Les accusations de violences sexuelles envers Patrick Poivre d’Arvor continuent de tomber en cascade. Le mois dernier, 8 femmes, dont 7 à visage découvert, se sont confiées à Libération. Ce mardi 14 décembre, trois autres témoignent. Pour l’une d’elles, les faits présumés ne sont pas prescrits.
Selon le quotidien, c’est « plus d’une dizaine » de femmes qui se sont manifestées depuis la parution de leur enquête début novembre.
Parmi elles, Amandine Cornette de Saint Cyr. L’écrivaine de 46 ans s’est reconnue dans les témoignages parus le mois dernier. Les faits présumés ne sont pas prescrits, mais elle ne souhaite pas porter plainte en l’état.
Le témoignage de l’autrice Amandine Cornette de Saint Cy contre PPDA
Auprès de Libération, l’autrice raconte avoir rencontré PPDA à la sortie de son premier roman, en 2007. L’animateur l’invite sur le plateau de Vol de nuit, son émission littéraire de l’époque. Déjà là, il lui pose des questions intrusives sur sa vie privée, un mode opératoire relaté par de nombreuses autres victimes potentielles.
Deux ans plus tard, ils se croisent au Festival de Cannes, et il l’invite à monter les marches avec lui. Le jour-même, il dit ne pas être prêt, lui demande de le rejoindre dans sa chambre, il n’en a que pour cinq minutes. « Je me suis sentie acculée et prise de court. Je n’allais pas lui dire : ‘Non, je ne monte pas’. Cela aurait été désobligeant », explique-t-elle à Libération.
C’est là qu’il s’en serait pris à elle. « Je n’ai pas eu le temps de me poser 10 000 questions, ça a été ultra rapide. » Pour Amandine Cornette de Saint Cyr, il n’y a pas eu viol, car il n’y a pas eu de violence, mais elle parle bien d’un rapport sexuel « non consenti ». (Pour rappel, le viol peut être qualifié si au moins un des 5 critères est présent : violence, contrainte physique ou morale, menace ou surprise.)
« Je me suis sentie acculée et prise de court. Je n’allais pas lui dire : ‘Non, je ne monte pas’. Cela aurait été désobligeant.
PPDA monte finalement les marches de son côté. Mais dans la salle de cinéma, il l’aurait « tripotée ». Là, elle « disparaît ». « Il y avait un déni de ma personne. J’ai été abusée », décrit Amandine Cornette de Saint Cyr auprès de Libération. « Il n’avait jamais été question que je monte dans cette chambre. Ce n’était pas le lieu de notre rendez-vous. J’ai été prise au dépourvu. Poivre consomme et maltraite. J’avais honte. J’étais une jeune femme de 33 ans, célibataire, séparée depuis peu. C’était trop pour moi. Cette relation aurait dû être valorisante et amusante et j’ai été rabaissée et humiliée. Pourquoi ? »
Ils se revoient au mois d’août, en Corse. « J’ai besoin de croire que ce long week-end va faire oublier la calamiteuse rencontre à Cannes. Je ne peux pas me résoudre à avoir été cette femme maltraitée », explique-t-elle. Sur place, il est froid. En septembre, elle se rend à son domicile de Neuilly. « Il fait pression pour obtenir ce qu’il veut, c’est-à-dire du sexe. Il gueule en prétextant des problèmes familiaux ou son éviction de TF1« , dont il a été licencié un an plus tôt.
Un « prédateur » déguisé en « héros romantique »
« Dans la lucarne, je l’imaginais en héros romantique. De près, je me suis retrouvée face à un prédateur », résume Amandine Cornette de Saint Cy, qui évoquera l’agression du Festival de Cannes dans un roman paru en 2018, Des plumes sous ma couette (L’Archipel).
Dans les colonnes de Libération témoigne aussi, ce mardi, Laure Eude. Elle accuse PPDA de l’avoir violée, alors qu’elle est stagiaire au bureau de presse du Festival de Cannes, en 1985. Le journaliste lui a proposé un verre lorsqu’elle lui a dit espérer un stage à Antenne 2, où il travaille alors.
Arrivés à la chambre de PPDA, au Martinez, l’homme ferme la porte « à double tour ». Il lui dit sa première phrase de la soirée : « Je sais que tu es là pour ça, je sais que tu en as envie. » Laure Eude proteste. « Non je ne suis pas là pour ça. […] Vous donnez l’image d’un homme romantique. Pourquoi vous conduisez-vous comme ça ? » C’est là que PPDA l’aurait violée : « J’ai le sentiment de me liquéfier pendant qu’il me pénètre sans préservatif. Mon corps est là, et je suis ailleurs. »
« La scène avait duré trois minutes. Il ne m’avait même pas dit bonjour. J’avais la sensation d’avoir suivi le loup et que loup m’avait mangée. Tout était de ma faute », se souvient Laure Eude. Des agents de police la croisant hébétée devant le Martinez, la raccompagnent à son camping-car.
