Public Story : Maïwenn Le Besco, l'art de la fougue

Actrice et réalisatrice, à 45 ans, Maïwenn revient avec le film ADN, qui explore ses origines. L’occasion d’ausculter le parcours singulier d’une femme éprise de liberté.

 “Ma mère ne m’aimait qu’à travers un écran de cinéma”

ËCannes, en cette soirée de mai 1997, Luc Besson joue gros : il est venu présenter Le Cinquième Elément, un film de science-fiction qui devrait le consacrer internationalement. Dans ce blockbuster esthétisant, Maïwenn, jeune comédienne, incarne une cantatrice extraterrestre à l’aura hypnotique. Depuis cinq ans, elle est mariée avec le célèbre réalisateur de Léon, qui lui a donné une fille, Shanna. Mais ce printemps s’apparente à l’hiver de leur histoire. Comme s’il avait rayé la jeune femme de sa vie, Besson ne l’invite même pas à assister à la projo du film ! “J’étais à la réception de l’hôtel et j’attendais que l’on vienne me chercher. Personne n’est jamais venu…”, se souvient-elle (Le Figaro Madame, novembre 2012). Ce soir-là, Luc Besson a décidé de s’afficher avec sa nouvelle muse, Milla Jovovich. Le message semble clair. Pourtant, Maïwenn ne lâche pas l’affaire. Avec l’aide du couturier Jean Paul Gaultier, costumier du film, elle parvient à assister à la projection, et même à s’incruster à l’after show. Très mauvaise idée. Lors de la soirée, les célébrités présentes ne lui adressent pas la parole, comme si une cruelle consigne avait été donnée. De son côté, Besson ne quitte pas Milla Jovovich d’un pouce et ignore son épouse. L’humiliation est totale mais la leçon est assimilée : plus jamais elle ne sera une “femme de”.

“C’est un boxeur”, remarque à son sujet Claude Lelouch, qui l’a dirigée dans Les Parisiens (2004). Comprenez : elle prend des gnons mais revient invariablement à la charge. En bon explorateur des âmes, le réalisateur des Uns et les Autres a parfaitement saisi la fêlure de la jeune femme. L’enfance de Maïwenn a été chaotique. Son père breton-vietnamien a la main leste et sa mère, d’origine kabyle, est une actrice qui ne perce pas. Résultat, elle projette ses frustrations sur sa fille aînée. “Ma mère ne m’aimaitqu’à travers un écran de cinéma”, résumera-t-elle à Thierry Ardisson en 2001. Maïwenn est née en 1976, a grandi dans le quartier populaire de Belleville, à Paris, avec ses cinq frères et sœurs. Dès l’âge de 3 ans, elle parcourt les castings, feignant une réelle conviction sous l’autorité d’une maman ultra-motivée. Elle débute alors dans L’année prochaine… si tout va bien, de Jean-Loup Hubert. À 5 ans, elle fait une apparition dans Hippolyte, d’Antoine Vitez. À 7 ans, elle est Isabelle Adjani jeune dans L’Été meurtrier. À 15 ans, elle décroche son premier grand rôle dans La Gamine, d’Hervé Palud, avec Johnny Hallyday.

  Filmographie

L’ÉTÉ MEURTRIER : Dans ce film des années 80 de Jean Becker, elle joue le personnage incarné par Isabelle Adjani enfant. Celle-ci devient une figure tutélaire pour Maïwenn.

LA FAMILLE RAMDAM : Le grand public la découvre vraiment dans cette sitcom de M6 qui se veut un Cosby Show français à la sauce algérienne. Un projet trop visionnaire pour l’époque…

LA GAMINE : Un film populaire d’Hervé Palud dans lequel elle tient un premier rôle face à Johnny Hallyday. Censé la lancer, il se révélera un échec public et critique.

LE CINQUIÈME ÉLÉMENT : Dans cette première superproduction de science-fiction signée Luc Besson, elle apparaît grimée en diva extraterrestre, fatale et bleue.

