Le documentaire "Britney vs Spears" de Netflix dénonce 13 ans de mise sous tutelle de la star

« Il a adoré chaque minute. Le contrôle qu’il avait sur quelqu’un d’aussi puissant que moi. Il a adoré ça profondément. On se ligue contre moi, on me harcèle ». Ces mots ont été prononcés par la chanteuse Britney Spears le 23 juin 2021 lors d’une audience devant un tribunal californien. La star américaine y demandait en personne la levée de sa tutelle, qui dure depuis 13 ans. Le documentaire Britney vs Spears diffusée sur la plateforme de streaming Netflix depuis le 28 septembre se termine par cette séquence.

Rejeté par un juge le 30 juin, la demande de la star de 39 ans a pourtant fait sauter les digues édifiées par son père Jamie Spears. Ce 29 septembre, la Cour supérieure de Los Angeles doit rendre un nouveau verdict sur la tutelle paternelle alors que la pression médiatique s’est accentuée ces derniers mois autour de cette affaire. Le 7 septembre, selon des médias américains citant de nouveaux documents juridiques déposés auprès du tribunal de Los Angeles, Jamie Spears avait estimé que sa fille « est en droit de demander au tribunal de sérieusement examiner si cette mesure de tutelle est toujours nécessaire« .

À l’écran, l’enquête produite par la réalisatrice Ellen Lee Car et la rédactrice en chef du magazine Rolling Stone, Jenny Eliscu, résonne donc complètement avec l’actualité. Pendant une heure et demie, Britney vs Spears raconte à l’aide de nombreux témoignages de première main et d’images d’archives, comment Jamie Spears, le père de la star, et une armée d’avocats et de managers ont contrôlé pendant 13 ans la vie privée et la fortune de la chanteuse en l’empêchant par tous les moyens, grâce aux failles du système judiciaire américain, de se défendre pour faire sauter sa tutelle. 

« Certains considèrent que la tutelle équivaut à une mort civile »

La vie de Britney Spears a basculé en janvier 2008. Divorcée de son premier mari, Kevin Federline, elle refuse un jour de remettre ses enfants au garde du corps de son ex à l’heure convenue par le tribunal. La police est envoyée à son domicile et elle est finalement envoyée à l’hôpital. Le 1er février 2008, elle est placée sous la tutelle provisoire de son père Jamie Spears et de Sam Ingham, un avocat désigné par la cour. Britney perd le droit d’utiliser sa carte bancaire et de communiquer librement au téléphone avec qui elle le souhaite. Cette tutelle a été validée par la cour à la suite du rapport d’un médecin qui a certifié – avec beaucoup de légèreté selon le documentaire – que la star souffrait de démence. En 2009, la tutelle devient permanente. 

Tony Chicotel, un avocat américain spécialiste de la tutelle, témoigne devant la caméra de l’extrême dureté de cette décision. « La mise sous tutelle est un dispositif qui prive quelqu’un de sa capacité à décider pour soi-même. On donne ce pouvoir à un tiers, le curateur, qu’on appelle « tuteur » dans d’autres États. Certains considèrent que la tutelle équivaut à une mort civile. La personne ne peut plus rien décider en ce qui concerne sa santé. La possibilité de donner un consentement éclairé pour un traitement ou un médicament est retirée »

Les années suivantes sont un cauchemar pour l’auteure de Baby One More Time. Britney vs Spears raconte les nombreuses tentatives de la star pour alléger l’étau mis en place par son père. Elle demande plusieurs fois au juge de disposer du droit de changer l’avocat qui gère sa tutelle – une demande à chaque fois rejetée. Elle reprend aussi le chemin de la scène, sous la pression de son entourage qui gagne des millions de dollars en gérant sa fortune et engrange les bénéfices de la tournée mondiale Circus. 

Une charge contre le patriarcat

Très bien documenté et riche en témoignages de proches de Britney, le documentaire d’Ellen Lee Car et Jenny Eliscu est une charge frontale contre le patriarcat, le système judiciaire américain et Jamie Spears. Les deux femmes posent une question simple : comment une artiste qui produit deux nouveaux albums et réalise une tournée mondiale après un an de tutelle est jugée inapte à faire appel à l’avocat de son choix concernant sa tutelle ? 

L’une des rares confidences publiques de Britney Spears lors d’une tournée montre de manière édifiante comme cette femme brillante mais fragile est harcelée moralement par un groupe d’hommes qui abuse de sa position dominante pour siphonner sa fortune. « Si je n’étais pas si entravée avec tous les avocats et les médecins qui m’analysent tous les jours, s’il n’y avait pas ça, je me sentirais libérée. C’est terrible. Je suis triste ». 

« J’ai beaucoup à dire, alors soyez patients. On ne m’a pas écoutée la dernière fois que j’ai témoigné »

Si elle veut manger un hamburger dans un restaurant, Britney Spears doit attendre la permission de son père. Une scène triste à en mourir la montre aussi au volant d’un cabriolet. Le temps d’une demi-heure son entourage l’autorise à conduire son propre véhicule. En parallèle, les sociétés ouvertes à son nom par son père, qui s’est même félicité devant la justice d’avoir lancé un « modèle d’entreprise hybride », engrangent des millions de dollars sur le dos des performances de l’artiste. 

Pendant des années, Britney Spears a été décrite par les médias people comme une femme au fond du gouffre, en profonde dépression, inapte à s’occuper de ses enfants. La tutelle de son père était souvent décrite comme une décision de justice logique. Britney vs Spears lève le voile sur une autre réalité, celle d’une femme manipulée sans vergogne et que l’on étouffe par des menaces. 

Lors de son audience le 23 juin 2021, Britney Spears avait commencé sa prise de parole par ses mots : « J’ai beaucoup à dire, alors soyez patients. On ne m’a pas écouté la dernière fois que j’ai témoigné ». 

Le documentaire Britney vs Spears est à voir sur la plateforme de streaming Netflix. 

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