Un peu plus de vingt ans ont passé depuis son sacre lors des Miss France. Mais si l’événement a changé sa vie, elle, n’a presque pas changé. À l’occasion des 20 ans de Public, Élodie a accepté de jeter un œil dans le rétroviseur. Son élection, ses rêves de jadis, le conte de fées des Miss, sa carrière, son amour pour Bertrand Lacherie, ses joies et ses craintes de maman, durant près de deux heures, elle s’est confiée avec spontanéité, gentillesse, humour et autodérision. Rencontre avec une femme d’exception !
Public : Vous étiez sur le point de fêter vos 20 ans lorsque vous êtes devenue Miss France, un sacré cadeau non ?
Élodie Gossuin : J’ai été élue le soir où je devais les fêter. Du coup, je ne les ai jamais fêtés. Enfin si, sur la scène du Grimaldi Forum Monaco, devant des millions de téléspectateurs. Mais en même temps, quel cadeau.
Quelle jeune femme étiez-vous à 20 ans ?
Bourrée d’illusions, d’utopies. Je venais d’intégrer une école d’infirmière après avoir traversé une année difficile en fac de médecine. J’étais retournée chez mes parents avec mon petit frère et ma petite sœur. J’avais besoin de ce cocon. Je voulais être sage-femme ou infirmière en maternité, même si je craignais un peu les stages compliqués en gériatrie, en long séjour. Je me savais fragile psychologiquement du fait de mes propres fêlures.
“Je suis une hypersensible”
C’est-à-dire ?
Ma vie perso, notamment amoureuse, n’était pas super facile à l’époque… J’ai toujours eu une fragilité. Je sais que le terme est à la mode mais je suis une hypersensible pour de vrai. Ça peut être compliqué. Mais c’est devenu une force aussi : je sais que je peux pleinement me fier à mon intuition et fais en sorte de m’éloigner des gens toxiques ou qui ne sont pas bienveillants.
Quelle étudiante étiez-vous ?
Très studieuse, toujours à vouloir rendre fiers mes parents. Je faisais alors beaucoup les choses en fonction des autres. Depuis, j’ai changé…
Qu’aurait été votre vie si vous n’aviez pas gagné ?
J’avais eu droit à une permission de trois semaines pour la préparation de Miss France. J’aurais réintégré l’école d’infirmière. J’aurais basculé vers une formation de sage-femme. Mes meilleurs amis exercent dans le paramédical. Ma meilleure amie est infirmière. J’ai des amis pompiers. Je leur voue une grande admiration. Travailler autant d’heures pour si peu, c’est un sacerdoce. Ah, et puis, je n’aurais peut-être pas rencontré mon mari, puisqu’on avait une amie en commun qui participait à l’élection de Miss France avec moi. Donc oui, cette élection a changé ma vie, c’est sûr.
Positivement ?
Assurément, c’est un conte de fées.
Sans revers ?
Si, la médiatisation et la mise en lumière des proches. Je me souviens d’un journaliste qui était allé frapper à la porte de chez mes parents lorsque j’ai été disqualifiée de Miss Univers pour cette folle histoire de transsexualité, avec Donald Trump derrière tout ça. Le gars voulait mon un acte de naissance… Violent.
©Julien de Fontenay/Public
En vingt ans, qu’est-ce qui a changé en vous ?
J’ai les mêmes racines, je vis dans le même village. J’essaie d’être digne de l’éducation reçue de mes parents, qui ont toujours bossé comme des fous et qui sont à peine à la retraite maintenant. J’ai su très tôt que rien ne tombait du ciel. Après, j’adore vivre dans cette précarité, entre guillemets, au sens où je ne sais jamais de quoi mon lendemain sera fait. Je vis profondément au temps présent. Tout se fait à l’arrache, et cette instabilité, ces surprises permanentes dans ma carrière, m’excite. Mon métier, c’est comme un voyage perpétuel dont j’ignore tout le temps la destination. J’ai quand même changé parce que j’ai appris à dire non. Avant je me justifiais sans cesse dans le souci de ne pas blesser. Toujours en me mettant à la place des autres. C’était épuisant.
Miss France un jour, Miss France toujours ?