Dès le lendemain, elle informe la cheffe du bureau de presse de Cannes, Louisette Fargette, mais celle-ci « ne réagit pas ». (Elle est décédée en 2012.) Les parents de Laure Eude viennent la chercher le jour-même, interrompant son stage. Son fiancé rompt avec elle, son viol est su dans son école.
J’avais la sensation d’avoir suivi le loup et que loup m’avait mangée.
Découragée à porter plainte car PPDA a la réputation d’être « très protégé », elle parle cependant du viol autour d’elle. « On voulait vraiment que cette histoire se sache. J’en parlais dès que je pouvais », explique-t-elle. Plus tard, Laure Eude comprend qu’elle se sent « fautive » et non victime. Elle décrit de lourdes répercussions sur sa vie intime. Le 9 novembre 2021, elle a décidé de porter plainte, malgré la prescription. « J’ai l’espoir que cela serve au moins à d’autres », confie-t-elle.
Même chose pour Isabelle (un nom d’emprunt). Elle dit avoir été agressée sexuellement par PPDA en 2014, en Savoie, et a porté plainte le 7 décembre, malgré la prescription. En 2014, elle a 23 ans et est hôtesse d’accueil dans un restaurant Club Med d’une station de sports d’hiver, qui accueille une cérémonie récompensant des journalistes sportifs.
Invité avec l’un de ses fils, PPDA s’adresse plusieurs fois à la jeune fille, lui pose, là aussi, des questions brusques, lui demande « si elle est attirée par lui ». « Je réponds, poliment encore, qu’il pourrait être mon père, que je suis flattée alors que c’est faux. Je ne veux pas qu’il soit triste ou déçu, je suis presque désolée… Je lui dis non, il sait que j’ai dit non et il me fait comprendre qu’il a compris », se souvient-elle auprès de Libération.
Mais le journaliste insiste pour l’accompagner jusqu’à sa chambre. Dans l’ascenseur, il l’aurait embrassée de force : « Il met le bout de la langue, qui perce mes lèvres closes, j’en suis encore dégoûtée. Il n’y a pas de force dans son geste, mais il y a de la surprise. Je le repousse. » La jeune fille prétexte rejoindre des collègues : « Je le revois encore face à l’ascenseur, les bras ballants, me regardant partir. C’était très malsain. Je ne suis pas traumatisée par cette histoire, mais je me demande ce qu’il aurait fait si je n’avais pas rejoint des collègues. »
Des dizaines de témoignages contre PPDA
Les accusations envers PPDA se sont multipliées depuis la parution, en janvier dernier, du roman de Florence Porcel, basé sur les viols qu’elle aurait subis de sa part. Après avoir vu sa première plainte classée sans suite, elle a porté plainte à nouveau, en se constituant partie civile. Un juge d’instruction doit encore être nommé.
Une première enquête préliminaire a été classée sans suite en juin, malgré les témoignages de 23 femmes, et cette observation de l’officier de police judiciaire : les victimes présumées présentent « Patrick Poivre d’Arvor comme un prédateur sexuel abusant de sa notoriété et usant d’un mode opératoire similaire dans l’approche de ses victimes et dans la brutalité de ses actes », cite Libération.
De son côté, l’ancien journaliste âgé de 74 ans nie fermement toutes les accusations à son encontre, évoquant des relations « consenties » avec certaines accusatrices, et se présentant comme un séducteur.
Les trois femmes témoignant dans Libération ce mardi n’ont pas été auditionnées au cours de cette enquête préliminaire, où la plupart des faits dénoncés tombaient sous le coup de la prescription. Leurs témoignages s’ajoutent donc aux 23 entendus par les enquêteurs. PPDA n’a pas encore répondu à ces nouvelles accusations.
Deux nouvelles plaintes, deux autres bientôt déposées
La semaine dernière, deux plaintes ont été déposées, l’une pour viol en 1985, au Festival de Cannes, et la deuxième, pour agression sexuelle en 2013, en Savoie.
Selon Libération, une troisième plainte, concernant un possible viol en 2005, dans le bureau de PPDA à TF1, est en cours. Dimanche 11 décembre, une victime présumée anonyme a annoncé dans Sept à Huit (TF1) a annoncé qu’elle allait aussi déposer plainte. Elle aurait subi un viol en 1994, dans le bureau du journaliste.
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