HAUTE TENSION : Elle refait surface dans ce thriller horrifique plutôt réussi filmé par Alexandre Aja. L’occasion pour Maïwenn de donner la réplique à Cécile de France et Philippe Nahon.

PARDONNEZ-MOI : Sa première réalisation prend la forme d’un “documenteur”, dans lequel elle règle ses comptes avec ses parents “toxiques”. Un film coup de poing qui l’impose dans le cinéma français.

LE BAL DES ACTRICES : Plus léger, ce film explore le milieu des actrices françaises avec humour et causticité. Un succès populaire porté par un casting premium où le gratin des comédiennes est convoqué.

POLISSE:  Le quotidien rarement évoqué de policiers de la BPM (brigade de protection des mineurs). Un film âpre qui évoque sans fard la maltraitance de l’enfance. Son film le plus personnel ?

MON ROI : Retour à l’autofiction où elle revient sur sa relation bouillonnante avec Jean-Yves Le Fur, homme d’affaires, jet-setteur et playboy international. Avec Vincent Cassel.

ADN : Dans son dernier opus, elle se met en scène à la recherche de son identité. Elle en profite au passage pour remettre un coup de griffe à ses parents, décidément omniprésents.

UNE FEMME SANS FILTRE 

Égérie Chanel

Après le film Polisse (en 2011), Maïwenn tape dans l’œil de Karl Lagerfeld, qui décide d’en faire la nouvelle égérie Chanel en septembre 2012. Depuis cette date, la collaboration entre l’actrice-réalisatrice et la marque se porte bien, comme on a pu le constater en septembre 2020, quand Maïwenn était au Festival de Deauville pour y présenter son dernier film, ADN.

#MeToo ? Too much…

Malgré le phénomène #MeToo, Maïwenn soutient Roman Polanski et n’apprécie pas la vague féministe actuelle, qu’elle juge “too much”. En octobre 2020, elle crée la polémique en déclarant, entre autres : “Je ne me suis jamais sentie offensée parce qu’un homme portait un regard bestial sur moi. Au contraire, je prends ça comme un compliment.” ou encore : “Adèle Haenel doit avoir un gros bobo quelque part pour être partie comme elle l’a fait. Le politiquement correct dans ce milieu, aujourd’hui, exige de se déclarer pour elle. Eh bien ! moi, je ne le suis pas.” De quoi mettre le feu aux poudres…

“On m’a toujours adorée ou détestée”