L’étiquette de Miss peut enfermer. Dans le milieu de la mode ou de la comédie, certaines peuvent avoir besoin de s’en défaire. Pour moi, c’est une case populaire, au sens noble du terme. J’adore. Et disons-le, c’est une clé incroyable. Tu débutes dans l’existence, on t’offre une voiture, un appart’, tu voyages dans le monde entier. Et ça ne s’est pas arrêté. J’ai vécu 10 000 vies. Le rallye Paris-Dakar, des défilés à Dubai ou en Grèce, faire partie d’un jury en Russie, présenter une émission à Abou Dabi en anglais, faire de la radio, de la télé. Ça donne aussi, je pense, à beaucoup d’entre nous l’envie de montrer que nous ne sommes pas que des reines de beauté, juste bonnes à défiler en bikini. Miss, c’est pas seulement kiffer se regarder le matin dans le miroir en s’embrassant les bras. Je pense que mon passage en politique, c’était aussi ça : montrer autre chose.
“Je n’ai pas une image qui attise la haine”
Avoir été reine de beauté, est-ce que cela oblige à rester belle, que ça met la pression ?
Dans le regard que je porte sur moi, sur mon corps, non, mais dans le regard des autres, oui, je pense qu’on reste une Miss France pour toujours. Alors oui, je peux me dire que l’écharpe m’allait mieux il y a vingt ans, mais je la garde précieusement dans mon placard. Sans pression. Au quotidien, je suis la plupart du temps pas maquillé, sortant de mon jardin les chaussures pleines de boues pour aller chercher les enfants à l’école.
Si vous pouviez choisir entre l’ombre et la lumière…
La lumière ne m’a jamais empêché de mener une vie normale. Je n’ai pas une image qui attise la haine. On ne m’insulte pas dans la rue. Et mon image n’est pas suffisamment forte pour que je ne puisse pas faire un pas tranquille. Même en vacances. Les gens sont sympas et respectueux avec moi.
Les réseaux sociaux vous permettent-ils un contrôle total de votre image ?
J’ai eu la chance de voir naître les réseaux. Miss France reste un programme de téléréalité ou une inconnue est soudain propulsée dans la lumière. Au départ, on ne maîtrise pas les armes ni les règles. À l’époque, je recevais des courriers tous les jours. Et les réseaux sont arrivés. J’ai eu le temps de me familiariser avec leur utilisation. J’y maintiens cette règle : ne pas tricher. Quand je poste une photo, je ne vais pas prendre la plus pourrie, mais hors de question que je devienne quelqu’un d’autre.
Avez-vous des haters ?
Non. Je reçois parfois des commentaires désobligeants, notamment sur le fait qu’une mère de quatre enfants ne devrait pas travailler autant ou que j’aurais quatre nounous et que je ne saurais pas changer une couche. Mais pas de malveillance. Et tant mieux parce que je déteste les conflits. J’essaie toujours de faire en sorte, sans hypocrisie, d’être conciliante, d’éviter d’en arriver à une rupture ou à une douleur. Sur les réseaux c’est pareil. Raison pour laquelle je me garde d’inter venir sur certains sujets polémiques.
Vous êtes célèbre mais vous semblez être restée simple. Quelle est votre recette ?
Il faut peut-être demander à ceux qui me connaissent. (Elle se tourne vers Mélinda, sa maquilleuse depuis des années.)
Mélinda : Elle se remet beaucoup en question. Elle est très exigeante avec elle-même. Elle s’excuse toujours. Elle est en demande de conseils, très à l’écoute et très respectueuse.
Élodie : J’ai besoin de savoir si je suis restée moi-même, la télé peut vite vous faire adopter une posture qui n’est pas la vôtre, j’y veille. Après, c’est vrai que je suis trop perfectionniste. Je ne pars pas si tout n’est pas OK au boulot. Certes, je me fatigue. Mais la récompense, c’est que depuis vingt ans, je travaille avec les mêmes gens, j’ai instauré des rapports de confiance. Je respecte. On me respecte. Moi je veux mourir sur scène, en tournage pour M6. (Rires.)
Mannequinat, politique, médias, publicité, vous avez évolué dans des sphères très diverses qu’avez-vous appris dans chacune de ses activités ?
Toutes ces expériences ont été des accélérateurs de vie. Passer d’une foire à un palace. Ça permet de s’adapter à tout, tout le temps.
Quatre enfants et une vie trépidante comme la vôtre, comment faites-vous ?
Évidemment, parfois, c’est pas facile. Je peux avoir des moments de faiblesse, faire une crise de nerfs, ne plus rien gérer, avoir besoin d’aide. Mais globalement, ça roule. Mon entourage est habitué à mon métier. Les petits me demandent mon emploi du temps. Ils ont besoin d’être rassurés. Et ils savent à peu près quand je vais être là. Ou pas là. En plus, je peux toujours solliciter de l’aide auprès de Bertrand et j’ai la chance d’être dans le même village que mon frère, ma sœur et mes parents. Il y a une vraie solidarité familiale. Quand je vois des copines, seules à Paris et mère célibataire, je relativise beaucoup. Pour moi la charge mentale est très lourde, mais je ne suis pas seule à gérer. Et aujourd’hui, à 9 ans pour les petits et 15 pour les grands, on respire mieux… Les cinq premières années, je ne compte pas les jours où j’ai même pas eu le temps de prendre une douche. Les nuits sans dormir, à se réveiller excédée, à ne même plus pouvoir s’adresser la parole avec Bertrand.
