Sans barrière sociale ni entresoi, on s’y amuse en famille, entre copains et même en célibataire. Voyage joyeux dans la France des fêtes à ciel ouvert au charme inéluctable.
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« Je me souviens d’un petit bout de terre au bord de l’Eure, où, avec mes parents, nous faisions du pédalo et mangions des crêpes », raconte Maximilien Lheureux, trentenaire et créateur de La Petite Venise, la Guinguette de Chartres (photo. « Il y a cinq ans, nous l’avons racheté. J’ai juste twisté l’âme des guinguettes avec mes souvenirs d’enfance tout en y mettant – beaucoup – de modernité. C’est chouette ! », poursuit-il en souriant.
Ancrées dans l’imagerie populaire, les guinguettes privées ou associatives se réinventent au fil de l’eau et des décennies, en gardant les mêmes codes : plein air, musique, gourmandise et convivialité.
Tout est question d’ambiance…
De Chartres à Saint-Jean-de-Luz, des rives de l’Hérault à celles du Rhône, elles sont toutes prises d’assaut. Parfois pour leurs spectacles vivants, concerts ou autres DJ sets, d’autres fois pour leurs numéros de cirque, parties de pétanque, jeux nautiques ou bons petits plats. « C’est surtout pour l’ambiance que les gens viennent et reviennent », tranche Fadila Redouane, propriétaire depuis dix-huit ans de La Famourette, nichée au bord de l’Hérault. « Je suis tombée amoureuse de ce nid à moustiques, sans eau, mais aux incroyables acacias centenaires. Tout le monde a la chair de poule en y pénétrant », se félicite-t-elle. Sa plus grande joie est « que des couples s’y soient rencontrés, se soient mariés et aient eu des bébés Famourette », devenus aujourd’hui ses clients.
L’esprit festif ne date pas d’hier
Privé des bals somptueux de l’aristocratie, le petit peuple de Paris s’empare dès le siècle des Lumières des cabarets qui se transforment en guinguettes. « Au départ, elles étaient regroupées dans le faubourg de Ménilmontant. On y vendait le “ginguet”, ce petit vin aigre d’Île-de-France », explique, solennelle, Michelle Cassaro alias Mimi, créatrice des Rosa Bonheur. « Jusqu’au moment où une taxe imposée à Paris sur le vin, les fait s’exporter sur les bords de Marne. Si l’arrivée du train de plaisir en 1859 (ligne Bastille – La Varenne) et le décret sur le repos dominical (1906) ont participé à leur succès, c’est avant tout leur liberté qui fascinait ! », conclut l’imbattable meneuse du Rosa Bonheur, porteuse de ce même message.
Âge d’or, musette, yé-yé et plus… si affinités
Fréquentées par les ouvriers et les cocottes, elles attirent les bourgeois de la capitale, qui viennent s’y encanailler. Joutes nautiques, courses d’aviron, concours de force, rencontres… le XIXe siècle est leur âge d’or. Les écrivains (Zola et Maupassant) et les impressionnistes (Manet, Renoir et Monet) s’en inspirent, avant les cinéastes (Marcel Carné, Jacques Becker et Julien Duvivier) qui les immortaliseront en noir et blanc. Sous le Front populaire, l’accordéon et la java y battent leur plein avant que le yé-yé des années 1960 ne prenne la relève : on y twiste, on y rock and roll ou bien encore on y fait tapisserie. Tout doucement, elles s’endorment et leur nombre diminue. Des nostalgiques viennent y danser un paso-doble durant les après-midi libres de leur retraite. La guinguette devient une distraction pour seniors. Jusqu’à ce que les années 2000 la fassent renaître au nom de la mixité sociale.
Leur renouveau les rend incontournables
Dans des villes rongées par l’urbanisation et envahies de zones commerciales, associations et municipalités ont cherché à créer du lien et de l’attachement dans leurs territoires. La guinguette de Tours sur Loire en est la pionnière. « La festivalisation de la zone industrielle de Chambray, en 2005, a réconcilié toutes les populations », commente Ronan Brient, le président et cofondateur de l’association Le Petit Monde, organisatrice du projet. « Lors de la première édition, 3.000 personnes étaient venues écouter Arthur H. Aujourd’hui, nous accueillons chaque année 300.000 inconditionnels de tous âges, de tous milieux. Ils viennent pour se cultiver, danser, manger, rigoler et regarder leurs enfants peindre les pieds dans l’eau. »
Itinérantes ou éphémères
Du côté de la Bourgogne-Franche-Comté, Le Moloco, scène de musiques actuelles installée dans l’ancien cinéma de la ville d’Audincourt, devient, aux beaux jours, une véritable guinguette itinérante. Avec pour slogan « Danse encore, comme tu peux et comme tu veux », elle jongle avec bonheur entre concerts, farniente sur les chaises longues et food trucks proposant de bons produits locaux.
