Faut-il abolir les nitrites dans l’alimentation ?

L’utilisation des sels nitrités dans l’alimentation remonte au Moyen-Âge, lorsqu’on s’est aperçu que le salpêtre aidait à conserver les aliments plus longtemps. Mais leur emploi quasi systématique dans la charcuterie date des années 1960.

Les pâtés et les rillettes, qui sont cuits très longtemps, en sont exempts. Mais le bacon, le saucisson et le jambon (cuit ou cru) contiennent généralement des nitrites ou nitrates de sodium ou de potassium, surtout ceux destinés à une longue conservation.

On en trouve aussi dans certains fromages, afin qu’ils ne gonflent pas au cours de la fermentation. Ces substances se cachent sur les étiquettes des produits sous les noms de E 249, E250, E251 et E252. Leur fort pouvoir antiseptique permet d’éradiquer les bactéries pathogènes, même si quelques écarts d’hygiène sont réalisés. Elles donnent également leur jolie couleur rose au jambon et participe à son goût.

Alors pourquoi sont-elles autant incriminées ?

Un mauvais ménage avec la viande

Les nitrites et les nitrates ne sont pas cancérogènes en eux-mêmes. Nombre de légumes en contiennent naturellement, en particulier l’épinard, la betterave, la laitue ou encore le radis. Ces derniers sont d’ailleurs considérés comme excellents pour la santé !

Une étude britannique de l’université Queen Mary de Londres a même montré fin 2014 que leur consommation à haute dose réduit la tension artérielle chez les patients hypertendus. Des chercheurs américains de l’université d’Indianapolis ont aussi prouvé en 2017 qu’une complémentation en nitrates – via l’ingestion de grande quantité de jus de betterave – améliore les performances physiques des personnes souffrant d’insuffisance cardiaque.

Dans l’organisme, ces nitrates peuvent se convertir en nitrites sans que cela ne pose de sérieux problèmes, sauf à dose excessive où la capacité des globules rouges à transporter l’oxygène peut être réduite.

Mais tout est différent lorsque des sels nitrités sont ajoutés à des produits carnés. Le fer contenu dans les muscles des animaux (la viande) les fait réagir, ce qui donne naissance à des composés suspects, comme des nitrosamines qui sont cancérogènes. 

La charcuterie montrée du doigt par l’OMS

En 2015, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a ajouté le bacon, le salami, le chorizo, la saucisse et le jambon sur la liste des substances susceptibles d’induire le cancer, à côté du tabac et de l’amiante. La quantité consommée par jour ne doit pas excéder 25g selon les experts. « Chaque portion de 50 g supplémentaire de charcuterie ou de viande de salaison accroît le risque de cancer du côlon et du rectum de 18% », estime le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). 50 g, ce n’est pas beaucoup : c’est l’équivalent d’une saucisse, de deux tranches de bacon ou d’une tranche de jambon.

Une étude britannique de l’université de Belfast, publiée en décembre 2019 dans la revue scientifique Nutrients, confirme que ce n’est pas la charcuterie mais ses additifs nitrités qui font bondir le risque de cancer.

Sur la dangerosité des charcuteries, le rapport parlementaire français de janvier 2020 est aussi sans équivoque : « il est certain que les charcuteries sont cancérogènes et que les nitrites et nitrates ajoutés causent, ou du moins renforcent, cette cancérogénicité », conclut-t-il. « Près de 4000 cas de cancers colorectaux et de l’estomac sont ainsi imputés chaque année à la charcuterie nitritée en France », selon le Pr Axel Kahn, président de La ligue contre le cancer. 

Un bras de fer est engagé

A partir de leur rapport, les parlementaires ont émis une proposition de loi sur l’interdiction des nitrites dans l’alimentation à horizon 2023 pour les charcuteries non cuites (jambon de Bayonne, de Parme…) et 2025 pour les produits cuits, comme le jambon blanc.

Nombre d’industriels de la charcuterie sont vent debout. Ils rappellent que les nitrites et nitrates jouent un rôle gustatif, incontournable pour la plupart de leurs recettes. « Leur suppression entraînerait l’apparition de composés aromatiques indésirables, déclassant la saveur traditionnelle des produits », lit-on sur le site de la FICT , le lobby des entreprises françaises de charcuterie traiteur. Ils redoutent également une recrudescence des infections alimentaires à Clostridium, Salmonelle et Listeria.

« Les industriels savent pourtant produire sans nitrites ajoutés, constate Karine Jacquemart de l’association Foodwatch, qui se mobilise depuis plus d’un an sur le sujet avec l’application Yuka et La Ligue contre le cancer. Depuis des années, Herta, Fleury Michon, Aoste et Biocoop le prouvent. Et maintenant Le Gaulois vient de l’annoncer sur l’intégralité de sa gamme ».

Bien sûr, leurs jambons zéro nitrite ont une couleur plus pâle, « proche de celle du rôti de porc cuit à la maison », explique Fleury Michon. Et il se conserve moins longtemps : 8 jours et seulement 24h après ouverture. Mais ils ne sont pas mauvais pour autant ! 

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