La Folle Journée 2022 de Nantes célèbre le génie de Schubert

Schubert, le voyageur : c’est l’intitulé de la 28e édition de cette Folle Journée de Nantes consacrée au génial compositeur autrichien. Une Folle Journée qui peut s’honorer de n’avoir jamais été annulée -pari délicat ces dernières années- et qui respectera donc strictement les conditions sanitaires.

Pour ceux qui connaissent, les lieux des concerts sont coupés en deux, le Grand Auditorium d’un côté (2000 places), la Cité des Congrès de l’autre, qui réunit diverses salles dont l’ensemble atteint environ 1900 places. Pas de concert gratuit sous le grand kiosque, pas d’allées et venues, de stands, de librairie, de café. On entre, on écoute, on sort : la fête sera plus triste, la journée sera moins folle, l’essentiel étant qu’elle ait lieu… 

Les vraies « victimes » étant cependant les scolaires : de nombreuses places leur sont réservées d’habitude, elles sont reportées au mois de juin. Schubert, lui, n’en sera pas victime. 

Le prolixe Schubert 

On nous promet l’intégrale de sa musique de chambre (et en particulier des quatuors) et de la musique à quatre mains, l’essentiel du piano, beaucoup de lieder (il y en a plus de 600), la majeure partie (bien moins connue) de la musique chorale. Plus quatre symphonies dont la grande 9e et l’Inachevée. C’est un programme déjà très important pour un compositeur qui, dans sa courte vie, a composé plus de 1000 œuvres. Battant largement Mozart (si l’on veut comparer) qui vécut quatre ans de plus et n’en écrivit « que » 600. La prolixité de Schubert est ahurissante et si toutes ses compositions ne sont pas marquées par le génie, un grand nombre d’entre elles (comme Mozart) sont parmi les plus magistrales, et dans tous les genres (à l’exception du concerto auquel Schubert ne s’est jamais attaqué), de l’histoire de la musique. 

Au point, on le dit avec force, qu’il faudrait transformer le trio Bach-Mozart-Beethoven (les trois géants que même les non-mélomanes identifient comme les piliers de 1000 ans de musique) en quatuor Bach-Mozart-Beethoven-Schubert, Lui qui s’en allait, quelques semaines avant de mourir, frapper à la porte d’un grand professeur viennois de contrepoint, tel un petit étudiant de Conservatoire… Lui dont, dix ans après sa mort, le frère ainé, Ferdinand, accueille Schumann, lui confie un gros paquet de manuscrits qui aurait pu être détruit : « Pensez-vous qu’il y ait là quelque chose de valeur ? » Schumann, ahuri, découvre des merveilles, dont cette sublime 9e symphonie (« aux divines longueurs », dira-t-il) qu’il s’empresse de faire créer par son ami Mendelssohn à Leipzig. 

Schubert, qui n’était pas complètement inconnu, mais davantage comme un charmant compagnon de musique, improvisant pour quelques amis ou jouant avec eux ses propres œuvres, entouré de chanteurs et de poètes, dans des auberges, des tavernes, des environs de Vienne, aimable et joyeux -les fameuses Schubertiades. Et peinant à organiser ses propres vrais concerts sérieux. Mais on murmurait qu’il avait écrit de jolis choses, tel charmant Impromptu, de belles mélodies comme Le roi des Aulnes et même une symphonie réussie, malheureusement Inachevée. 

L’énigme Schubert

Et Schubert, pendant longtemps, demeurera cet homme, dans l’ombre de Mozart et surtout de Beethoven (son dieu) :  on connaissait un peu plus de lieder que le seul roi des Aulnes mais, du piano, Impromptus et Moments musicaux (aucune de ses géniales sonates), et quelques pièces de musique de chambre, ce Quintette La Truite ou un Trio avec piano. Il faudra vraiment attendre les années 1960 ou 70 pour entendre tout le piano (par un Brendel. Un Schnabel s’y était essayé au début du XXe siècle, un peu seul, et, ponctuellement, un Edwin Fischer, un Serkin, une Clara Haskil) Et l’on ne peut négliger combien l’utilisation du 2e Trio avec piano par Stanley Kubrick dans Barry Lindon a mieux encore révélé Schubert au grand public. 

Alors reste l’énigme Schubert : compositeur triste de ne pas voir sa vraie valeur reconnue ou bon vivant heureux de sa condition d’artiste forgée par l’amitié ? Homme persuadé que la syphilis n’entamerait pas ses facultés créatrices ou au contraire, sentant que la mort allait le prendre, jetant à l’été 1828 ses dernières forces dans une collection de chefs-d’œuvre ? Comme si, à l’égal de Mozart, l’intuition du compositeur touché par une grâce surnaturelle l’emportait sur la vie terrestre, ses adieux à ses amis et à Vienne passant par l’ultime épanouissement de son génie. Des musicologues seront là pour « décrypter » l’étrange état d’esprit du doux, du gentil -du tourmenté ?- Franz. 

Enigme dernière : le titre de cette Folle Journée : Schubert, le voyageur. Lui qui n’a jamais quitté Vienne ! Mais évidemment, référence à sa Fantaisie du Voyageur pour piano, il s’agit d’un intense voyage intérieur, d’un voyage de l’âme, d’un pèlerinage perpétuel qui nous attend. Au-delà même de cette Folle Journée.  

La 28e Folle Journée de Nantes consacrée cette année à Schubert, le voyageur.
Du 26 au 30 janvier à Nantes (44000)
Cité des Congrès et Grand Auditorium. 
      

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