Le 23 juin 2021 Britney Spears a livré un témoignage de sa vie sous la tutelle de son père. Le récit de sa privation de liberté émeut, mais est caractéristique de l’ensemble de sa carrière marquée par la misogynie.
“Je ne suis pas heureuse. Je n’arrive pas à dormir. Je pleure tous les jours”, a déclaré Britney Spears lors de l’audience pour faire révoquer la tutelle de son père. Ses confidences déchirantes ont conduit à une vague de soutien sur les réseaux sociaux. De nombreuses personnalités comme Mariah Carey se sont emparés du hashtag #FreeBritney du mouvement qui dénonce depuis 2 ans la situation de l’artiste. Au-delà des abus dont Britney Spears accuse son père et son entourage, c’est la décision de mise sous tutelle qui est questionnée. En effet, en dépit de sa fragilité mentale reconnue par la popstar elle-même, elle n’en demeure pas moins une icône musicale à la tête d’un empire économique. Ce paradoxe peut être interrogé du point de vue de sa condition de femme puisque l’enjeu ici est le contrôle du corps d’une femme. Quel rôle joue la misogynie dans la situation de Britney Spears? De princesse de la pop à mère de 39 ans sous tutelle : retour sur son histoire.
La double injonction : Vierge mais sensuelle
Britney Spears est pour toujours dans les esprits la lycéenne en jupe plissé et à couettes qui chante “Baby One More Time”. Cette chanson propulse la popstar alors âgée de 16 ans au rang de star internationale et du même coup de sex symbol. Dans son ouvrage I’m Every Woman, la journaliste Liv Stormquist explique que Britney Spears incarne le fantasme masculin. Elle se présente comme une jeune fille à la fois innocente, mais hypersexualisée. Afin d’accentuer cette image, elle affirme être vierge. Celle qu’on surnomme alors la fiancée de l’Amérique remporte tout les suffrages avec cette sexualité offerte aux autres.
La double injonction contradictoire à laquelle Britney Spears se soumet ne résiste pas à l’épreuve de la réalité. Après sa rupture avec Justin Timberlake apparement suite à une infidélité de Britney Spears, cette dernière est critiquée de toutes parts. Justin Timberlake a d’ailleurs reconnu récemment que Britney Spears a été traitée de manière misogyne suite à leur rupture autant par lui que les médias. Ce soutien un peu tardif pour les fans a suivi la sortie du documentaire du New York Times Framing Britney Spears. Le slut shaming dont a été victime la vedette, constamment humiliée et attaquée sur sa vie sexuelle, ses tenues et ses danses, y est flagrant.
Le harcèlement médiatique : Sois sexy mais pas vulgaire
Britney Spears est souvent souvent citée comme exemple des enfants stars qui ont mal tourné. Ses premiers pas sur la scène musicale se sont faits dans l’émission The Mickey Mouse Club. Malgré les quatre années qui séparent l’émission Disney et le début de sa carrière internationale, on ne cesse de lui reprocher de ne plus être la petite fille sage d’antan. Désormais avec des chansons explicites comme « I’m A Slave 4 U » ou « Toxic » ou encore le baiser qu’elle échange sur scène avec Madonna, on reproche à Britney Spears sa vulgarité. Ses choix à rebours des attentes de la société choquent. Or, ils interviennent au moment de l’explosion de la presse people. Britney Spears devient donc la cible favorite des paparazzis.
La frénésie médiatique atteint une nouvelle ampleur en 2004, lorsque la princesse de la pop n’épouse pas un prince mais Kevin Federline, un danseur qui a abandonné sa petite-amie enceinte de leur second enfant. Durant leur deux ans de mariage, Britney Spears a deux enfants, tout en continuant à faire la fête avec Lindsay Lohan et Paris Hilton. Elle est donc présentée comme une mauvaise mère. Ce serait la conséquence logique d’un mariage jugé trop hâtif et irréfléchi, tout comme ses grossesses. Tout cela pour le plus grand plaisir des paparazzis qui traquent ses faits et gestes. Dans un article de Slate, Maud Garmy parle du rôle d’exutoire générale que joue Britney Spears, devenue le contre-modèle par excellence de la femme.
La liberté sous surveillance : Sois sage
Le point de non retour pour Britney Spears arrive en février 2007 où devant une horde de paparazzis, elle se rase le crâne et attaque une voiture avec un parapluie. Les images font le tour du monde. Le verdict est unanime : Britney Spears est folle. Pourtant son geste peut être compris comme un désir de se réapproprier son corps et ne plus être un produit marketing. En effet, Liv Stormquist rappelle que si la chanteuse a du succès c’est aussi “parce qu’elle est tellement blonde et qu’elle lèche une sucette.” Derrière l’ironie, l’autrice souligne l’importance de la chevelure blonde comme attribut de beauté. Couper ses cheveux a donc pu être une manière pour Britney Spears de ne plus être objectifier. Mais avec une longue tradition de pathologisation de la colère féminine, elle est par la suite internée et est placée sous la tutelle de son père.
Le retour du père dans la vie de Britney Spears lui permet de rétablir l’ordre dans sa vie. C’est en tout cas l’avis général devant la chevelure blonde et la silhouette longiligne retrouvées de l’artiste. Mais derrière les sourires affichés dans ses posts Instagram, la star avoue de nombreux abus lors de son audience publique. Obligation de se produire sur scène, interdiction de sortir, de dépenser son argent, de retirer son stérilet ou de choisir ses fréquentations… Telle qu’elle l’a décrite, sa tutelle est la manifestation extrême des violences sexistes qui ont jalonné toute son histoire. Sa situation est un exemple des conditions dans lesquelles l’autonomie féminine se négocie, ainsi que celles des personnes en situation d’handicap. Pas étonnant que le mouvement Free Britney ait pris tant d’ampleur. Il peut être l’occasion d’élargir le débat sur ces questions.
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