Le street artiste marseillais Philippe Echaroux se raconte dans un docu

  • Le documentaire « Maitre en lumière » réalisé par Julien Potard est diffusé ce lundi sur France 3 Paca. 
  • Il retrace le parcours de Philippe Echaroux, photographe et street-artiste 2.0 originaire de Marseille. 
  • Il met en lumière l’humain et l’écologie à travers des projections lumineuses et des photographies. 

Cette fois, c’est à son tour d’être mis dans la boîte. Le documentaire « Maitre en lumière », diffusé ce lundi en deuxième partie de soirée sur France 3 Paca, retrace le parcours de Philippe Echaroux. Ce photographe marseillais et
street artiste 2.0, comme il se définit, passionné de sports d’aventure, a parcouru le monde pour mettre en lumière l’humain, mais aussi l’écologie. Sans jamais oublier sa ville.

Qu’est-ce que ça fait de passer de l’autre côté de l’objectif ?

Philippe Echaroux.

C’est intéressant d’être contacté par des gens extérieurs pour faire un truc sur ce qui a déjà été fait. Parce que je ne suis pas bon pour regarder ce que j’ai fait. Je regarde toujours ce que je vais pouvoir faire, mais je ne me rends pas forcément compte de tout ce qui a été fait.

Il y a vos projets au bout du monde, mais aussi à Marseille. Pourquoi c’est important ?

Parce que c’est une manière de ne pas oublier d’où tu viens. Tu fais des choses à l’autre bout du monde, ou ailleurs, parce que c’est bien d’explorer, le monde ce n’est pas que Marseille. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut oublier, oublier dans le sens négliger, « ah c’est bon Marseille j’ai fait des trucs, maintenant je vaux mieux que ça ». Et en plus il y a des trucs à dire sur Marseille, sinon je ne ferai rien. Je n’oublie pas, j’essayerai toujours de faire des choses ici, et de transmettre. Modestement.

Quelle relation entretenez-vous avec votre ville ?

C’est paradoxal, comme pour beaucoup de Marseillais. Tu l’aimes autant que tu la détestes. Vu qu’elle a une forte identité, tu vas te façonner aussi par rapport à ça. Peu de villes font ça. C’est pour ça qu’elle est importante dans la carrière d’un artiste, ou dans la construction d’un patron.

Comment êtes-vous passé de la photo, au street art 2.0 ?

Je me suis mis à la photo par curiosité, quand je passais mon diplôme d’éducateur, et j’ai décidé de m’y mettre à fond. J’ai fait cinq ou six ans de portraits sans faire de street art du tout. Au début j’ai fait de tout, après j’ai fait du portrait parce que je venais du social. Mais je trouvais qu’il manquait encore ce côté social, et je suis tombé sur un bouquin de Banksy chez une pote. Ce mec il parle à des gens comme moi. Moi je ne m’intéresse pas à l’art, je ne vais jamais dans des galeries. De fil en aiguille j’ai commencé à essayer d’en faire. Il y a des codes, les mecs ont des pseudos et dès le début l’idée c’était de faire autre chose que les codes qui existent déjà. Sinon je deviens un interprète de ce qui existe déjà. Donc j’ai fait des choses qui ne laissent pas de trace et je le fais avec mon nom. Comme ça si quelqu’un a un problème, il peut me le dire. C’est très naïf en fait.

Ce qui était calculé, c’est que je savais que le street art avait une image, à l’époque, de dégradations. Je me suis dit si je fais ça en mon nom, on sait ou me trouver et si je ne laisse pas de trace, je peux proposer une alternative au graffiti. Même si je trouvais les graffitis de Banksy ultra-brillant. Certains ne vont pas s’arrêter sur le sens parce que la forme les dérange. Donc j’ai essayé plein de choses.

Le côté éphémère mais avec la photo comme support…

Exactement, au début c’était la presse qui me prenait en photo donc ça restait, après je prenais en photo mes installations parce que je me suis dit « merde, quand ça disparaît ça fait chier ». En photo j’étais reconnu pour mes techniques d’éclairage, c’est ce qui m’a toujours plu. Du coup je me suis dit « ok ton truc c’est la lumière, tu es reconnu pour ça et ça rentre dans toute ton espèce de code que tu t’es créé ». Ça a commencé comme ça les projections, j’en ai fait durant toute l’année 2013. J’ai projeté en sous-marin des portraits de Marseillaise et Marseillais. Il y en avait des connus et des pas connus. Peu importe, des Marseillais dans Marseille et on a sorti ça en février 2014. Après la fin de l’année de la culture, je ne voulais pas être rattaché à ça. On a projeté Zidane sur le mur de la corniche, c’était de mèche avec la presse locale pour faire monter le truc mais c’était marrant. Et ça a fait un buzz de fou, ça a fait 57 pays.

