd. On démarre avec une lecture dans un salon de l’hôtel Raphael, ma première avec des stars de cet acabit.
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On commence à tourner en faisant des essais de séquences au théâtre de l’Athénée. Par exemple, je dois leur taper dessus en m’énervant. J’évite Noiret, d’instinct… Je m’en donne à cœur joie sur les deux autres, qui se marrent. Deuxième test au théâtre d’Enghien, où je joue avec une jambe faussement plâtrée, mimant la peur de faire une phlébite. Troisième test : je dois hurler contre Noiret dans un restaurant : « Je ne mettrai pas ma tournée en danger à cause de trois trous du cul de complément ! » Je m’en souviens encore. J’ignore toujours si je vais être confirmée dans mon rôle… Avec ces monstres, c’est une épreuve de résistance nerveuse. Ils ne me parlent pas, jouant vraiment leurs personnages qui me snobent. Heureusement, je comprends la déconnade. Et ils déconnent. Surtout Marielle et Rochefort. Marielle, c’est le meneur, Rochefort, celui qui met de l’huile sur le feu. Noiret, à l’époque, est la plus grosse vedette des trois en matière de box-office. D’ailleurs, c’est le mieux payé. Les deux autres s’en méfient. Lui ne se prive pas de les faire bisquer : « Je crois que je suis pressenti pour présider les César… »
Enfin, au terme d’une ultime séquence test, je vois Marielle, qui se laisse volontiers emporter par ses colères, me fixer, consterné, regarder ailleurs, puis lever les yeux au ciel, puis regarder ses pieds, pousser un énorme soupir, et recommencer… Je ne sais plus où j’en suis. Il finit par poser longuement son regard sur moi… et me fait un gros clin d’œil appuyé… qui éclaire ma journée. Ouf, je suis acceptée dans le clan ! Les portes s’ouvrent, mon angoisse se dissout.
Quand, au milieu du tournage, je donnerai un pot pour l’équipe, il sera le seul à venir, tout sourire, charmant, faisant honneur aux tartelettes aux fraises et au champagne. Noiret s’excusera : « Je ne peux pas venir, je ne bois plus. » Et Rochefort sera retenu par une soirée « pour enfants handicapés ». Bon. Je le vois encore s’esclaffer quand il obligeait son assistante à lui apporter son plateau de thé fumant tous les jours à 17 heures pile. Il y avait deux tasses sur le plateau. Un leurre : il ne partageait jamais son thé avec personne !
« Hommes-femmes. Ce qu’elles en disent… » (éd. Pygmalion), coécrit avec le journaliste Franck Leclerc. Une série d’interviews intimes de célébrités, de Brigitte Lahaie à Adriana Karembeu…
Elle va entamer le tournage de « 100 % bio », de Fabien Onteniente.
Née à Paris, elle a grandi à Compiègne. Après son bac, elle s’inscrit aux Beaux-Arts en architecture, mais bifurque vers le cours Florent. En 1985, elle s’écrit un one-woman-show. C’est là que Chatiliez la choisit pour incarner la domestique de « La vie est un long fleuve tranquille ». Elle a tourné avec les plus grands, joué dans 70 films et téléfilms, et pas mal au théâtre, où elle fait merveille.
« Je m’appelle Jacob et je ne suis pas juive. Mon nom est d’origine écossaise (les jacobites) par mon père, Breton bretonnant. Du coup, j’ai été plusieurs fois victime d’insinuations antisémites, du genre “évidemment, pour toi…” de la part de gens que je n’aurais jamais soupçonnés… »
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