Dans le Pas-de-Calais, dans la commune de La Madelaine-sous-Montreuil, Juliette Medelli et Adrien Gosselin ont, quant à eux, fondé l’association Le Grand Bain afin de faire vivre leur projet éphémère, à la fois artistique et touristique, baptisé Chez Robinson, la guinguette des tranquilles. « Situé au milieu des marais, ce lieu d’émulation culturelle associatif dédié au spectacle vivant offre une pause en pleine nature pour se régaler de tapas, bière et vins locaux en bonne compagnie », explique fièrement Juliette Medelli. L’association met effectivement un point d’honneur à travailler exclusivement avec des artisans ou brasseurs de La Madelaine-sous-Montreuil et ses environs.
La gourmandise, oui mais… locale !
« Dans la guinguette du XXIe siècle, c’est fini les frites à la mayonnaise venue de Pologne ! », lance, convaincu, Grégoire Courtin, de Tours sur Loire. Circuits courts, produits frais, bio et surtout locaux, la tendance est à la mise en valeur du terroir et de ses producteurs. Logée dans l’ancienne gare maritime de Saint-Jean-de-Luz, l’Erromardie, posée tout au bout de la plage éponyme, ne désemplit jamais. Pour sa vue sur l’Océan, son ambiance trépidante et sa valse de cassolettes aux seuls parfums du Pays Basque.
Sur les flancs du Rhône, à Villeneuve-lez-Avignon, ancienne station balnéaire, Julien Girard a repris en 2018 une bâtisse du XVIIIe siècle qui fut, cent cinquante ans durant, l’auberge du Vieux Moulin. « Soirée gipsy, brunch avec DJ, tables au bord de l’eau, j’ai voulu retrouver l’esprit de la Marne sur fond de carte méridionale : couteaux en persillade, tapas à l’aïoli et, comme dessert fétiche, la tarte au citron Pavlova. Tout arrive du marché chaque jour et c’est moi le chef », s’enorgueillit Julien.
À Chartres, Maximilien Lheureux aussi ne jure que par le local : musiciens de Chartres ou du Val-de-Loire, fruits et légumes des maraîchers du coin. « Pour les apéros sur les petits bateaux, je sers les chips Belsia, cuites au chaudron par le fils d’un agriculteur, et la bière L’Eurélienne, d’ici, vous l’aurez compris », confie cet inconditionnel des circuits courts.
La recette gagnante des Rosa Bonheur
« Quel souvenir, ma première soirée Chez Gégène à Nogent-sur-Marne ! Je débarquais de Camargue et je retrouvais la même folie qu’à la Churascaia, le club d’Aigues-Mortes aussi connu que le Palace dans les années 80 pour sa mixité des genres. Et aussi l’atmosphère des fêtes de villages camarguais. Après avoir créé la discothèque le Pulp, j’ai eu envie de redescendre dans le Sud pour respirer. Mon goût de la fête et des lieux populaires m’a rattrapée… Nous avons posé notre candidature pour la concession du pavillon des Buttes-Chaumont. Et voilà, depuis 2008, nous avons quatre guinguettes dont la petite dernière de la Porte Jaune du bois de Vincennes. Elle est sur une île, on y accède par un petit pont, c’est magique ! On pourra recevoir 1.400 personnes pour danser, grignoter, chanter et recommencer ! Nos valeurs restent les mêmes : la liberté et la fantaisie pour tous sans aucune mauvaise humeur ! »
4 adresses pour aller guincher
- Site et ambiance uniques. La Famourette, à Aniane dans l’Hérault. Du jazz manouche au trio de chanteurs napolitains, en passant par quelques bons morceaux du Saxo Quartet, la programmation est décalée et entraînante. Tapas : à partir de 3,50€. Cocktails : 7€. Concerts gratuits. Chemin des Crozes, 34150 Aniane. Réservation : SMS 06 09 22 25 38. lafamourette.com
- Fiesta et fouillis organisé. Le Club Paradiso, sur le bassin d’Arcachon. Dance-floor sous la boule à facettes, baby-foot et pétanque, voici le spot préféré des noctambules du Pyla. Quesadillas : 10€. Cocktails : à partir de 11€. 1-3, avenue des Hortensias, 33115 La Teste-de-Buch. Réservation : SMS 06 79 93 02 20 ou sur clubparadiso.fr
- En bord de Rhône. La Guinguette du Vieux Moulin, Avignon. C’est le lieu idéal pour profiter du coucher de soleil sur le Rhône, avec en prime et en toile de fond musicale le groupe du moment. Formule : 20€. Spritz : 10€. 5, rue du Vieux Moulin, 30400 Villeneuve-lez-Avignon, Tél. : 04 90 94 50 72. guinguettevieuxmoulin.com
- Scène de musiques actuelles. La guinguette itinérante du Moloco, dans le Doubs. Ne pas rater leur bonne programmation, pour visiter la région autrement. lemoloco.com
Article paru dans le numéro Femme Actuelle Escapades n°1 juillet-août 2021
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