"40 ans bientôt et je m’en réjouis !" : la quarantaine vue par quatre femmes humoristes

Mordantes, le regard aiguisé, l’art de la provocation bien balancée : malgré la morosité ambiante, ces dames de piques déploient leurs armes de dérision massives en n’épargnant rien ni personne. Échanges à rires ouverts.

Marina Rollman, grain de folie

Dans quel état d’esprit vous levez-vous le matin ?
Heureuse.

40 ans, c’est ?
Bientôt ! Et je m’en réjouis. J’étais peu fan de la vingtaine, j’aime beaucoup la trentaine, je suis sûre que ça va aller en se bonifiant.

Quels tics de l’époque vous font sourire ?
L’obsession de la santé, la quête de pureté, les détox… Je trouve touchant, vain et assez comique d’avoir remplacé une forme de foi religieuse par le culte du corps.

… vous chagrinent ?
La frénésie, la surabondance des modes qui vont et viennent, et l’information en flot continu.

Qu’est-ce qui vous fait hurler de rire ?
Les femmes et leurs contradictions. Une femme hyper apprêtée qui peut être extrêmement vulgaire, ou une femme tout en douceur capable d’une violence sans nom.

… pleurer ?
En ce moment, j’ai la stabilité émotionnelle d’une pantoufle : donc, à la fois une belle fleur ou une micro mauvaise nouvelle.

Quelle espèce de déconfinée êtes-vous ?
Complètement asociale, je n’ai toujours pas vu de proches.

Le confinement a-t-il été un temps d’introspection ?
J’espère qu’il l’a été pour tout le monde un questionnement sur la possibilité d’un monde plus décroissant.

… de création ?
Cela a été une petite résidence d’écriture.

Qu’avez-vous appris sur vous ?
Que je ne plaisantais pas quand je disais depuis des années que je n’avais pas particulièrement envie de sortir de chez moi.

… sur les autres ?
Que beaucoup plus de gens que je ne le croyais ont envie d’en faire moins, mais sont incapables de ralentir si tout le monde ne ralentit pas en même temps qu’eux. Davantage que l’ambition, c’est la compétition qui les motive.

Une humoriste par temps de distanciation sociale ?
C’est beaucoup, beaucoup, beaucoup de blagues envoyées à des proches par message pour récolter l’approbation qu’on obtient d’habitude via la scène.

Une nouvelle forme de culture à inventer ?
On ne met pas les bonnes personnes en une des magazines. Il convient de repenser le rapport à la célébrité.

Votre obsession du moment ?
Mad Men. Je reregarde la série, et c’était assez adapté au confinement puisque ce sont des gens qui, dans un monde hyperviolent et inégalitaire, ne font plus ou moins que manger, boire, fumer ou faire l’amour dans les trois mêmes décors, en se posant des grandes questions sur la vie, et ce, à l’aube d’un changement d’époque.

Qu’allez-vous changer chez vous après cette crise ?
Je vais essayer de trouver un jardin.

Votre dernière pensée en vous couchant ?
Dors !

En vidéo, le spécial Cannes d’Elsa Zylberstein de mèche avec John Nollet

Melha Bedia, l’art du cash

« Quarante ans c’est l’acquisition d’une maison de campagne et d’un Golden Retriever. »

Dans quel état d’esprit vous levez-vous le matin ?
Vivante. Donc, en tant qu’hypocondriaque, c’est forcément une bonne nouvelle.

40 ans, c’est ?
L’acquisition d’une maison de campagne et d’un Golden Retriever.

Qu’est-ce qui vous fait hurler de rire ?
Alison Wheeler.

… rire jaune ?
Les postiers (rapport au jeu de mots).

… pleurer ?
Le pollen et autres rhinites saisonnières.

Sur scène, vous vous en prenez à qui ?
À mes vergetures.

Quelle espèce de déconfinée êtes-vous ?
Une masquée qui provoque de la buée sur ses lunettes.

