Et si on arrêtait d’utiliser le mot « beurette » ?

Avez-vous déjà tapé « beurette » dans un moteur de recherche ? Aujourd’hui dans #MotsPourMaux, on vous parle d’un mot à la connotation souvent péjorative, utilisé pour qualifier les jeunes femmes d’origine maghrébines.

La beurette, c’est la fille dévergondée, vulgaire, qui aime séduire les hommes, voire leur soutirer de l’argent. Elle est je cite « libertine, partouzeuse de limousine » comme le chante le rappeur el matador. Mais le mot n’a pas toujours eu cette signification, comme l’expliquent Sarah Diffalah et Salima Tenfiche dans leur livre « Beurettes – Un fantasme français » (Seuil), paru en mai.

La « beurette » est le pendant de la « femme voilée »

« Beurette » est apparu dans les années 1980, en même temps que la « Radio Beur » et la dite « marche des beurs ». A l’époque, la connotation est sympathique. Le mot désigne une jeune femme intégrée, bien dans ses baskets, bref, une réussite française. Sauf qu’il a pris au fur et à mesure une connotation sexuelle, si bien que, quand on tape beurette dans Google, voici ce qu’on trouve :

Résultats sur le mot beurette dans le moteur de recherche Google.

La beurette, c’est la prostituée, par opposition à la femme voilée. C’est un fantasme qui cache un relent de colonialisme : il s’agit d’arracher la beurette à l’homme arabe en la soumettant par le sexe, en la dévoilant. Cela rappelle les cérémonies de dévoilement dans l’Algérie des années 50, menées par les responsables de l’OAS. Avec pour but, selon l’écrivain Frantz Fanon, de « déstructurer la culture algérienne ».

Beurettocratie

Les femmes d’origine maghrébine subissent aujourd’hui ce cliché de la beurette, et se retrouvent prises en étau entre deux injonctions : être trop prude, ou trop dévergondée. C’est pour se moquer de ce stéréotype que l’instagrammeuse Lise Bouteldja a décidé de forcer le trait, en retournant le stigmate :

https://www.instagram.com/p/BwknDt5AVeM/

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Lise Bouteldja a même inventé un mot, la « beurettocratie ». Histoire de transformer en aristocrates les parias de la société. Mais il y a d’autres moyens de combattre le cliché, par exemple au cinéma en proposant des modèles de femmes d’origine maghrébine qui ne sont pas toujours des victimes de leur religion ou de grands frères autoritaires.

Les autrices Sarah Diffalah et Salima Tenfiche ont quant à elles plutôt envie d’enterrer le mot beurette. Et proposent à la place le mot « rebeue ». Chiche, on arrête d’utiliser le mot beurette ?

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