“ Mon mari ? C’est parfois un cinquième enfant”
Avec Bertrand, vous avez fêté le 1erjuillet vos noces de rose, dix-sept ans de mariage : comment avez-vous entretenu la flamme ?
En écoutant nos besoins et nos envies. Avec le temps, certains ne sont plus prêts à faire des concessions, à vivre des vies de famille. Nous, nous avons toujours évolué dans l’équilibre, la confiance, laissant à l’autre sa liberté. En respectant certaines phases. Parfois, la passion se mue en amitié. À deux reprises, la femme, l’amante, s’est transformée en mère. Le secret, c’est de communiquer, de ne pas avoir peur. Et de regarder dans la même direction. Pour nous, la vie n’est pas un long fleuve tranquille et c’est tant mieux. Et puis avec mon mari, c’est un one man show tous les jours à la maison. Parfois, c’est un peu lourd parce que j’ai l’impression d’avoir cinq enfants. Mais c’est drôle.
Vous êtes plus visible que lui ? Est-ce facile à vivre pour lui ?
Si ça avait été un problème, on ne serait sans doute plus ensemble. Le point principal, c’est que tout ce qui découle de la médiatisation n’a pas d’impact négatif sur nous. Et de son côté, il n’y a aucune jalousie, il vit très bien sa situation. Et moi, de mon côté, jamais de la vie je ne vais mettre en avant mes privilèges ou mes finances. Entre lui et moi, tout est en commun depuis toujours. On a trouvé notre équilibre. On est très complémentaires. Il est tout ce que je ne suis pas. Il ne juge pas. C’est la personne la plus généreuse que je connaisse au monde. Ça force l’admiration.
Jules et Rose auront 20 ans en 2027 ?
Quand tu fais des enfants, tout le monde te dit que c’est formidable, mais personne ne te parle des angoisses qu’ils génèrent. Nos deux grands reviennent de deux semaines en séjour linguistique. C’est la première fois qu’ils partaient loin de nous. J’en étais malade. Je les ai déposés à Orly et j’ai suivi leur vol en direct sur Internet. En tant que maman, j’ai peur de les voir déçus, de les voir échouer ou prendre des claques, même s’il faut en prendre sans doute pour avancer. Les enfants, on aimerait les garder dans une bulle. Mais le rôle des parents, c’est de tenir leur main et de savoir la lâcher. Et c’est très dur. Et l’adolescence, c’est terrible. Quand ils ne veulent plus parler, se referment sur eux. Et puis il y a notre monde, qui je pense ne leur fait pas peur, mais qui me fait frémir. Moi, jusqu’à 15 ans, je n’avais connu d’angoissant que la guerre en Irak. Eux, j’ai l’impression qu’ils traversent des choses beaucoup plus compliquées. Entre le Covid, la guerre en Ukraine, je trouve que nos enfants ont perdu plus vite que nous leur naïveté. On voudrait un monde avec plus de Bisounours pour nos petits. On essaie de faire ça à la maison. De ne pas se prendre la tête, de s’autoriser des folies : danser, mettre de la musique, commander des pizzas, faire les devoirs allongés dans le canap si on a envie.
Quels sont vos rêves désormais ?
Professionnellement, plein de choses m’attirent. Des émissions récurrentes que j’aimerais incarner, par exemple. Personnellement, je rêve de partir à l’étranger plusieurs mois avec mes enfants. Découvrir le monde. Je rêve d’avoir un cheval. Que ma maison se transforme en ferme. Ça commence : tomates, choux de Bruxelles et framboisiers poussent dans le jardin. Et puis faire de nouvelles choses à deux. Avec les enfants qui grandissent, on arrive à aller courir tous les deux. Les laisser deux ou trois heures. Bertrand a arrêté la moto quand j’étais enceinte. C’est peut-être l’occasion de s’y remettre, partir faire un road trip en amoureux…
Propos recueillis par Stéphanie Eschenlohr & Cyril Bousquet
Dates clés
15 décembre 1980
Naissance à Reims, avant de déménager en Picardie où elle réside toujours.
9 décembre 2000
©Bestimage
Élodie est élue Miss France et sera sacrée Miss Europe l’année suivante.
1er juillet 2006
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