Récompensée pour l’ensemble de sa carrière par le Prix Nobel de littérature en 2022, l’écrivaine a signé de nombreux ouvrages alliant autobiographie et sociologie.
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« Moi, je vois toujours la domination masculine du monde. » À chacune de ses prises de parole, Annie Ernaux questionne le patriarcat, mais aussi toutes les formes de domination. En mars 2000, invitée de l’émission Des mots de minuit, l’autrice évoque le tableau de Gustave Courbet, L’Origine du monde. Une œuvre mondialement connue qui offre à voir un sexe féminin poilu entre deux cuisses potelées. Dans cet entretien, l’écrivaine souligne la force de ce sexe, qu’on a longtemps considéré comme le sexe faible : « Le pouvoir de procréation de la femme reste toujours cette chose-là qui intrigue les hommes. »
Qui est Annie Ernaux ?
Première autrice française à recevoir le très prestigieux Prix Nobel de littérature, Annie Ernaux naît en 1940 dans une famille modeste de Normandie. Ses parents, ouvriers à l’origine, ouvrent ensuite un café-épicerie à Yvetot. Douée à l’école, la jeune femme fait ses études à l’université de Rouen puis de Bordeaux et obtient l’agrégation. Annie Ernaux devient professeure de français d’abord au collège puis à l’université. Désormais transclasse, elle gardera toujours un complexe quant aux tabliers à fleurs de sa mère et à la pauvreté intellectuelle de son milieu d’origine.
Elle se marie à Philippe Ernaux dans les années 60 avec lequel elle aura deux enfants. Dans ce milieu bourgeois où elle évolue, Annie est l’une des seules femmes à travailler. Alors que ses fils grandissent, elle accorde à l’écriture une part plus importante de sa vie.
Dans ses écrits, Annie Ernaux témoigne de son inadaptabilité, ne se sentant à sa place ni chez les ouvriers ni chez les bourgeois. Adepte de Bourdieu, l’autrice de 82 ans défend encore une idéologie de gauche radicale et féministe.
Une romancière de l’intime et du politique
En 1974, discrètement, elle envoie un manuscrit de son roman autobiographique Les Armoires vides dans lequel elle évoque déjà son ambivalence de classe. La réponse de l’éditeur est positive : elle est désormais publiée chez Gallimard. Annie Ernaux obtiendra le prix Renaudot dix ans plus tard pour La Place, roman où elle couche sur le papier ses souvenirs d’enfance avec son père disparu.
S’interrogeant sur la transmission, la filiation et l’évolution de la société, l’artiste signe Les Années en 2008, couronné par le prix Marguerite Duras et le prix François Mauriac. Cette fresque socio-historique partant des années d’après-guerre jusqu’aux années 2000 est considérée comme l’un de ses chefs-d’œuvre.
Annie Ernaux travaille à dire la honte et à mettre en mots les tabous de la vie des femmes. Son combat féministe traverse un bon nombre de ses ouvrages. L’autrice raconte dans son troisième roman, La Femme gelée, son destin de femme ainsi que celui de sa mère et de sa grand-mère, qui ont été des modèles hors des stéréotypes de genre. Dans L’évènement, adapté en 2021 au cinéma par Audrey Diwan, l’écrivaine fait le récit de son avortement clandestin qui a manqué lui coûter la vie en 1963. Elle raconte dans Mémoire de fille (2016) son entrée traumatisante dans la sexualité et la honte qui en découlera.
En 2022, la romancière présente à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes un documentaire : Les Années Super 8. Elle écrit ses souvenirs et pose sa voix sur des images familiales muettes, tournées par son ex-mari alors qu’ils possèdent l’une des premières caméras couleurs.
Une carrière significative et reconnue grâce à ce prix Nobel, qu’on lui attribue pour « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle« .
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