AliceCatDesigner est, comme elle le dit elle-même, une extraterrestre. Nous avons rencontré cette influenceuse, designer graphique et chanteuse qui parle avec franchise et lucidité de relation amoureuse toxique, d’anorexie/boulimie et révèle: "Instagram est devenu la base de ma vie".
Une chanson au titre évocateur pour celle qui a aussi vécu un véritable cauchemar avec un pervers narcissique et qui est tombée dans la spirale infernale de l'anorexie. Nous avons rencontré cette battante qui est très engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Ambassadrice de l'association De l'ombre à la lumière qui vient en aide aux femmes en danger, elle est bien décidée à s'accomplir pleinement après avoir franchi un obstacle qui lui semblait insurmontable.
"J'étais quasiment aveugle de l'œil gauche"
A la naissance, vous aviez un défaut visuel important : est-ce que ce handicap vous a rendue plus forte ?
AliceCatDesigner : Je suis née avec un strabisme divergent et une myopie très forte donc j'étais quasiment aveugle de l'œil gauche. J'ai passé toute la maternelle et le primaire à faire de la rééducation des yeux. Je portais même un cache à l'œil droit. Aujourd'hui je ne vois pas beaucoup et j'ai une vision monoculaire. L'avantage quand on a un handicap, c'est qu'on met en place un procédé de compensation. Dans mon cas, tout a été exacerbé: le langage, la créativité et l'oreille
L'art a-t-il une importance particulière ?
AliceCatDesigner : Ma famille est très créative. Ma grande mère était poète, ma tante fait du piano et ma mère du piano et de la guitare. Mon père avait beaucoup de coffre donc il chantait tout le temps. Ils m'ont donné l'amour de la musique française et de la variété, du jazz, du classique, des Beatles et de Simon & Garfunkel. Ils m'ont mis au solfège et au piano. Mais ce que j'aimais le plus c'était chanter !
"Je suis passée d'une taille 12 ans à une taille 44"
A l'adolescence, vous avez commencé à complexer : pour quelles raisons ?
AliceCatDesigner : A la puberté, je suis passée d'une taille 12 ans à une taille 44 en l'espace de quelques mois. Je suis devenue une femme exacerbée, mais je n'étais pas prête. Je l'ai très mal vécu. J'ai commencé à faire des régimes à 13 ans ce qu'il ne faut jamais faire pendant l'adolescence. Plus tard ont commencé les troubles alimentaires qui se sont aggravés par la suite
"L'anorexie est devenue boulimie puis hyperphagie"
Quand avez-vous rencontré l'homme qui est devenu votre bourreau ?.
AliceCatDesigner : En terminale je suis allée rendre visite à mon frère qui était en échange universitaire à Casablanca. J'ai rencontré ce garçon qui avait 23 ans et moi 17 ans. Je me suis dit: " Enfin un garçon qui s'intéresse à moi ". Nous avons entamé une relation à distance et le processus de l'emprise a commencé. Il me disait qu'il était en couple mais qu'il n'osait pas quitter sa compagne car elle était folle. Évidemment je l'ai cru. Lentement, je me suis installée dans cette relation qui allait détruire. Pendant mes études, j'ai demandé un échange universitaire à Casablanca. La situation a empiré et mes troubles du comportement alimentaire aussi. Cet homme m'interdisait de sortir, d'aller dans un bar ou de parler à des garçons. L'anorexie s'est vraiment installée, puis elle est devenue boulimie et hyperphagie. Je suis rentrée dans une spirale infernale car l'anorexie était à la fois ma meilleure amie et une mort lente et douloureuse. A la fin, c'était le seul but dans ma vie comme si elle était le seul moyen de sortir. J'ai fini par emménager au Maroc mais mon compagnon, qui était un pervers narcissique, a commencé à avoir des comportements délirants et des colères terribles. J'avais le syndrome de l'infirmière avec lui et je l'excusais tout le temps.
"Au Maroc, mon compagnon était un pervers narcissique"
Quel a été le déclic ?
