Les annonces se sont multipliées ces derniers jours autour de la prochaine mise sur le marché de vaccins contre la Covid-19, certains affichant un taux de 90% voire 95% d’efficacité.
Cette excellente nouvelle n’empêche pas la prudence. Les études sur ces vaccins prometteurs en sont encore au stade intermédiaire. Spécialiste des hépatites virales, ancien directeur général de l’Inserm, puis de l’Institut Pasteur et vice-président de l’Institut Mérieux, Christian Bréchot est aujourd’hui à la tête du Global Virus Network, réseau de recherche réunissant des virologues du monde entier, basé aux Etats-Unis. C’est depuis Tampa en Floride, où il enseigne la médecine au sein de la University of South Florida, qu’il a répondu à nos questions sur une vaccination imminente contre le virus.
Marie Claire : Savons-nous combien de vaccins sont actuellement testés dans le monde ?
Christian Bréchot : « L’effort gigantesque qui a été mené depuis mars 2020 commence à montrer des résultats. Aujourd’hui sur l’ensemble de la recherche dans le monde, au moins 150 projets sont en cours. Mais en phase clinique, on est autour de 10 à 15 projets avancés. Parmi ces derniers, il y a les vaccins de Pfizer-BioNTech, et depuis hier, celui de Moderna Therapeutics basés sur une technologie ARN messager*
D’autres annonces ont été faites. Les Russes, qui ont développé un vaccin basé sur une autre technologie, disent avoir d’excellents résultats mais nous n’avons pas encore de chiffres suffisamment précis. Et au moins quatre sociétés chinoises mènent actuellement des études à très large échelle. Depuis 8 jours, nous vivons non pas la fin de l’histoire des vaccins Covid-19 mais son début. »
Que pensez-vous de l’annonce de ces vaccins efficaces à 90% contre le Covid-19 ?
« C’est une excellente nouvelle, tout à fait inattendue. Des vaccins produits par des compagnies et des technologies différentes donnent aujourd’hui de très bons résultats. Ce qui était tout sauf évident en mars dernier. C’est vraiment la preuve qu’un vaccin qui protège de la Covid-19 est possible, mais restons prudents : ce sont des études intermédiaires. Avant de tirer des conclusions définitives, il nous faut les résultats finaux.
Il faudra quand même continuer à prendre des précautions. On n’en aura pas fini avec cette pandémie.
On devra connaitre la durée de la protection de ces vaccins – d’autres vaccins dans les mois qui viennent pourraient donner des protections plus longues- et leur efficacité sur les populations à vacciner en priorité, c’est à dire les sujets âgés et les diabétiques (en plus du personnel de santé).
Mais d’ores et déjà, ces premières analyses intermédiaires indiquent que les vaccins de Pfizer-BioNTech et Moderna Therapeutics sont sans effets secondaires importants. Ces analyses, je tiens à le préciser, sont réalisées par des comités scientifiques indépendants. C’est fondamental pour instaurer la confiance car la sécurité sera un facteur majeur.
À partir du premier trimestre 2021, la situation ne sera pas facile à gérer : d’un côté, des vaccins commenceront à être injectés à des populations particulières, ce qui soulèvera un immense espoir à juste titre, mais il faudra quand même continuer à prendre des précautions. On n’en aura pas fini avec cette pandémie. »
Quel est le vaccin en tête de la course ?
« Le premier vaccin est celui de BioNTech, une compagnie allemande associée à l’américain Pfizer et l’autre de ModernaTherapeutics, une société américaine plus petite, dirigée par un Français, Stéphane Bancel, ex CEO de BioMérieux. Moderna a testé 30 000 personnes. Une moitié a été vaccinée l’autre moitié a reçu un placebo. Ils ont eu 95 cas de Covid-19. Sur ces 95 cas, 90 faisaient partie du groupe non vacciné. En outre, parmi ces 95 cas de Covid-19, 11 ont développé une maladie sévère, et ces 11 malades appartenaient aussi au groupe non vacciné. C’est impressionnant.
