- Patreon, une plateforme de financement participatif, s’est lancée récemment en France.
- Elle permet à tous types de créateurs de contenus de se financer à travers un versement mensuel de leurs abonnés.
- La vidéaste Solange te parle, 400.000 abonnés sur YouTube, raconte à 20 Minutes en quoi Patreon l’aide à travailler plus sereinement.
Non, YouTube, ce n’est pas que Squeezie,
Tibo Inshape et Natoo. Derrière ces grands noms aux millions d’abonnés se cache une liste interminable de créateurs qui rassemblent un peu voire beaucoup moins de monde. Pourtant animés par la même passion, les « plus petits » vidéastes travaillent tout autant que les stars de la plateforme pour faire de leur passion un métier. Un défi qui peut paraître insurmontable tant les revenus publicitaires de YouTube sont un Graal que peu atteignent. Pour s’en sortir, il faut alors parfois aller voir ailleurs.
C’est d’ailleurs face à constat que l’idée d’engendrer des revenus par un biais différent est née dans l’esprit de Jack Conte. En 2013, ce musicien américain se rend compte qu’il n’allait pas pouvoir vivre de sa passion avec la publicité de YouTube. Il décide alors de créer une plateforme sur laquelle des contributeurs, en échange d’un investissement pécuniaire, auraient accès à un contenu privilégié. Patreon est né.
Le site de financement participatif offre à ses créateurs la possibilité d’avoir des revenus réguliers en mensualisant ses niveaux d’abonnements. Par exemple, si vous êtes fan de la chanteuse et youtubeuse Gabbie Hanna, vous pouvez lui envoyer entre 5 € et 94,50 € par mois pour la soutenir. Pour ce prix, vous aurez le droit à tout un éventail de bonus, de vidéos et de chansons. La recette est la même pour les podcasteurs, les musiciens, les designers et toute la panoplie de personnalités qui y sont inscrites.
La bienveillance avant tout
Ina Mihalache, elle, a ouvert son compte il y a environ deux ans et demi, à l’époque où Patreon n’était pas encore ouvert au marché français. Celle qui est plus connue sous son pseudonyme Solange te parle y fait des stories, enregistre un podcast tous les mois, y organise parfois des lives, et répond à ses abonnés qui peuvent lui écrire directement via une messagerie interne au site. Si elle a décidé de rejoindre Patreon, c’est pour s’éloigner du terrain miné que peut parfois représenter YouTube.
« Dès lors que l’on a une certaine exposition et que l’on produit des choses un peu atypiques, on attire toutes sortes de commentaires et de gens anonymes qui ne comprennent pas l’humanité du créateur qui est tout seul derrière », explique la youtubeuse à 20 Minutes. La vidéaste connaît bien les dangers de la plateforme, elle qui a créé sa chaîne il y a neuf ans. Assez vite, elle a tenté de s’éloigner des commentaires pour éviter de lire constamment des réflexions désobligeantes. Avec Patreon, où ne s’inscrivent que des personnes qui s’engagent symboliquement et valorisent son travail, le rapport entre la créatrice et son public est plus sain. « Ce sont des gens qui me ressemblent, qui sont sensibles et réservés, parfois un peu atypiques aussi », commente-t-elle.
Grâce au système de paiement, on élimine automatiquement les haters qui s’amusent à publier insultes et grossièretés dès qu’une nouvelle vidéo sort sur YouTube. « L’une des principales motivations d’avoir une page Patreon de nos créateurs, c’est le fait qu’il y a beaucoup moins de trolling », assure Thomas Roch, directeur marketing France de Patreon. Les plus récalcitrants peuvent pousser le vice et donner de l’argent pour répandre la haine, mais cela reste exceptionnel.
« Ce n’est pas une quête, on ne fait pas la manche »
Outre cette volonté d’avoir un rapport plus sain avec leur communauté, les créateurs de contenus comptent sur Patreon pour engranger de l’argent. « Notre but est de faire en sorte que notre outil soit leur source de revenus principale, que ce soit un revenu récurrent », affirme Thomas Roch. Comment cela se passe-t-il dans les faits ? Avec 360 contributeurs, Ina Mihalache confie gagner l’équivalent d’un SMIC. « Parfois c’est un peu plus mais c’est une base. Ces derniers temps, c’est deux tiers de mes revenus », indique-t-elle.
Un livre d’Amanda Palmer, The Art of Asking, a permis à la youtubeuse de se lancer. Dans celui-ci, l’autrice raconte la façon dont elle a œuvré pour que les artistes osent demander à leur public de financer leur art et entend casser la honte de demander de l’argent. Un témoignage qui a résonné en Ina Mihalache et qui l’a décidé à s’inscrire sur Patreon. « Ce n’est pas une quête, on ne fait pas la manche », revendique-t-elle.
Plutôt que d’organiser « des opés pour des entreprises très discutables » comme pourraient le faire d’autres vidéastes, Ina Mihalache préfère assainir tout ce qui touche à l’argent avec ses fans : « le créateur doit assumer qu’il a besoin de vivre et il n’a pas à s’excuser. » Patreon lui permet également de s’affranchir des contraintes de la course aux vues, qui pousse les youtubeurs à produire plus pour gagner plus. « Lorsque tu arrêtes de publier pendant quelques mois, tu es pénalisé et c’est hyper dur, constate Solange te parle. Ça met les gens dans une pression de production où on n’a plus le temps de réfléchir à ce que l’on fait et on devient des machines à produire un flux. On ne fait que reproduire ce qui marche et on devient fou. »
Une plateforme sans stars ?
Au niveau mondial, plus de 200.000 créateurs sont inscrits sur Patreon. Le confinement a été bénéfique à la plateforme qui a grossi ses rangs de 30.000 personnes supplémentaires ces derniers mois. En revanche, vous ne trouverez pas les youtubeurs les plus populaires de France sur le site, qui s’adresse davantage aux créateurs de contenus « qui ont des communautés plus petites », concède Thomas Roch. Il existe des exceptions, comme Mary de Frozencrystal et ses plus de 900.000 abonnés, mais la plupart s’inscrivent dans des domaines que l’on ne retrouve que très peu en tendances sur YouTube. « On a aussi des gens qui parlent d’élégance masculine, de sorcellerie, de bricolage, énumère le directeur marketing. Mais ce n’est pas la plateforme des niches, mais de tous les créateurs. »
« Ceux qui marchent bien sur YouTube ne vont pas aller sur Patreon parce qu’ils ont de l’argent et des sponsors, argumente quant à elle Ina Mihalache. Ce ne sont pas les mainstream qui vont venir, ils n’en ont pas besoin. » En ouvrant ses portes aux musiciens, aux peintres, aux écrivains ou encore aux journalistes indépendants, Patreon permet de séduire un large public. Dans le contexte de la crise sanitaire, où se suivent les annulations de concerts, d’expositions, de spectacles ou d’événements en tous genres, d’autres créateurs pourraient bien se laisser tenter par l’expérience de devenir leur propre patron.
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