Le confinement a-t-il été un temps d’introspection ?
J’ai surtout compris que j’aimais plus le grignotage que la méditation sur Petit Bambou.

… de création ?
Forte, mon film sur l’acceptation de soi, est sorti pendant le confinement.

Qu’avez-vous appris sur vous ?
Que je n’irai plus déranger les hôpitaux de Paris en cas de crise d’hypocondrie.

… sur les autres ?
Qu’il fallait augmenter les salaires du personnel hospitalier et des caissières.

La meilleure blague, le meilleur trait d’humour qui a circulé ?
La photo du Dr Raoult, il est entre Renaud et Patrick Sébastien, physiquement : j’adore !

Une humoriste par temps de distanciation sociale ?
Des blagues qu’il faudra comprendre malgré la barrière d’un mètre.

Votre obsession du moment ?
Le Gaviscon à la menthe.

Une punchline ?
Dans mon spectacle, je dis : « Le problème c’est que la seule vierge connue, c’est Jeanne d’Arc, dite la pucelle d’Orléans. Donc la seule vierge connue est folle, névrosée et égérie du Front National… Comment tu veux que je m’identifie à elle ? »

L’homme 2020 ?
Édouard Philippe, sa barbe mi-poivre mi-sel me fait un véritable effet.

Et la femme 2020 ?
Valérie Lemercier.

Qu’allez-vous changer chez vous après cette crise ?
Mon canapé.

Votre dernier texto, c’était pour qui ?
Leïla Bekhti.

Un casting de dîner pour cet été ?
Le professeur Raoult et Zinedine Zidane.

Quel monde d’après appelez-vous de vos vœux ?
Plus solidaire et… plus hygiénique aussi.

Votre dernière pensée en vous couchant ?
Est-ce que je reprends un Gaviscon ?

Noémie de Lattre, drôle de féministe

« Mon bonheur est désormais en moi, et rien ni personne ne peut plus le menacer. »

Dans quel état d’esprit vous levez-vous le matin ?
Un petit pinson tout gai avec une haleine de yack.

40 ans, c’est ?
En quelques mois, j’ai eu 40 ans, j’ai appris du jour au lendemain que ma mère était condamnée à très court terme. Pour la première fois de ma vie, j’ai eu un anniversaire surprise merveilleux, puis ma demi-sœur est morte à cinquante ans, puis mon parrain est mort, puis mon père a subi une trachéotomie, puis mon chat est mort, puis ma mère est morte, puis ma tante est morte, puis mon père est entré à l’hôpital, puis ma psy a quitté Paris, puis mon père est mort, et enfin mon mec m’a quittée. En moins d’un an. (Oui, je suis humoriste.) Et depuis, je suis forte, libre, heureuse et pleine. Mon bonheur est désormais en moi, et rien ni personne ne peut plus le menacer.

Quels tics de l’époque vous chagrinent ?
Depuis #MeToo, une prise de conscience des enjeux féministes a débuté. Malheureusement, ce phénomène s’accompagne d’un autre phénomène : le «backlash» (le retour de bâton). Une montée de réactions masculinistes plus ou moins violentes, qui vont du meurtre de femmes à cette question trop souvent entendue dans la bouche de copains et qui revient comme un tic : «Ah ! d’accord, donc on peut plus draguer, on peut plus faire de blagues, on peut plus rien dire, c’est ça ?»… Comme si c’était une priorité absolue au regard de toutes les inégalités, parfois mortelles, que subissent les femmes en France et partout dans le monde. (Si si, je suis humoriste, je vous jure !)

Le confinement a-t-il été un temps d’introspection et de création ?
J’ai fait deux-en-un sur ce coup-là ! Je me suis lancée dans l’écriture d’une autofiction : un journal intime à deux entrées, une en mars 2005, une en mars 2020, au premier jour du confinement. La Noémie d’aujourd’hui relit celle du passé pour essayer de savoir comment on peut être féministe et hétéro, ce qui est, je trouve, une sacrée galère !

