Rick Owens vous invite à une orgie d’art au Centre Pompidou

Pendant une nuit pendant la FIAC, le styliste a carte blanche du Musée national d’art moderne. Il raconte à Vogue comment il compte occuper l’espace avec sa vision créative à mi-chemin entre le glamour et le grunge.

Pour la troisième année consécutive, pendant la FIAC, qui se déroule cette année du 17 au 20 octobre, le Centre Pompidou accueille un événement spécial. Le 17 octobre se tiendra You x Art x Centre Pompidou, une exposition exceptionnelle qui a pour invité cette année le styliste Rick Owens, qui présentera son esthétique mi-glamour mi-grunge, ou glunge dans les espaces du cinquième étage de l’institution culturelle, le tout devenant le cadre d’une performance spéciale. En se servant des meubles de Rick Owens comme d’une scène, des figures de l’entourage artistique du styliste viendront se confronter aux œuvres d’art exposées, avant que la soirée ne culmine dans un after. Owens succède donc à l’artiste portugais Davide Balula, et à l’artiste et réalisateur italien Francesco Vezzoli. Les deux avaient eu une carte blanche au sein des espaces du musée. L’Italien avait collaboré avec l’académie de l’Opéra de Paris pour créer une expérience immersive pour les 40 ans du Centre Pompidou en 2017. Organisé par l’association des amis du Centre Pompidou, les bénéfices des billets de l’événement seront reversés à l’association permettant de financer l’élargissement des collections du Musée national d’art moderne. En 2018, le mécénat de l’association avait permis d’acquérir 120 œuvres. Le musée peut désormais se vanter de disposer de la plus grande collection d’art moderne et d’art contemporain en Europe.

À quelques heures de l’ouverture des festivités, Rick Owens révèle à Vogue comment il compte faire usage de toute sa liberté artistique. 

Dites-nous-en plus sur votre projet You x Art x Centre Pompidou (YACP) — à quoi les visiteurs doivent-ils s’attendre?

Rick Owens : « J’ai commencé par me demander : ”quelle est la chose la plus radicale que je puisse faire dans un lieu rempli d’œuvres d’art incroyables ?”. Et j’en ai conclu que c’était de ramener mes propres œuvres d’art. Il y aura donc des œuvres d’art vivantes (des gens que j’admire et qui se sont consacrés à l’expression artistique), qui se tiendront sur des œuvres d’art (les meubles que j’ai conçus) et qui réagiront à des œuvres d’art (celles de la collection de Pompidou). Je veux que ça soit une orgie d’art dans un environnement sous contrôle (un musée).« Il s’agit d’un projet vraiment collaboratif. Je ne chorégraphie pas les performeurs, je ne leur dis pas quoi faire, je compose avec eux. Ensuite, il s’agit également d’une collaboration avec ma femme Michèle [Lamy], qui gère la ligne des meubles Rick Owens. Si j’ai une idée de ce que je veux, c’est elle qui supervise la conception de A à Z. »

3PRONG BENCH, LA PASSION SELON CAROL RAMA EXHIBITION INSTALLATION, MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS, 2015

© Adrien Dirand

Pourquoi est-il important pour votre œuvre de faire passer la mode dans l’art, l’architecture intérieure, l’édition, etc. ?

« Quand je crée des vêtements, je pense beaucoup à l’environnement. J’aime l’idée que tout se connecte et soit authentique. Que l’on porte un habit qui dise quelque chose de là où on habite, de notre manière de vivre. Tout se complète et se résout. Il existe une moralité là-dedans qui m’a toujours passionné.»

© Danielle Levitt

Est-ce que les idées explorées dans votre collection printemps-été 2020 vous ont inspiré dans votre projet au Centre Pompidou?

