« Si la police avait totalement fait son travail », Aurélie Langelin « ne serait pas morte », a dénoncé sur FranceInfo ce 25 janvier, Me Damien Legrand, l’avocat de la famille. Après le meurtre d’Aurélie par son compagnon en mai 2021, son entourage est convaincu que la police aurait pu éviter ce féminicide.
Pour éclaircir ce point, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé l’ouverture d’une mission d’inspection pour établir d’éventuels manquements de la police dans le traitement de cette affaire, selon les informations du Parisien.
Cette inspection est réclamée depuis le mois de septembre 2021 par la famille de la victime.
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Présents sur les lieux avant le meurtre
À l’instar d’autres victimes de féminicides comme Chahinez Daoud ou Julie Douib, Aurélie Langelin avait porté plusieurs fois plaintes contre son compagnon violent, ainsi que des mains courantes, depuis 2018. Mais elle n’aurait pas répondu au convocations des enquêteurs, ce qui aurait empêché certaines plaintes d’aller plus loin.
Des signalements, néanmoins, qui « n’ont jamais été traitées », affirme l’avocat, cité par FranceInfo. « Il n’y a jamais eu de suites », et son compagnon « n’a jamais été convoqué ».
Mais circonstance encore plus accablante, les policiers se sont rendus sur place, quelques heures avant le meurtre d’Aurélie.
« La grande particularité de l’affaire d’Aurélie, c’est que quelques heures avant qu’elle ne décède, les policiers sont présents sur les lieux. Ils sont appelés par les voisins parce qu’il y a des heurts entre le couple, il y a beaucoup de bruit qui est fait dans la chambre », raconte Me Damien Legrand à FranceInfo.
Ils constatent la présence de coups sur cette femme. Ils constatent manifestement qu’elle est victime de violences
« Les policiers arrivent sur place. Ils constatent la présence de coups sur cette femme. Ils constatent manifestement qu’elle est victime de violences. Les témoins diront d’ailleurs qu’elle avait beaucoup de mal à se relever des insultes qui sont encore proférées par son compagnon alors que les policiers sont présents. Et pourtant, ils décident tout simplement de refermer la porte sur elle et sur lui. »
L’état d’Aurélie Langelin ignoré
Dans le premier rapport des policiers dépêchés sur place, ils ne mentionnent à aucun moment la présence d’Aurélie sur les lieux : « Événement du 30/05/2021 à 18h35. Différend de voisinage […]. Avons pris attache avec le nommé B. A. Karim/ Celui-ci se trouve dans son domicile sous l’influence de l’alcool. […]. L’invitons fermement à rester dans son domicile et de laisser le voisinage en paix », dévoile Le Parisien.
Pourtant, Aurélie était bien là et dans un état qui aurait déjà dû inquiéter les policiers. Comme le raconte une témoin, la voisine qui a aperçu la jeune femme : « elle avait les jambes nues et elle pleurait, lui l’insultait de ‘sale pute, va niquer ta mère, je vais te niquer.’ Elle avait des bleus sur les jambes »
Mais les policiers quittent le lieux, ne séparent pas Aurélie de son compagnon. Puis quelques heures plus tard, le 31 mai vers 4h du matin, les policiers interviennent à nouveau au domicile de Karim B.A., après l’appel d’un voisin. À leur arrivée sur les lieux, elle est déjà décédée.
Dans leur second rapport d’intervention, après la découverte du corps, les policiers évoquent finalement la présence de la jeune femme lors de la première intervention : « signalons être intervenus à cette adresse le 30 mai 2021 vers 18h35 (…) Signalons avoir vu cette dame dans l’appartement, ivre, présentant une trace bleue sous l’œil gauche. Cette dernière ne nous signale aucune violence ».
Ils n’ont rien fait en l’assumant totalement, parce qu’ils n’étaient pas appelés sur place pour des violences conjugales
Un constat douloureux pour la famille comme le précise l’avocat. Les policiers « écriront le lendemain, ce qui est peut-être le plus scandaleux pour la famille d’ailleurs, qu’en fait, ils n’ont rien fait en l’assumant totalement, parce qu’ils n’étaient pas appelés sur place pour des violences conjugales, mais pour du tapage nocturne. »
« Non-assistance à personne en danger »
Des « failles » ont été dénoncées dès les premiers jours par la famille de la victime. Mais selon le procureur, lors d’une conférence de presse en juin, « les fonctionnaires de police l’interrogent sur les causes de cette blessure et lui proposent une assistance. Aurélie conteste avoir été victime de violence et refuse toute assistance de la police secours. » Les officiers quittent ensuite les lieux.
L’ouverture de cette inspection est un « grand soulagement pour la famille« , qui espère des éclaircissements sur le traitement de cette affaire.
« Si ce qui s’est passé témoigne et détermine l’existence d’éventuelles infractions, je pense en particulier, évidemment, à la non-assistance à personne en danger », estime Me Damien Legrand qui souhaite « qu’il y ait des sanctions qui soient prises. »
Si les policiers étaient intervenus consciencieusement et qu’ils avaient fait quelque chose, cette jeune femme ne serait pas décédée.
Pour l’avocat, il n’y a pas de doute : « si les policiers étaient intervenus consciencieusement et qu’ils avaient fait quelque chose, cette jeune femme ne serait pas décédée. » « Si on veut y remédier pour l’avenir, il est indispensable qu’une enquête sérieuse soit menée sur ces dysfonctionnements« , renchérit-il.
Dans l’affaire de violences conjugales, qui ont mené au féminicide de Chahinez, la mission d’inspection avait conclu à « une suite de défaillances« . Cinq policiers ont été, légèrement, sanctionnés (entre exclusion de 3 jours et avertissement).
L’ex-compagnon d’Aurélie Langelin, et suspect, est quant à lui placé en détention provisoire et mis en examen pour homicide volontaire par conjoint.
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