C’est comme écrivain que Valéry Giscard d’Estaing avait pris une dernière fois la parole. Le dernier entretien de sa vie avait été pour Le Figaro, qui avait l’exclusivité de l’annonce de la parution début novembre de son cinquième roman, Loin du bruit du monde (XO Editions), qui raconte la fuite d’un ancien président du Sénat en Centrafrique. Le héros va apprendre à chasser l’éléphant, pratique qui le répugne.
« Dès lors que vous prenez la plume pour écrire, vous parlez de vous », confiait-il. « La littérature permet de créer des personnages, d’inventer des situations avec des emprunts à la réalité, aux souvenirs ou à l’observation ».
« J’ai eu un accueil tiède »
L’ancien président, âgé de 94 ans, avait ensuite donné son accord de principe pour un entretien sur ce livre abordant « la solitude du pouvoir », selon les termes de son éditeur. L’entretien n’a jamais eu lieu. Valéry Giscard d’Estaing ne nourrissait pas d’illusions sur sa propre valeur comme romancier. La critique littéraire était trop acerbe pour cela.
L’accueil réservé à son premier roman, Le Passage, publié en 1994, quand il avait 68 ans, avait été grinçant. La presse s’était gaussée et les Guignols de l’Info avaient imaginé une adaptation cinématographique… classée X. « J’ai écrit en secret. Et, quand j’ai montré le premier jet, j’ai eu un accueil tiède. (…) Cela m’a fait de la peine. C’était un éditeur. Et puis je me suis dit : il doit avoir raison. Et je me suis remis au travail, seul, à la campagne, tout un été », racontait-il à L’Express à l’époque.
Elu à l’Académie française en 2003
Rien n’avait découragé cet admirateur de Guy de Maupassant. Il était revenu au roman sur le tard, publiant en 2009, à 83 ans, La Princesse et le Président, fiction sur les amours entre un chef d’Etat français et une princesse britannique, qu’il qualifiait de « roman comique ». Interrogé sur TV5Monde, il commençait par ironiser : « J’avais publié un livre bien meilleur, n’est-ce pas, qui était la Constitution européenne ! Hélas, une partie des Français a voté contre ».
C’est d’abord sous l’angle autobiographique qu’étaient lus les livres de l’ancien président de la République. La Princesse et le Président avait suscité, surtout, cette remarque cruelle du Nouvel Obs : « Anne-Aymone, sa femme, reste la créature simple qui jardine pendant qu’il écrit un livre où il rêve non seulement de la tromper, mais de la faire mourir pour la remplacer par quelqu’un de plus glamour ».
Qu’importe, Valéry Giscard d’Estaing enchaînait avec La Victoire de la Grande Armée en 2010, où il imaginait les suites du succès de la campagne de Russie de Napoléon, puis Mathilda en 2011, sur le destin d’une Allemande en Namibie.
Le professeur de lettres et plume de plusieurs politiques Jean-François Brighelli portait un regard sévère sur cette œuvre. « Giscard -on se rappelle son adieu aux Français et ce trône vide- ne s’est jamais résigné à sa défaite de 1981. La littérature, à commencer par la fiction, hélas, lui a paru un outil de perpétuation ».
Sa grande réussite littéraire reste son élection à l’Académie française en 2003.
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