« Pas de façon littérale, mais comme je le dis souvent, c’est important pour moi que tout ce que je fais dans ma vie soit connecté. Ma dernière collection s’est inspirée de mes origines mexicaines du côté maternel de ma famille, chose que je n’avais pas vraiment approfondie jusqu’à présent. Récemment, je suis allé voir une exposition à la Collection Peggy Guggenheim de Venise autour des voyages de Josef et Anni Albers au Mexique, et sur l’influence de ce pays sur leur œuvre. Ils dessinaient les pyramides et documentaient les systèmes d’écritures aztèques. Cela m’a complètement ravi, car c’était une vision très joyeuse et allemande du Mexique, une focale assez proche de la mienne, à l’opposé du cliché. »

TOMB CHAIR (RIGHT) ELM, MOOSE ANTLER 2014 EDITION OF 3 L 90 W 60 H 75 CM

© Adrien Dirand

Quelles sont les œuvres de la collection du Centre Pompidou que vous trouvez les plus inspirantes ?

« Il y a une installation deGiuseppe Penone dans laquelle les murs sont recouverts de feuilles de laurier, mises derrière un grillage. Pas très loin, on trouve une installation de Joseph Beuys (intitulée Plight) où les murs sont couverts de feutre gris, et dans une autre pièce un sol de Carl André [144 Tin Square]. J’y ai toujours pensé comme à une maison de mes rêves : une pièce Penone, une pièce Beuys et tous les sols couverts de carreaux de métal.

Sketch

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le fait de créer pour un cadre de musée ?

« Les musées sont si captivants. Ils sont riches d’une histoire chargée. Il suffit de regarder le nombre d’œuvres qui ont été volées, qui ont fait l’objet de controverses, qui ont été revendiquées et récupérées. Pour moi, les musées symbolisent l’histoire du monde, sa cruauté, sa conflictualité, son avidité, mais en même temps, sa grande beauté. Ce sont des lieux très salaces ».

MONS, BELGIUM, 2013

© Matthieu Bredon Huger

Comment choisissez-vous les matières de vos meubles ?

« J’ai été influencé par le mobilier anthroposophique [mouvement de pensée qui combine spiritualité et matérialité] depuis quelque temps. La composition clinique des matières organiques m’intéresse vraiment. J’ai poussé ce sillon dans un sens plus dispendieux en utilisant des tonnes de marbre et d’albâtre. Certaines des formes sont très simples, j’y ai intégré des ramures pour leur donner une finition organique. Les ramures symbolisent la gloire pour moi, elles sont comme des couronnes. »

Comment ces notions de lien et d’authenticité que vous avez mentionnées se retrouvent-elles chez vous ?

“Mes maisons sont généralement très basiques. Tous les meubles sont faits en bois rustique dans des formes géométriques simples. J’adore les sols extravagants. Dans ma maison vénitienne, le sol est fait de pierre de Sardaigne et dans ma maison de Concordia, c’est du travertin. Je n’accroche pas d’œuvres d’art aux murs. À la place, on trouve des sculptures art nouveau sur des piédestaux disséminées dans l’espace. Je suis plutôt dans la mesure. Même si je suis sensible à l’art moderne, j’aime l’art nouveau pour sa sensualité et son insouciance, particulièrement quand on le voit dans un espace aussi austère. Je me suis rendu compte que mes maisons sont assez autobiographiques. J’ai été assez insouciant et les années passant, je me sens plus à l’aise dans la retenue. Il existe une tentation de replonger dans la volupté et je pense que tout le monde peut s’identifier à cela. On se demande tous à un moment ou un autre ce qui se passerait si on laissait tout tomber et qu’on faisait enfin ce qu’on voulait. L’idée de tout laisser aller a quelque chose d’émoustillant, mais on ne le fait pas, car on a des responsabilités. C’est noble, mais pétri de regrets, car on s’imagine qu’on aurait plus de plaisir si l’on ne devait pas tout le temps être dans le contrôle. »

You x Art x Centre Pompidou, carte blanche à Rick Owens, aura lieu le 17 octobre

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