La lune peut-elle vraiment affecter notre sommeil ?

Depuis des millénaires, on accuse l’astre de la nuit de tous les maux, et surtout de nous empêcher de dormir. Croyance ou fait scientifique avéré ? Le point avec un médecin spécialiste du sommeil et un microbiologique.

Ce samedi 27 février, vous allez peut-être éprouver des difficultés à vous endormir. Vous tournez dans un sens, puis l’autre, à la recherche de Morphée. Excès de café ? Stress ? Un coup d’œil à la fenêtre et vous trouvez le responsable à vos maux : la pleine lune brille. Plusieurs études ont tenté de comprendre ce phénomène. Beaucoup ont été écartées à cause de leur méthodologie biaisée, car basée uniquement sur des témoignages ou un faible échantillon. Mais «aucune n’a apporté pour l’heure de preuve formelle d’un impact de la lune sur le sommeil», tranche Christophe Sureau, médecin du sommeil et auteur d’une thèse répertoriant toutes les principales recherches de la littérature scientifique sur ce sujet. En revanche, de récents travaux américains et argentins, dont les résultats ont été publiés mercredi 27 janvier dans la revue Science Advances, abondent une hypothèse prometteuse : l’influence de la luminosité de l’astre sur notre horloge circadienne, qui régule nos cycles de 24 heures.

Un frein à l’endormissement

Pour parvenir à cette conclusion, des chercheurs des universités de Washington, de Yale aux États-Unis, et de l’université nationale de Quilmes en Argentine ont analysé grâce à des bracelets connectés (aussi appelés actimètres) les cycles de sommeil de 562 personnes, vivant à la campagne et la ville, avec ou sans électricité. Après plusieurs semaines, les scientifiques ont constaté que les participants se sont couchés plus tardivement et ont dormi en moyenne 46 à 58 minutes de moins par nuit durant les 3 à 5 jours précédant la pleine lune.

Ainsi la lumière de l’astre, plus brillante les jours précédant à sa phase visible maximale, perturberait de la même manière notre sommeil que celle produite par la lumière artificielle. «Cette dernière passe à travers les yeux, même s’ils sont fermés, atteint notre horloge biologique centrale et lui fait croire qu’on est en plein jour, précise Claire Leconte, chronobiologiste. Cette perturbation freine la synthèse de la mélatonine (hormone du sommeil, NDLR) et retarde ainsi notre heure d’endormissement».

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Hypersensibilité, adaptation ou effet nocebo ?

D’après le médecin du Christophe Sureau, bien qu’encourageant pour la recherche, cet effet reste quand même à nuancer. «La lumière d’une pleine lune ne représente qu’un lux, soit l’éclairage d’une bougie à dix mètres, ce qui reste très faible», souligne-t-il. Ce qui amène le spécialiste à penser que cet impact de la lune pourrait concerner davantage les personnes hypersensibles – davantage dérangées par les bruits, les odeurs et aussi la lumière -, sujettes aux insomnies. «Aucune étude ne s’est encore intéressée à l’influence de la lune auprès d’un échantillon de personnes véritablement en proie aux troubles du sommeil», note-t-il.

Une autre interrogation subsiste : comment expliquer que nos nuits soient perturbées alors que nous dormons, dans les grandes villes, avec des volets, voire parfois des rideaux occultants ? «L’hypothèse la plus probable et avancée par l’équipe de scientifiques serait une adaptation de l’être humain qui, à une époque où l’électricité n’existait pas, profitait de la grande luminosité les jours précédents la pleine lune pour s’exposer à sa lumière le soir», rapporte la chronobiologiste.

Le médecin du sommeil Christophe Sureau n’écarte pas non plus un éventuel effet nocebo. «Quelqu’un qui croit aux pouvoirs de la lune, ou qui guette son calendrier pour en connaître les phases, va subir un stress supplémentaire au moment d’aller dormir, ce qui peut décaler son sommeil», indique-t-il. Si vous ne souffrez pas d’insomnie sévère, facteur aggravant de maladies somatiques et psychiatriques, et que vous êtes «luno-sensible», le médecin du sommeil se veut rassurant : «Nous possèdons un merveilleux système de régulation, appelé homéostasique, qui fait que lorsque l’on accumule une dette de sommeil pendant quelques nuits, cela va ensuite vous donner envie automatiquement de dormir à un moment donné.» A condition de se laisser porter, sans résister, dans les bras de Morphée.

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