Qu’avez-vous appris sur vous et sur les autres ?
J’ai appris que je ne valais pas mieux que les autres, et que les autres n’étaient pas pires que moi ! Donc je vais arrêter de les traiter de cons dès que leur comportement n’est pas conforme à mes attentes. Par exemple, j’ai fait partie de ceux qui hurlaient «Restez chez vous !» à tout bout de champ, sans comprendre que c’était facile pour moi, privilégiée Parisienne, d’obtempérer à cette injonction.

Ça me l’a fait aussi avec le masque : «Mais, qu’il est con celui-là avec son masque autour du cou !» Et puis, deux jours plus tard, j’ai des irritations sur les pommettes et je transpire de la moustache tellement j’ai chaud, alors je baisse mon masque quelques minutes. Et je suis certaine qu’à ce moment quelqu’un a dû me regarder en se disant : «Mais, qu’elle est conne celle-là avec son masque autour du cou !» C.Q.F.D.

Nora Hamzawi, humour à vif

« Quarante ans c’est l’élégance. »

Dans quel état d’esprit vous levez-vous le matin ?
Quelque chose à mi-chemin entre Bree Van De Kamp, de Desperate Housewives, et Gérard Klein dans L’Instit.

40 ans, c’est ?
L’élégance. Je me souviens très bien des 40 ans de ma mère, elle les a eus au début des années 1990, au moment de la pub Trésor de Lancôme, dans laquelle jouait Isabella Rossellini, filmée par Peter Lindbergh dans Paris. Depuis, j’ai toujours associé les 40 ans à une forme de grâce et de féminité libre.

Quels tics de l’époque vous font sourire ?
Depuis les masques, on est tous obligés d’accentuer nos sourires et nos expressions pour se faire comprendre. J’aime bien qu’on se fasse de gros yeux et que la vie se transforme en commedia dell’arte.

… vous chagrinent ?
Le manque de pudeur. Je n’aime pas l’idée du post «performatif», cette idée qu’on doit faire savoir ses goûts, ses émotions, ses pensées sur les réseaux sociaux pour que ça existe.

Qu’est-ce qui vous fait hurler de rire ?
Larry David et sa série Curb Your Enthusiasm .

Le confinement a-t-il été un temps d’introspection ?
Non, pas vraiment. Je trouve que l’introspection est un luxe et, là, il s’agissait plutôt de communion, de penser au monde plutôt qu’à soi.

… de création ?
Dans la mesure où c’était une situation anxiogène, j’ai essayé d’en sortir quelque chose par le biais de mon podcast. Ça a aussi été une joie de découvrir que ça pouvait faire du bien aux auditeurs, à distance.

Qu’avez-vous appris sur vous ?
Que je pouvais me nourrir essentiellement d’aubergines pendant une petite période.

… sur les autres ?
Qu’ils pouvaient aussi se nourrir essentiellement d’aubergines, si on les cuisinait.

La meilleure blague, le meilleur trait d’humour qui a circulé ?
J’ai aimé écouter Thomas VDB.

Une humoriste par temps de distanciation sociale ?
J’ai suivi tous les dessins des illustrateurs du New Yorker ,particulièrement Liana Finck. J’aime aussi beaucoup Terreur Graphique.

Quel fil Twitter, compte Instagram, quelle chaîne YouTube suivez-vous ?
Je suis @newyorkercartoons sur Instagram, et aussi les chefs que j’aime : Simone Tondo, le chef de Racines, Cyril Lignac, et Takuya Watanabe (@takuparis), chef de Jin, mon resto préféré au monde.

L’homme 2020 ?
Invisible.

La femme 2020 ?
Fantômette.

Votre dernière pensée en vous couchant ?
Je peux décorer des lieux imaginaires dans ma tête. Ou encore voyager de nuit à bord d’un train couchette dans un paysage que j’ai inventé. Ne me jugez pas !

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