AliceCatDesigner : Je suis restée pendant 6 ans avec lui mais je suis devenue plus mature avec les années. J'ai commencé à réaliser qu'il n'avait pas à intervenir dans mon travail. D'autre part, l'anorexie m'épuisait. Je perdais mes cheveux, j'avais mal aux dents et je faisais de l'œsophagite. Je n'avais plus mes règles et j'avais des ovaires polykystiques. Par chance, durant l'été 2014, mes parents ont loué un gite dans le sud de la France. Je suis allée les voir sans mon conjoint et je me suis autorisée à aller à la fête du village. Je me suis pris une claque car j'ai réalisé que les autres jeunes étaient sympathiques alors que mon conjoint me répétait sans cesse que les hommes étaient tous des ordures. Quand je suis rentrée au Maroc, j'ai réalisé que je n'avais pas de vie. Deux mois après, j'ai commandé un camion de déménagement et je suis partie sans savoir où j'allais. Je me suis installée chez une amie avant de rentrer en France.
"Instagram est devenu la base de ma vie et l'extension de mon âme"
Depuis vous avez été obligée de repartir à zéro mais, étrangement, cela n'a pas semblé difficile pour vous ?
AliceCatDesigner : J'avais une force incroyable. Cette emprise psychologique est tellement abominable qu'après tout semble simple. Pourtant j'ai eu des problèmes en France: j'ai eu une associée avec qui cela s'est mal passé et je suis allée aux prudhommes mais ces épreuves ont été ridicules comparativement à tout ce que j'avais surmonté avant.
En 2018 vous avez décidé de vous raconter sur les réseaux sociaux. C'était une façon d'aider les autres ou de communiquer sur ce que vous aviez vécu ?
AliceCatDesigner : J'ai commencé à utiliser les réseaux sociaux pour mettre en avant mon métier de designer graphique Sauf que j'ai réalisé que les posts qui fonctionnent étaient ceux de mon compte perso et pas ceux de mon compte pro. Je me suis donc concentrée sur ce que les américains appellent du personnal branding qui consiste à raconter sa vie tout en racontant son métier. Plus je racontais ma vie, moins j'avais de troubles du comportement alimentaire. Petit à petit c'est devenu une activité professionnelle. Je me suis fait un réseau et j'ai développé mon activité. Instagram est devenu la base de ma vie et l'extension de mon âme.
"Être pulpeuse et bien dans mon corps est un combat que j'ai réussi à mener"
L'image que vous renvoyez peut déranger…
AliceCatDesigner : Les féministes ne comprennent pas comment je peux défendre la cause des femmes alors qu'elles me considère comme hypersexualisée et siliconée. Ce qu'elles ne savent pas, c'est que j'ai été anorexique et qu'on m'interdisait de m'habiller comme je voulais. Être pulpeuse et bien dans mon corps est un combat que j'ai réussi à mener. En France on colle des étiquettes. Tu es refaite : tu es bête. Tu es maquillée : tu es superficielle. Tu es simple : tu es négligée. J'ai donc décidé d'assumer d'être un extraterrestre et d'avoir l'âme d'Arthur Rimbaud et le physique de Loana. On peut tout être : il suffit simplement de l'expliquer.
Comment êtes-vous arrivée dans le monde de la musique ?
AliceCatDesigner : En 2020, j'ai reçu un message de mon futur manager qui m'a proposé de participer à une compilation d'influenceurs mais ils se sont petit à petit désistés. Il m'a envoyé enregistrer en studio une chanson pré écrite qui s'appelait parfait. Mais j'ai dit au compositeur qu'elle ne me correspondait pas. Nous avons réécrit et recomposé et nous avons fait la chanson PN (j'ai fait le job).
Quels sont vos projets ?
AliceCatDesigner: J'ai plusieurs singles qui sont prêts mais je continue toujours mes autres activités et mes formations en digital. On n'a qu'une vie et donc qu'une chance. J'ai 30 ans et il est hors de question que je n'ai qu'une étiquette. Je ferai tout ce que j'ai envie de faire et je ne m'arrêterai pas.
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