Dans une longue enquête – fruit de sept mois de travail – publiée par Médiapart dimanche 3 novembre, l’actrice Adèle Haenel accuse le réalisateur Christophe Ruggia de l’avoir sexuellement harcelée lorsqu’elle avait entre 12 et 15 ans. La comédienne raconte avoir voulu briser un « silence devenu insupportable ». Le réalisateur nie les accusations.
Pour Adèle Haenel, le « silence était devenu insupportable ». Dans une longue enquête publiée par Médiapart dimanche 3 novembre, la comédienne accuse le réalisateur Christophe Ruggia d' »attouchements » et de « harcèlement sexuel » , lorsqu’elle avait entre 12 et 15 ans. Agée aujourd’hui de 30 ans, Adèle Haenel explique avoir voulu parler pour « raconter un abus malheureusement banal, et dénoncer le système de silence et de complicité ». Auprès de nos confrères, et pendant plusieurs mois, l’actrice s’est confiée sur cette relation qu’elle « considère clairement comme de la pédophilie et du harcèlement sexuel ». Tout a commencé en 2000 lorsque Christophe Ruggia la fait tourner dans Les Diables. La petite fille, qui n’était alors âgée que de 11 ans, « passe du statut d’enfant banal à celui de promesse d’être ‘la future Marilyn Monroe' ».
Sur le tournage, de nombreuses personnes assistent impuissantes à cette relation « anormale ». Pendant sept mois, Médiapart a recueilli une trentaine de témoignages à charge contre le réalisateur. « On avait l’impression que c’était sa fiancée », se souvient notamment la régisseuse générale. Et « l’emprise » que Christophe Ruggia exerçait a continué une fois le film terminé. Dans l’appartement parisien de celui qui approchait alors la quarantaine comme dans les festivals, la comédienne affirme avoir subi des « attouchements » répétés. « Il me collait, m’embrassait dans le cou, sentait mes cheveux, me caressait la cuisse en descendant vers mon sexe, commençait à passer sa main sous mon T-shirt vers la poitrine. Il était excité, je le repoussais mais ça ne suffisait pas, il fallait toujours que je change de place », explique Adèle Haenel à Médiapart, qui continue : « Je me sentais si sale que j’avais envie de mourir ». En 2005, elle a donc mis un terme à leur relation.
Christophe Ruggia nie les accusations
« Ce jour-là, je me suis levée et j’ai dit : ‘Il faut que ça s’arrête, ça va trop loin’. Je ne pouvais pas assumer de dire plus. Jusque-là, je n’avais pas mis les mots, pour ne pas le heurter, pour ne pas qu’il se voit lui-même en train d’abuser de moi », raconte l’actrice doublement césarisée. Adèle Haenel est ensuite tombée dans la dépression et la panique chronique. Incapable d’en parler à ses proches – y compris à ses parents -, elle confie avoir eu « honte » et avoir pensé que « c’était de (s)a faute ». Jusqu’au jour où elle a ouvert ses douloureux souvenirs à la réalisatrice Céline Sciamma, auprès de laquelle elle a revu les Diables. « Adèle pète un plomb, s’évanouit, hurle. C’était d’une douleur… Je ne l’avais jamais vue comme cela », se souvient-elle. Aujourd’hui, Adèle Haenel ne compte pas porter plainte contre Christophe Ruggia. Ce qu’elle veut, c’est relancer le débat après le mouvement #MeToo.
« Ce n’est pas parce qu’on est victime qu’on doit porter la honte, qu’on doit accepter l’impunité des bourreaux. On doit leur montrer l’image d’eux qu’ils ne veulent pas voir », lance-t-elle dans Médiapart. Pour « briser un nouveau tabou », comme le titrent nos confrères, Adèle Haenel est même prête à faire une croix sur sa carrière s’il le faut. Contacté à de nombreuses reprises, Christophe Ruggia a nié les faits par le biais d’un communiqué transmis par ses avocats. « La version, systématiquement tendancieuse, inexacte, romancée, parfois calomnieuse que vous m’avez adressée ne me met pas en mesure de vous apporter des réponses, répond-il. Je souhaite en tout cas que vos lecteurs sachent que je réfute catégoriquement avoir exercé un harcèlement quelconque ou toute espèce d’attouchement sur cette jeune fille alors mineure. »
Crédits photos : Bestimage
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