C’est le début de la saison des haricots verts. Or, pour les savourer frais, encore faut-il savoir les cuire correctement. Et en la matière, nous sommes nombreux à commettre des erreurs. On fait le point avec le chimiste Raphaël Haumont.
Si l’on trouve des haricots verts toute l’année, l’été reste la période optimale de consommation. Haricots nains à filets Fin de Bagnols, triomphe de Farcy, comtesse de Chambord, vigneronne… Nombreuses sont les variétés françaises à découvrir. Mais, comme toujours, avoir un beau produit ne suffit pas. Il faut savoir cuisiner correctement le haricot vert pour qu’il garde ses propriétés gustatives et nutritionnelles. Raphaël Haumont, chimiste spécialisé dans la cuisine moléculaire, auteur (1) et professeur des universités à Paris Saclay (Paris Sud), bouscule décidément nos convictions. Après avoir passé en revue les aberrations culinaires transmises de génération en génération et listé les erreurs trop souvent commises en matière de cuisson du poisson, il nous apprend à cuire les haricots de la bonne façon. On pensait maîtriser cet acte anodin, mais non.
1. On oublie les livres de recettes
«Prendre une très grande casserole d’eau salée, faire bouillir 7 minutes puis plonger les haricots verts dans l’eau glacée», voici ce qu’on peut lire dans la plupart des livres de cuisine. «90 % des chefs apprennent ça. Et pourtant, il faut peu d’eau, il n’est pas utile de saler, de plus l’eau glacée ne fixe pas la couleur», constate Raphaël Haumont qui oppose la science aux traditions culinaires insensées.
La quantité d’eau
«Nul besoin de beaucoup d’eau, sa quantité n’influe pas sur la cuisson», explique le chimiste. On se contente d’une casserole ou d’un faitout suffisamment grands pour contenir les haricots verts. «Et puis utiliser de grandes quantités d’eau, c’est mauvais pour la planète».
L’ajout de sel
«De la même façon, le sel n’apporte rien à la cuisson, ni au goût d’ailleurs», poursuit cet amateur du légume vert qui propose de redécourir son goût originel puis, au besoin, d’ajouter une pincée de sel au moment de la dégustation.
La température
«Les haricots ce sont des fibres – de la cellulose – qui cuisent dès 80 °C. La température parfaite ? Entre 85 et 90 °C», conseille Raphaël Haumont. Pour ceux qui n’ont pas de thermomètre, il suffit de surveiller son eau : «lorsque cela frémit, c’est presque trop tard. Dès qu’on aperçoit des bulles, on ajoute un peu d’eau froide pour faire redescendre la température.»
En vidéo, la recette des haricots verts bardés de lard
2. On adopte le bicarbonate de soude
Quelle quantité de bicarbonate ?
«Il faut compter une demi cuillère à café pour 5 litres d’eau», préconise notre chimiste.
Comme notre chimiste nous l’avait déjà enseigné, il ne sert à rien de placer les haricots verts dans l’eau glacée pour «fixer la chlorophylle». «Cela peut arrêter la cuisson pour ceux qui souhaitent les manger al dente, mais ça n’aura aucun effet sur la couleur», explique-t-il. Le secret ? «Le bicarbonate de soude ! Il permet d’accélérer la décomposition de la cellulose, c’est-à-dire de cuire plus vite et donc garder la couleur et les vitamines des haricots». Le bicarbonate, qui permet de cuire le légume deux fois moins longtemps, est loin d’être une trouvaille farfelue du chimiste : «Déjà à la fin du XIXe siècle, Auguste Escoffier utilisait le bicarbonate», raconte Raphaël Haumont. L’illustre cuisinier se serait inspiré de la recette des fameuses carottes Vichy, dont la cuisson se faisait dans l’eau gazeuse éponyme, achetée en pharmacie. Les cuisiniers de l’époque s’étaient aperçus que les carottes cuisaient plus facilement et qu’elles gardaient ainsi leurs nutriments. «C’est valable pour tous les légumes. Et en plus, le bicarbonate permet de mettre le goût du produit en avant et de ne pas avoir à saler son eau», persiste-t-il. Pour ceux qui découvrent l’existence de ce produit de nos grands-mères, il s’achète dans tous les supermarchés, au rayon sel.
3. On se méfie des cuissons vapeur et à la poêle
La meilleure façon de profiter des saveurs du haricot vert ? Le déguster nature (avec, éventuellement, une petit noix de beurre).
Les deux cuissons ne sont évidemment pas contre-indiquées, mais encore faut-il les maîtriser.
La cuisson vapeur
«Elle est idéale, on peut même se permettre de parfumer la vapeur avec un bouillon ou une simple feuille de laurier», s’enthousiasme notre expert. Mais si la vapeur donne du goût et permet de préserver le légume, elle peut aussi le surcuire : «les haricots doivent se trouver dans leur panier, très loin au-dessus de l’eau. S’ils sont 2 cm au-dessus, la cuisson sera trop violente». L’ustensile idéal pour lui ? Le couscoussier.
La cuisson à la poêle
«Lorsque l’on souhaite faire revenir ses haricots verts à la la poêle, on les cuit préalablement à l’eau ou à la vapeur mais en les gardant bien al dente pour ne pas obtenir des haricots mous après le passage à la poêle.» Ensuite, très important, on les fait revenir dans un mélange de beurre et d’huile pour ne pas que le beurre noircisse. «Je préfère quand même me passer de la poêle et ajouter une simple noisette de beurre frais pour le goût, afin de ne pas abîmer le produit», conclut Raphaël Haumont. Et vous, quelle est votre cuisson préférée ?
(1) L’Innovation aux fourneaux, de Raphaël Haumont et Thierry Marx, Éditions Dunod, 160 pages, 14,90 €.
*Cet article, initialement publié le 20 août 2017, a fait l’objet d’une mise à jour.
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