- Qu’est-ce que le syndrome de Williams ?
- Des symptômes nombreux et variés
- Les Williams, une grande "famille"
- Des troubles cognitifs qui complexifient le quotidien
- Faire de sa différence une force
- Les proches, un soutien indispensable
- L’association Autour des Williams
Ma petite soeur, Svetlana, est atteinte d’un syndrome de Williams (ou syndrome de Williams et Beuren), une maladie génétique rare qui touche environ 3 000 personnes en France. On peut dire qu’elle est, en quelque sorte, une « pierre précieuse » : différente et rare, elle fait briller ses proches en les rendant bienveillants et ouverts d’esprits.
Qu’est-ce que le syndrome de Williams ?
On parle de maladie génétique lorsqu’il y a une altération du patrimoine héréditaire, c’est-à-dire des gènes.
Au moment de sa formation dans le ventre de ma mère, une trentaine de gènes présents sur le chromosome 7 de ma petite sœur ne se sont pas placés correctement. Un test génétique très sophistiqué, appelé hybridation in situ ou FISH, permet de diagnostiquer la maladie lorsque celle-ci est suspectée.
Quelles que soient vos origines, votre sexe ou vos antécédents, vous avez un risque sur 10 000 d’avoir un enfant atteint de cette maladie. Raison pour laquelle mes parents n’ont pas renoncé à leur envie d’un troisième enfant après la naissance de ma petite sœur. Deux ans plus tard, mon petit frère naissait en parfaite santé. À ce jour, on estime qu’il existe entre 5 000 et 8 000 maladies rares. Dans le cas du syndrome de Williams, cela représente 300 000 personnes dans le monde.
La plupart des maladies rares sont incurables. Aussi l’art de vivre avec constitue un apprentissage de tous les jours pour les patients et leurs familles.
Des symptômes nombreux et variés
Les symptômes du syndrome de Williams sont nombreux et varient en intensité d’un patient à l’autre. On compte parmi eux : des retards de développement intellectuel et psychomoteur, des complications cardiovasculaires, rénales et pulmonaires, des difficultés à s’alimenter, des problèmes dentaires, un strabisme, une hypercalcémie, une puberté précoce etc.
Comme le gène responsable de l’élastine fait partie de ceux s’étant mal placés lors de la conception des personnes atteintes du syndrome de Williams, certains tissus de leur corps, comme la peau, les ligaments et les vaisseaux sanguins manquent cruellement d’élasticité. Cela favorise alors les entorses, tendinites, mais également les problèmes de circulation sanguine.
Svetlana par exemple, a dû se faire opérer du cœur à l’âge de 5 mois et demi à cause d’une sténose aortique supravalvulaire. Un mot savant qui décrit en réalité un phénomène pas si compliqué : le manque d’élasticité de ses artères et de ses veines empêchait le sang de circuler au niveau de l’aorte de son cœur. De sa naissance à son opération, elle devenait toute bleue dès qu’elle se retrouvait allongée et ne pouvait pas respirer correctement.
Malheureusement, son problème de circulation sanguine n’a pas pu pas être réglé tout de suite. Comme de nombreux enfants atteints du syndrome de Williams, ma petite sœur ne mangeait pas beaucoup et avait besoin de prendre du poids afin de supporter une opération à cœur ouvert. Alors que je n’étais âgée que de 6 ans, mes parents ont dû m’expliquer que ma petite sœur pouvait décéder et que je pouvais ne jamais la revoir. Un moment qui m’a évidemment marqué. Par chance, les chirurgiens cardiologues qui s’occupaient d’elle ont réussi à réaliser l’opération sans complication et elle a pu quitter l’hôpital un mois après.
En 2007, alors qu’elle avait 4 ans, elle s’est faite opérer d’une double hernie inguinale. Une opération peu complexe mais qui peut très vite s’aggraver chez les personnes atteintes du syndrome de Williams. Ces dernières supportent généralement mal les anesthésies. Compte-tenu des anomalies de l’élasticité des artères, elles ont plus de difficultés à maintenir des tensions artérielles adéquates lors d’une induction anesthésique avec malheureusement parfois survenue de choc cardiogénique, d’hypotension, voire de mort subite. Une fois l’opération terminée, ma petite sœur ne se réveillait pas et les médecins ont dû recourir à de l’adrénaline, tout en faisant attention aux effets sur son cœur, pour qu’elle revienne à elle et ne tombe pas dans le coma.
Elle a également longtemps été atteinte d’un strabisme et s’est faite opérer en août 2019. Aujourd’hui, elle porte encore des lunettes à très gros foyers et ne peut pas voire sans. Sa puberté est arrivée très tôt, elle a donc suivi un traitement visant à la retarder. Elle recevait des injections tous les 24 jours.
