Comment notre prénom influence notre vie ?

Qu’il soit millénaire ou qu’il ait été inventé pour nous, le prénom en dit long sur la façon dont nous nous construisons. On connaît rarement une Marion qui n’est pas née dans les années 90, qui n’a pas été en classe avec quatre autres Marion, et qui n’a pas été confondue avec une Manon.

Dans son livre, La science des prénoms, Anne Laure Sellier, chercheuse en psychologie sociale et cognitive et professeure à HEC Paris, s’interroge sur les conséquences de notre prénom sur nos vies. Elle interpelle : “Avez-vous jamais considéré à quel point votre existence aurait pu être autre si vous vous étiez prénommé(e) autrement ? Auriez vous été la même personne, fait les mêmes choix ?”

“Un premier cadeau à l’enfant”

Avant même de naître, d’avoir ses propres goûts et traits de caractère, nos parents choisissent notre prénom. Prénoms composés, prénom en accord avec nos origines, hérités de parents décédés, genrés ou neutres : ils ne sont pas que des détails dans nos vies.

Le prénom apparaît comme un premier désir parental projeté sur cette vie qui débute, un premier cadeau à l’enfant.

D’où la tâche compliquée de prénommer un enfant. Prénom trop original, trop classique, trop court, trop long : et si toute sa vie allait être impactée ? Anne Laure Sellier parle même de vraie “stratégie du prénom”. “Le prénom apparaît comme un premier désir parental projeté sur cette vie qui débute, un premier cadeau à l’enfant.”

Car certains parents voient dans le prénom donné à leur enfant un chemin de vie. Certains veulent que leur enfant porte un prénom unique qui le différencie des autres toute sa vie, ou encore un prénom “facile à porter” pour prévenir les éventuelles moqueries et autres mauvaises prononciations. 

Reflet d’une histoire

Notre prénom est un reflet, qu’il soit social, culturel, mais aussi historique : que vous soyez une Marguerite née dans les années 1900, une Sylvie née dans les années 1960 ou un Gabin né dans les années 2010. De plus, la plupart des prénoms ont des origines religieuses, même lointaines.

Porter le prénom d’un oncle, d’une grand-mère, n’est pas non plus anodin sur le développement. Cela implique d’avoir, inconsciemment, intégré que nous portions une part de l’héritage sur terre de cette personne : ce qui peut mettre une certaine pression.

Le prénom en dit beaucoup sur qui nous sommes. Par exemple, on attribue aux enfants sans parents un prénom du calendrier qui sera leur nom de famille en attendant qu’ils soient adoptés.

Il existe même des pays où les prénoms font intégralement partie… du nom de famille. C’est le cas de l’Islande, où ces derniers n’existent pas : on choisi, à l’âge adulte, de s’appeler “fille de” ou “fils de” suivi du prénom d’un des parents. Nous ne sommes pas loin d’une présentation à la Game of Thrones : “Enchanté, Jon Snow, fils d’Eddard Stark”.

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Prénom et discrimination

Ainsi, on peut sentir qu’on est bien dans notre prénom et son histoire, ou non. Dans La science des prénoms, Anne Laure Sellier parle de “Jennifer, d’origine maghrébine. Elle aurait tant aimé que ses parents lui donnent un prénom arabe”. Car le prénom, comme le nom de famille, est aussi une partie de nos racines.

A l’inverse, nombre de personnes sont contraintes de mal vivre leur prénom qui renvoie aux origines de leurs parents ou grands-parents : car dans une société au racisme systémique, il est vecteur de discriminations, notamment sur un CV ou un dossier immobilier.   

Les prénoms sont aussi révélateurs des milieux socioculturels dans lesquels nous avons grandit. Dans son livre, Anne Laure Sellier rappelle qu’en 2012, le sociologue Baptiste Coulmont avait classé les prénoms des lycéens en fonction de leurs résultats au bac. “Il a classé 350 000 des 580 000 bacheliers et a montré que Côme, Ariane, Irène et Madeleine ont plus d’une chance sur quatre d’obtenir la mention très bien (TB) au baccalauréat, contre seulement 15% pour Violette, Apolline, Domitille, Hortense et Daphné. Cyndi, Kevin, Jordan et Melissa, quant à eux, ne dépassent pas 3% de mention TB.”

Le spleen du prénom

Dans son livre, Anne Laure Sellier parle du “spleen du prénom”. Il s’agit du mal-être que peuvent ressentir certaines personnes qui vivent avec un prénom qui ne leur ressemble pas. Pour certains, un surnom ou un diminutif sera une solution. Il est des “Emmanuelle” qu’on connaît uniquement comme des “Manue”, ou des “Théo” qui cachent un “Théophile”. D’autres choisissent même un de leurs seconds prénoms.

A mes 18 ans, j’ai entamé une procédure de changement de prénom. Mon père l’a su et m’a menacée de mort.

Pour d’autres, le mal-être est tel qu’ils en viennent à faire un changement de prénom. Une formalité administrative sur le papier, mais en réalité un geste qui peut être très mal perçu par la famille. Anne Laure Sellier a recueilli dans son ouvrage un témoignage anonyme mais édifiant : “A mes 18 ans, j’ai entamé une procédure de changement de prénom. Mon père l’a su et m’a menacée de mort.”

Ressembler à son prénom

Vous vous êtes sûrement déjà dit, en rencontrant quelqu’un pour la première fois “son prénom lui va super bien” ou “elle n’a pas du tout l’air de s’appeler comme ça”. Ce n’est pas un hasard. Il y aurait bien un trombinoscope inconscient des prénoms.

Notre prénom ne nous appartient pas tout à fait

La sonorité d’un prénom en dit long sur la personnalité que nous développons en grandissant. Pour cause, dans son livre, la chercheuse Anne Laure Sellier a mis en évidence le fait que des sonorités émises par les lettres “b” “m” ou “l” évoquaient la rondeur, tandis que les “k” et les “t” se traduirait visuellement par des angles.

En d’autres terme, les Molly n’auraient pas dans notre imaginaire collectif le même physique ou la même personnalité que les Katie. “En définitive, écrit la chercheuse en psychologie sociale, notre prénom ne nous appartient pas tout à fait. Il nous a été donné par les autres, et nous le leur rendons au quotidien avec le visage que nous leur tendons.”

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