On est en 1991, et Maïwenn devient une sorte d’attraction dans le milieu du show-business parisien. Elle est d’ailleurs une habituée du club branché de l’époque, les Bains Douches, depuis l’âge de 12 ans. Claude Challe, le DJ des lieux, se souvient : “Elles étaient quelques-unes très jeunes aux Bains. Charlotte Gainsbourg, les sœurs Scherrer, Maïwenn…” (Marie-Claire, novembre 2015). La même année, elle rencontre Luc Besson au Fouquet’s, un soir de César. Le réalisateur est ému. Anne Parillaud, sa compagne, vient de rafler le césar de la Meilleure Actrice pour Nikita. Ce qui n’empêchera pas le cinéaste de tomber raide dingue amoureux de la jeune et espiègle Maïwenn deux heures plus tard… Besson embarque sa nouvelle muse à Los Angeles, mais celle-ci sombre peu à peu dans le quotidien d’une desperate housewife. Elle s’essaie alors à la réalisation. “Luc ne m’a pas aidée à devenir réalisatrice. Le premier court-métrage que j’ai écrit, il m’a fait comprendre qu’il était nul et qu’il fallait que j’arrête”, se souvient-elle dans Paris Match (août 2017). Besson conseille plutôt à son épouse de réaliser des vidéos d’aérobic comme celles de Cindy Crawford, qui cartonnent à l’époque. La rupture avec le cinéaste sera dure à encaisser. Déprimée, Maïwenn est tentée de sombrer dans la drogue, l’alcool ou la boulimie. Le monde du cinéma l’a oubliée, et la voilà contrainte de recommencer tout à zéro. “Pour payer les factures, j’ai fait plein de pubs à l’étranger, parfois dans des tenues ridicules. Mais j’ai aussi été l’assistante de Smaïn, fait des boulots de traductrice français-anglais, j’ai été assistante chez Jean Paul Gaultier… Il y a eu des vagues où je travaillais moins que d’autres, et où ma sœur [la comédienne Isild Le Besco] s’est, elle, mise à enchaîner…” (Paris Match, août 2017). Elle se ressaisit en 1998, prend des cours de comédie, et, en 2001, elle autofinance un one-woman-show d’autofiction baptisé Le Pois chiche, qui va la faire passer d’ex-starlette/lolita/femme de à artiste à part entière, ayant (beaucoup) de choses à déclarer. Son nouveau compagnon, l’homme d’affaires et jet-setteur Jean-Yves le Fur, l’incite à réaliser un premier long-métrage. Ce sera Pardonnez-moi en 2006, qui imposera le style qu’elle ne cessera de décliner : un cinéma quasi documentaire, entre Pialat et Lelouch, dans lequel elle règle ses comptes avec sa famille (comme aussi, récemment, dans ADN), avec son ex, Jean-Yves Le Fur (Mon roi), ou avec le milieu du cinéma (Le Bal des actrices), tout en traitant la question de la maltraitance des mineurs en filigrane ou frontalement (Polisse). Dès lors, chaque film devient un événement divisant les critiques et le public, mais suscitant le débat. À l’image de Maïwenn elle-même, désormais une sorte de “grande gueule” du cinéma français, n’hésitant pas à prendre des positions pas forcément dans l’air du temps, quitte à déplaire parfois (voir encadré). Excessive mais courageuse, l’actrice-réalisatrice a parfaitement résumé les choses dans les colonnes du magazine Elle en septembre 2017 : “On m’a toujours adorée ou détestée.” Une question d’ADN, sans doute. ¦

Son clash avec Julie Gayet

En 2013, Julie Gayet réalise un documentaire, Cinéast(e)s, qui évoque les femmes réalisatrices, dont Maïwenn. Problème : celle-ci avait refusé d’y figurer. Mais Julie Gayet décide de passer outre en utilisant d’autres images déjà tournées. Furibarde, Maïwenn lui envoie un SMS plutôt cash : “C’est simple, je vais venir t’égorger de mes propres mains si tu ne vires pas ma séquence.” Un peu brutal… “Je crois qu’à l’époque elle était déjà avec François Hollande, je crois que je ne le savais pas. En tout cas, j’ai trouvé qu’elle était très en confiance”, expliquera Maïwenn sur le plateau du Grand Journal (Canal+) en 2015.

Ses amours

Luc Besson

Jean-Yves Le Fur

JoeyStarr

En 1991, un soir de cérémonie des César, Maïwenn rencontre Luc Besson au Fouquet’s. Elle a 15 ans, lui 32, mais le cinéaste plaque sa compagne, Anne Parillaud, pour vivre à Los Angeles avec elle. De cet amour naîtront leur fille Shanna, deux ans plus tard, et le film Léon, en 1994. “Léon, l’histoire d’une fille de 13 ans amoureuse d’un homme plus âgé, c’était très inspiré de nous puisqu’il l’a écrite alors que notre amour débutait. Mais aucun média n’a fait le lien”, analyse Maïwenn en septembre 2017 dans Elle. De 2002 à 2004, elle vit avec l’homme d’affaires et playboy international Jean-Yves Le Fur (ex de Karen Mulder et de Stéphanie de Monaco). Cette relation donnera naissance à leur fils Diego, en 2003, et un film, Mon roi, en 2015, dans lequel elle brosse le portrait de son ex, incarné par Vincent Cassel. De 2009 à 2011, elle vit une histoire avec JoeyStarr en mode “geisha et infirmière”, comme elle le confessera dans Elle en août 2017. Leur idylle a pris fin à la suite du tournage de Polisse.

Renaud Leclercq

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