À 18 ans aujourd’hui, elle souffre d’hypertension et sa sténose au cœur est revenue. Elle enchaîne donc les rendez-vous médicaux et les hospitalisations à répétition. C’est une battante, elle fait preuve d’une force qui m’impressionnera toujours. Je pense que quiconque aurait vécu la moitié de ce qu’elle a traversé, aurait eu beaucoup de mal à s’en remettre, mais elle, elle affronte les évènements avec force et détermination depuis sa naissance et n’abandonne jamais.
Les Williams, une grande « famille »
On dit souvent des personnes atteintes du syndrome de Williams qu’ils sont tous frères et sœurs. Tout comme dans le cas de la Trisomie 21, ceux-ci ont un faciès caractéristique, ils se ressemblent donc énormément.
À la naissance, les nouveaux-nés ont un visage aux joues pleines avec un profil un peu plat. Plus tard, apparaît habituellement un visage allongé et mince ainsi qu’un long cou. Les traits les plus caractéristiques sont un grand front, de bonnes joues (qui donnent envie de leur faire des bisous), une grande bouche avec une lèvre inférieure tombante, une pointe du nez bulbeuse et un développement insuffisant des os des pommettes. Le contour des yeux est souvent gonflé et parfois, les deux yeux ne regardent pas dans la même direction à cause d’un strabisme.
Les enfants ont souvent des dents de lait petites, irrégulières et espacées. Quand elles tombent, elles ne sont pas toujours toutes remplacées par une dent définitive. Parfois, les dents restent petites, sont mal implantées ou de façon anarchique. Avec le syndrome de Williams, les enfants sont aussi plus sensibles aux caries que la moyenne, un suivi régulier est donc indispensable.
Lorsqu’elles se rencontrent, les personnes atteintes du syndrome de Williams s’entendent immédiatement. Elles jouent ensemble, se racontent leur quotidien (ou ceux de leurs proches), comme si elles se connaissaient depuis toujours.
Des troubles cognitifs qui complexifient le quotidien
Les personnes atteintes du syndrome de Williams font face à plusieurs difficultés au quotidien, en plus des problèmes de santé qu’ils peuvent rencontrer.
La majorité des enfants porteurs du syndrome de Williams présente un déficit intellectuel léger a modéré. Le développement des capacités est évalué par des tests de QI. Alors que 90 % de la population générale a un QI supérieur à 85, celui des personnes atteintes du syndrome se situe aux alentours de 60.
Les difficultés d’apprentissage (du calcul plus que de la lecture) interviennent dès l’école primaire et rares sont les adultes atteints du syndrome de Williams à pouvoir être autonomes. La prise en charge éducative des personnes atteintes de syndrome de Williams doit donc se faire dans un cadre multidisciplinaire associant pédiatre, psychomotricien, orthophoniste et psychologue.
Les personnes atteintes du syndrome de Williams sont très sensibles au stress. Il arrive que ma petite sœur se mette à pleurer ou s’énerve sans que l’on sache réellement pourquoi. Cette anxiété crée souvent chez les porteurs de la maladie des troubles du sommeil. Ma petite sœur dort ainsi rarement avant minuit et se lève souvent pendant la nuit.
Elles ont souvent des difficultés à se repérer dans le temps et dans l’espace. Très souvent, ma sœur nous dit avoir fait une chose à l’école « l’année dernière » alors qu’il s’agit en réalité de la semaine dernière ou du mois dernier. De même, elle est rapidement perdue dans un endroit très fréquenté, comme dans les centres commerciaux ou les transports en commun.
Même s’ils sont discrets, les troubles moteurs gênent le développement des personnes porteuses du syndrome. Les enfants acquièrent la station debout et la marche plus tardivement que la normale. Ils rencontrent des difficultés pour monter et descendre les escaliers.
La maîtrise des gestes précis demande des efforts particuliers et les enfants apprennent plus tard que les autres à se servir d’un crayon ou d’une souris d’ordinateur, par exemple.
Ils ont des difficultés à manipuler les petits objets et peuvent être assez lents dans la réalisation de certaines actions. Les enfants ont aussi une tendance à trembler, qui s’accentue quand ils sont anxieux.
Faire de sa différence une force
Nous avons tous des particularités et on ne trouvera jamais une personne identique à une autre. Ne pas être bon dans un domaine ne signifie pas que nous serons mauvais dans tout. Il suffit de cultiver ses différences pour en faire une force. Et bien il en est de même pour les porteurs du syndrome de Williams. S’ils font face à de grosses difficultés, ils sont aussi capables de prouesses.
Les personnes atteintes du syndrome de Williams sont dotées d’une hypersensibilité : quand elles sont avec d’autres personnes, elles passent leur temps à « scanner » leur état émotionnel. Typiquement, lorsque je suis triste ou énervée mais que je ne préfère pas le montrer, ma petite sœur va tout de suite le repérer, car elle est attentive à mes moindres gestes, ou à la tonalité de ma voix.
