"Roméo et Juliette" sauvé du Covid par Pene Pati et Perrine Madoeuf : un triomphe inespéré à l'Opéra Comique

Lundi soir 13 décembre, vers 23 heures à l’Opéra Comique à Paris. La salle est en délire, l’ovation ininterrompue. Les applaudissements n’en finissent pas de porter aux nues les deux premiers rôles, Pene Patti et Perrine Madoeuf, héros d’un Roméo et Juliette de Gounod sauvé des eaux. Itinéraire d’un triomphe pour le moins inattendu.

« Attachez vos ceintures »

Car la première de l’opéra de Gounod s’annonce sous de bien mauvais auspices. La veille, le ténor Jean-François Borras devant jouer Roméo, testé positif au Covid, doit déclarer forfait. Le lendemain (donc le jour de la représentation), c’est au tour de Julia Fuchs, sa Juliette – et star attendue de cette nouvelle production – d’annuler sa participation pour la même raison. Ce n’est pas tout. Dans l’orchestre, le pupitre des cuivres est aussi touché. Et remplacé in extremis. Mais faut-il vraiment maintenir la représentation ? L’arrivée de Pene Pati d’Amsterdam, où il vient de terminer une Traviata et celle de Perrine Madoeuf le jour même (!) de Riga où elle tenait encore il y a quelques jours son rôle de Juliette, dénouent la situation. On envisage un moment de faire chanter toute la distribution masquée. Avant de se limiter finalement au chœur.

« Attachez vos ceintures », plaisante le nouveau directeur de l’Opéra Comique Louis Langrée, monté sur scène pour annoncer au public les changements intervenus, en toute transparence. Et conscient de la gageure, car la complicité des deux amants de Vérone nécessite d’habitude « des mois de préparation », poursuit-il. « Là, ils ont eu un après-midi pour faire connaissance ! ». Les dés sont jetés. Et le miracle se produit.

Résultat, une direction d’acteurs qui offre un mouvement perpétuel des chanteurs (les solistes et le chœur Accentus) et une fluidité des décors, d’imposants pans de murs blancs mobiles créant une ambiance différente à chaque scène. L’atmosphère est celle de l’Italie du sud avec ses façades décaties laissant deviner la richesse d’antan, qui n’est pas sans rappeler la série photographique L’esprit des ruines de Ferrante Ferranti.

West Side Story en Italie

Deux beaux tableaux imaginés par le metteur en scène illustrent à merveille la bascule entre la joie et le drame. Le premier est la scène de lutte entre les deux familles. De part et d’autre du plateau, des hommes en chemise brune et chapeau feutre vissé sur la tête se font face, armés de couteau dans une éblouissante chorégraphie. Une guerre des gangs façon West Side Story qui tient en haleine le public et qu’Eric Ruf associe à « l’Italie de la vendetta où vengeance et la mort sont laissées en héritage », comme il le précise dans le programme de salle.

L’autre scène est le finale du tombeau. Beau et terrifiant tableau où Roméo rejoint Juliette, morte en apparence, dans un caveau s’inspirant des catacombes de Palerme où les corps sont justement disposés debout. Comme pour évoquer la frontière si ténue entre la vie et la mort. Et le dernier duo de Roméo et Juliette (pourtant mourants) de le souligner : « Viens, fuyons au bout du monde, viens, soyons heureux ! ».

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