Je suis heureux de m’être un peu trompé quand je déclarais à Marie Claire : « On va avoir des vaccins de première génération qui arriveront à la fin de l’année avec une efficacité partielle, mais ce sera déjà ça. » Et bien non, ils ont donné un taux de vaccination de 90% et personne ne s’y attendait. »
En France, il existe une réticence très forte à la vaccination. Devons-nous rester prudents vis-à-vis de ces vaccins contre la Covid-19 ?
« Je pense que, quel que soit le vaccin, les contrôles de sécurité doivent être très rigoureux, ce qui est le cas actuellement. Vous abordez la question essentielle : les Français sont particulièrement méfiants… mais je vis au Etats-Unis et je peux vous dire que les Américains le sont aussi. La transparence doit être absolue. Mais dès l’annonce de ces vaccins, on a vu le lobby anti-vaccinal se mettre immédiatement en branle. »
Aujourd’hui de nombreuses questions restent en suspens sur ces vaccins contre le Covid-19…
« Absolument. On ne sait pas quelle sera la durée de la protection, il faut savoir que pour ce genre d’études, la population testée est majoritairement jeune. Que se passera-t-il quand ce seront des gens âgés ? Ceux qui ont un déficit immunitaire ? Les diabétiques ? Il y a un point important : même si la durée de protection est assez courte, le vaccin sera quand même très utile. On pourra l’utiliser en cas de foyers, lors de recrudescence de l’épidémie. »
Quel que soit le vaccin, les contrôles de sécurité doivent être très rigoureux.
Faudra-t-il, comme pour le vaccin contre la grippe, deux doses ?
« Les vaccins annoncés par Pfizer-BioNTech et Moderna sont basés sur deux doses. D’autres vaccins en évaluation le seraient sur une. Dans les mois à venir, nous aurons des analyses comparatives des différents vaccins disponibles, sur leur nombre de doses, leurs effets secondaires, leurs conditions de stockage… »
En toute franchise, avec quel vaccin allez-vous vous faire vacciner ?
« Je suis franc, je pense que c’est trop tôt pour vous répondre. La vaccination ne pourra débuter de toute façon qu’une fois données les autorisations de la Food and Drug Administration (FDA), et de l’Agence européenne du médicament, mais après je me ferai vacciner, bien sûr. Avec quel vaccin ? Cela dépendra des analyses finales. »
* Pour l’heure, aucun vaccin à ARN messager n’est commercialisé pour un usage en santé humaine. Il s’agit d’un vaccin développé sans agent infectieux. L’ARN messager est une copie temporaire d’une section de notre ADN. Un brin d’ARN messager contient toutes les instructions d’assemblage pour permettre à une cellule de créer une protéine. Dans le cas d’un vaccin, l’ARN messager qui sera injecté dans le corps aura pour mission d’indiquer aux cellules quelles sont les protéines qu’elles doivent synthétiser pour se défendre contre le coronavirus. Sur leurs couches extérieures, les coronavirus ont des spicules, qui servent de clé pour entrer dans les cellules infectées. Attaqué, l’organisme a besoin d’une protéine de son agresseur pour savoir contre qui il se bat (l’antigène). Une fois que nous avons l’antigène, notre système immunitaire développe des anticorps propres pour aider l’organisme à le combattre. Le vaccin à ARN messager sert à aider les cellules à repérer les spicules du coronavirus. Grâce à l’ARN messager qui sera injecté, le système immunitaire sera en possession d’un antigène de la Covid-19, ce qui lui offrira la possibilité de produire les bons anticorps, afin de faire rempart à l’infection (Source : pourquoidocteur).
- Covid-19 : faut-il se faire vacciner contre la grippe cette année ?
- Covid-19 : pourquoi tester un vaccin sur les personnes âgées et les personnes de couleur est indispensable
Source: Lire L’Article Complet