Elle est capable de percevoir avant même que je m’en aperçoive moi-même que quelque chose est sur le point de m’agacer. Cette aptitude fait d’elle quelqu’un d’extrêmement chaleureuse et joyeuse, elle tente toujours de me rassurer ou de me redonner le sourire.
Ma petite sœur est également quelqu’un d’hypersociable, elle n’a aucun mal à discuter avec quelqu’un qu’elle vient à peine de rencontrer. Étant de mon côté timide, cela m’arrange qu’elle prenne parfois la parole à ma place. Les personnes atteintes du syndrome de Williams sont très affectueuses et en général très appréciées. Tous mes amis adorent ma petite sœur ! C’est un véritable rayon de soleil.
La relation des porteurs du syndrome de Williams avec la musique est très surprenante. Ils ont un sens du rythme exceptionnel. Beaucoup savent jouer d’un ou plusieurs instruments et sont capables d’assimiler des mélodies et des rythmes très complexes.
La plupart d’entre eux possède le don d’oreille absolue, phénomène très rare existant chez 1 personne sur 10 000 dans la population normale. Ce don leur permet de repérer la hauteur des notes sans repères visuels ni auditifs.
Dès ses trois ans, mes parents ont inscrit ma petite sœur à un atelier d’éveil musical où elle excellait. Je partage énormément de moments de complicité avec elle autour de la musique : nous allons ensemble à des concerts, dansons sur des musiques entrainantes, chantons à en exaspérer mon petit frère…
Les personnes atteintes du syndrome de Williams sont de véritables poètes. Elles possèdent en effet des aptitudes verbales exceptionnelles. Si l’acquisition du langage est généralement tardif, les malades rattrapent très vite leur retard et sont capables de tenir des conversations très bien construites à l’âge adulte.
Ma petite sœur utilise souvent des mots que nous n’avons pas l’habitude d’employer à la maison, ce qui nous étonne toujours. Elle dispose d’un langage varié et très sophistiqué, acquis à la fois par le biais de l’école, de ses lectures, mais également de ce qu’elle a pu entendre dans la rue ou à la télévision. Elle a une excellente mémoire auditive.
Les proches, un soutien indispensable
Les personnes porteuses du syndrome de Williams sont rarement autonomes. Les enfants apprennent les gestes simples tels qu’aller aux toilettes, manger ou se laver et peuvent également participer aux taches ménagères, mais cela leur prend beaucoup de temps et tout n’est pas toujours bien exécuté.
Ma petite sœur par exemple, a toujours besoin de la présence de ma mère lorsqu’elle prend sa douche ou s’habille. Elle n’arrive pas à boutonner son pantalon ni à attacher ses lacets. Les gestes trop techniques sont compliqués et la mettre en situation d’échec provoque un sentiment de frustration et de colère chez elle.
A l’âge adulte, les personnes atteintes de syndrome de Williams gardent souvent des difficultés et rares sont celles qui parviennent à être totalement autonomes. En revanche, beaucoup peuvent exercer une activité professionnelle, quelquefois en milieu ordinaire, plus souvent dans le cadre d’un Établissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT).
Je pense que ma petite sœur a eu beaucoup de chance de naître en deuxième position : mon petit frère la pousse vers le haut, quand moi je la tire aussi vers le haut. Elle me prend souvent pour exemple et mon frère comme point de comparaison. Lorsque ce dernier a commencé à savoir lire, elle aussi voulait y arriver aussi.
Nous avons déménagé pour trois ans en Afrique lorsque ma petite sœur avait 7 ans . Là-bas, elle a appris à nager. J’ai encore ces magnifiques souvenirs d’elle en train de se laisser porter sur l’eau, un masque et un tuba sur la tête ! À 12 ans, elle a également tenté le ski, un moment riche en émotions et en sensations.
L’association Autour des Williams
Le soutien de l’association Autour des Williams, à laquelle mes parents ont adhéré quelques mois après la naissance de ma petite sœur, est indispensable au quotidien, tant pour les proches que pour les porteurs du syndrome.
Outre la recherche et les colloques, ce sont surtout l’entraide entre parents, les conseils et meetings qui sont importants. Ils permettent aux enfants de se retrouver et aux parents d’échanger sur leurs expériences. Les fratries peuvent exprimer leur ressenti et partager des moments heureux sans avoir à expliquer sans arrêt ce qu’est la maladie.
La pandémie a montré à quel point cette association avait son importance : les personnes atteintes du syndrome ont pu participer à plusieurs visioconférences et ateliers, partager leur quotidien confiné, discuter avec des personnalités comme Ophélie Meunier (marraine de l’association), Théo Curin ou Nach.
- Caroline Lhomme : « J’aimerais que mon livre aide les valides à voir les personnes handicapées différemment »
- « Le confinement, je connais » : handicapées, elles nous racontent leur isolement sans fin
Source: Lire L’Article Complet