Là vous étiez déjà très sur l’humain…

Ça a toujours été des gens. Le street art c’était au-delà de faire le portrait de quelqu’un, ce qui peut être important pour lui dans sa vie. C’était un moyen de parler aux gens, et un moyen de dire encore plus qu’avec une photo. C’est une photo dans un environnement, tu rajoutes des ingrédients. Et un peu plus tard je me suis mis à projeter des phrases, tu rajoutes encore d’autres ingrédients.

Les projections des phrases de Soprano par Philippe Echaroux.

Il y a l’humain et l’écologie…

C’est lié. Au bout d’un moment je me suis dit « tiens on peut projeter dans les arbres, ça bouge, sur les falaises ». Je me suis dit « mais en fait tu fais des choses d’art pour les gens, mais en pleine nature ». C’est ce que j’ai toujours fait. L’écologie est venue comme ça, et j’ai toujours été sensibilisé à ça. Quand tu grimpes en falaise, tu ne laisses pas de trace. C’était logique de défendre l’écologie. Et le fait de projeter sur un arbre, c’était un parfait moyen de parler d’écologie sans être chiant. Dans certains projets, on est obligé de dire qu’on parle d’écologie. Mais l’expo au Mans qui est dans le docu, on ne dit jamais que c’est de l’art contemporain qui parle d’écologie. Le but c’est juste que les gens le voient et s’en amusent. Si je leur dis regardez c’est de l’art contemporain qui parle d’écologie, ça peut faire peur, ça me ferait chier par exemple. C’est pour ça que j’utilise souvent des sujets populaires, l’OM, la Bonne Mère, en local. Ce sont des trucs que tout le monde connaît et qui touche tout le monde. Il faut faire en sorte que les gens captent bien ce que tu dis, même si toi ton ego tu le mets de côté, et que tu fais des choses qui peuvent te paraître simplistes.

Vos projections, vos rendus sont vachement travaillés alors que derrière le maître mot c’est la bidouille…

Exactement, je compare ça à de la cuisine. Il y a une exactitude technique indéniable, il faut qu’elle soit là. Je dirai que c’est la prise de vue. Après la manière de projeter, c’est du ressenti. Des fois je dis « abaisse le portrait », mais si je ne le fais pas moi… C’est vraiment du ressenti. Ça, ce sont des bidouilles. Il faut accepter que rien ne soit exact et que tout est toujours en mouvement. Pour les portraits, c’est pareil. On fait une photo, mais pas forcément pour vous rendre beau. C’est un truc qu’on fait ensemble à un instant T. Si je fais une photo maintenant, et qu’on la refait toute à l’heure, ce ne sera pas la même. Les projections c’est pareil.

Ce n’était pas la joie à l’école malgré deux parents profs, aujourd’hui une de vos photos est dans un bouquin de philo, qu’est-ce que ça vous fait ?

En vrai ca ne fait pas grand-chose, je suis tellement focalisé sur l’après. Je suis tellement focus sur ça, parce que j’ai aussi peur de mal faire ou de décevoir. J’ai failli intervenir dans le lycée qui m’a viré, au final ce ne s’est pas fait à cause du Covid, mais je trouve ça génial. C’était l’un des lycées élitistes de Marseille, qui voulait avoir 100 % au bac donc ils m’ont viré. Mais ça m’a apporté plein de choses.

Ce n’est quand même pas facile de s’affranchir de cette nécessité de réussir à l’école quand tu as des parents profs…

Quand j’étais petit mes parents me faisaient beaucoup travailler, de façon démesurée. Quand ils ont commencé un peu à lâcher, j’avais déjà épuisé mon endurance. Je pense qu’ils ont lâché parce qu’ils en avaient trop fait et à la fin c’était contre productif. Le déclic ça a été le truc de l’escalade. Vers 16 ans, j’ai commencé quand j’étais en échec scolaire. J’ai vite progressé et je me suis retrouvé à donner des conseils à des gens qui eux-mêmes étaient profs ou médecin, et ça c’était génial. Je me suis dit en fait t’es pas mauvais dans quelque chose et t’apportes des trucs à des gens. C’est la première fois que j’avais cette sensation. Mais la vérité c’est que tu dois bosser 2 fois plus. Ok, je suis parti dans ce truc-là, mais c’est 2 fois plus dur. Parce que tu dois te créer cette crédibilité qu’un diplôme peut t’apporter.

Parmi tous vos projets, lequel vous a le plus marqué ?

Je ne sais pas trop quoi répondre à cette question, ils sont tous marquants. L’Amazonie tu rencontres des gens improbables avec qui tu crées des liens. Le truc avec Zidane ce n’est pas tant que c’était Zidane pour Zidane, c’était un gars qui est important. Mais qui n’est pas trop tourné vers la culture. Mais je me suis dit il aime assez ça pour me donner un peu de temps et adhérer à mon projet, que j’aille le photographier. Si ça parle à un mec comme ça, c’est bon signe et c’est ça qui m’avait plu. Parce que c’était typiquement mon type de cible. C’est toujours des bons souvenirs que tu gardes. Et je ne me souviens pas forcément du rendu, mais plus des anecdotes.

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