Samedi 27 mars, France 2 va consacrer une grande soirée hommage à Line Renaud, Merci Line, pour son engagement dans la lutte contre le sida . Nous avons interviewé la star à l’occasion de la sortie de son nouveau livre de mémoires En toute confidence (Denoël). Confessions d’un mythe.
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Ce n’est pas la première fois que vous publiez un livre de souvenirs. Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de celui-ci ?
L. R. Le vrai livre de souvenirs, c’est le précédent, qui s’appelait Et mes secrets aussi, que j’ai écrit avec Bernard Stora, mon metteur en scène et grand ami. C’est la seule personne à laquelle je me serais confiée. Il me connaît bien et j’ose lui parler de tout. Ce livre ayant très bien marché, nous avons décidé d’en faire un deuxième. Quand j’étais à l’hôpital après mon AVC, je me suis rendu compte que j’avais encore beaucoup de choses qui me revenaient. Et quand Bernard venait me voir, je lui disais que j’avais oublié de lui raconter beaucoup de choses. Nous avons donc continué.
Était-ce une façon d’accélérer votre convalescence après l’AVC qui vous a touchée ? Une forme de thérapie ?
L. R. Oui, ça a un rapport. Je me serais probablement arrêtée là dans mes souvenirs mais, quand vous restez couchée pendant cinq mois, ça vous laisse le temps de réfléchir.
Vous avez été tour à tour chanteuse, meneuse de revue, comédienne. Quel bilan tirez-vous de cette carrière aux multiples facettes ?
L. R. Quand je chantais, j’étais folle de joie. J’adorais être sur scène, j’avais un grand plaisir à partir en tournée, surtout les tournées d’été, en plein air… Quand je pense à tout ce que nous faisions avec si peu de moyens, comparé à ce qui se fait aujourd’hui ! On présentait des spectacles avec très peu de matériel, ça tenait du miracle. J’ai parcouru des milliers de kilomètres pour aller voir la France et les Français. Mais dans ma tête, je m’étais fixé d’arrêter à 50 ans, âge auquel pour moi une femme ne doit plus chanter. Si vous voulez qu’une carrière soit longue, il faut la diversifier. J’ai dit au revoir à la revue au bout de vingt ans. Je voulais devenir comédienne, j’avais ça en moi. Ma première pièce a été Folle Amanda, au début des années 1980. Elle a été très saluée par la presse. France Soir a écrit : « Une sacrée comédienne est née. »
Dans le téléfilm Huguette, récemment diffusé sur Arte, vous incarnez une vieille dame seule et précaire. Quel regard portez-vous sur la façon dont on a traité les personnes âgées depuis le début de la crise du Covid ?
L. R. Le Covid est venu détruire le peu de bonheur qui leur reste. C’est dramatique mais Dieu merci, nous avons trouvé un vaccin plus rapidement que jamais. Souhaitons que ça marche ! Dans les Ehpad, quelle situation affreuse ! Ma gouvernante avait sa maman dans un établissement. J’ai vu cette femme souffrir d’Alzheimer pendant douze ans. Elle ne reconnaissait plus personne et était dans son monde à elle. Elle avait tellement changé physiquement. À la fin, c’était un chiffon, maigre à faire peur ! Elle-même demandait à partir. Et rien. Quand on sait que c’est fini, qu’il n’y aura plus jamais une vie décente, que la personne souffre, on doit pouvoir arrêter. On ne peut pas laisser les gens comme ça. Je vais me mettre activement là-dessus : mon prochain combat, ce sera de permettre aux gens de mourir dans la dignité.
Votre première grande cause, le sida, passe un peu en arrière-plan depuis quelque temps, et encore plus à cause du Covid…
L. R. Nous allons relancer le Sidaction. On ne peut pas oublier cette maladie. Il y a des progrès incroyables en matière de thérapie. On peut maintenant vivre avec la maladie mais, une fois qu’on l’a attrapée, on l’a pour toujours. Si on a trouvé un vaccin très vite pour le Covid, il n’y en a toujours pas pour le sida. Il y a encore 170 000 malades en France et une trentaine de millions dans le monde. Notre grand problème, en plein Covid, est d’alerter le public. Il faut en parler encore et encore, car nous avons maintenant affaire aux nouvelles générations. À chaque fois, nous sommes obligés de repartir de zéro.
Vous avez mené une double carrière aux États-Unis et en France. Quelle est la différence entre le show-biz américain et le show-biz français ?
L. R. Les Américains sont très professionnels. Ils savent faire de l’improvisé bien préparé. Tout est répété à l’avance : chaque geste, chaque gag… Ce sont des gens simples qui travaillent beaucoup. On n’arrive pas à une répétition les mains dans les poches, comme j’ai pu le voir souvent ici. Ils sont très sérieux, très disciplinés.
Comment votre carrière américaine a-t-elle commencé ?
L. R. En 1954, au Moulin-Rouge à Paris, Bob Hope est venu dans ma loge et m’a proposé de venir en Amérique dans son émission. Je lui ai répondu « It’s my dream ! » [« C’est mon rêve ! », ndlr] On parle de 80 millions de téléspectateurs. C’est énorme. C’est comme ça que j’ai commencé en Amérique. C’était avant Las Vegas, où je suis allée dix ans plus tard, en 1963. J’ai fait l’Amérique en deux fois !
Vous n’avez dès lors cessé de faire l’aller-retour entre la France et les États-Unis. Avez-vous eu à choisir entre ces deux carrières ?
L. R. Oui. Je chantais au Coconut Grove, là où se produisaient Judy Garland et Sammy Davis Jr. J’étais sans arrêt prolongée mais il a fallu choisir, car j’avais signé pour le film La Madelon en France. Si je prolongeais en Amérique, il fallait renoncer à La Madelon. Mais j’étais faite pour l’Amérique. J’aurais pu faire le reste de ma carrière là-bas.
Vous ne regrettez pas votre choix ?
L. R. Je ne regrette jamais mes choix. Là-bas, je serais une has been maintenant. Tout le monde buvait beaucoup, j’aurais eu une vie différente alors qu’ici, j’ai eu une vie de famille. En France, j’ai signé mon premier contrat avec Radio Lille à l’âge de 15 ans. Et ma carrière m’a amenée à avoir une rue à mon nom à Las Vegas, ce qui n’est pas commun.
Quel effet cela vous a-t-il fait ?
L. R. Quand on a dévoilé la plaque, je tremblais sur mes jambes, je n’en revenais pas. C’est difficile à expliquer en quelques mots mais j’ai joué un rôle considérable là-bas : j’ai participé à la création de grands casinos comme le Caesars Palace ou le Paris. J’ai été récompensée pour toutes ces années. Ils ne m’ont pas oubliée.
Vous aimez beaucoup paraître, être dans la lumière, vous ne vous en cachez pas. Est-ce que vous pouvez supporter l’idée que ça s’arrête ?
L. R. Quand l’heure sera venue, je le sentirai et j’arrêterai de moi-même. Mais ce n’est pas encore le moment, j’ai trop de projets. Je vais commencer le tournage d’un film pour France Télévisions, Le Squat, et également tourner pour le cinéma, avec mon ami Dany Boon.
Avez-vous le sentiment d’avoir une énergie hors du commun ?
L. R. J’ai eu une énergie tellement hors du commun que, même si elle n’est plus ce qu’elle était, j’ai encore une énergie hors du commun.
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