Covid-19 : que sait-on aujourd’hui de notre immunité face au virus ?

C’est sur elle que tout repose. L’immunité, c’est-à-dire la capacité de notre organisme à se défendre contre un virus, est un enjeu majeur dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

Alors que le monde fait face à la deuxième vague de l’épidémie, quelles sont les dernières données à ce sujet ? Les réponses de la Dre Aurélie Wiedemann, immunologiste à l’Institut de Recherche Vaccinale (Hôpital Henri Mondor, Créteil)

Marie Claire : concrètement, que signifie « immunité » ? Quelles est la différence entre l’immunité naturelle et l’acquise ?

Dre Aurélie Wiedemann : « Notre système immunitaire est une armée de cellules qui patrouillent dans l’organisme afin de lutter contre une invasion d’éléments extérieurs. Il est donc responsable de l’immunité, qui correspond à l’ensemble des mécanismes qui permettent à un organisme de se défendre contre les éléments qui lui sont étrangers comme les virus ou les bactéries.

L’immunité innée ou naturelle est une réponse immunitaire mise en jeu immédiatement et qui n’est pas spécifique du pathogène (qui peut causer une maladie, ndlr) ; elle constitue la première barrière de défense. L’immunité adaptative ou acquise quant à elle se met en place au bout de quelques jours après le contact avec le pathogène. Contrairement à l’immunité innée, l’immunité adaptative n’est donc pas immédiate et elle est spécifique d’un pathogène donné.

L’immunité adaptative se développe grâce à la reconnaissance du pathogène par des cellules du système immunitaire (appelés lymphocytes B ou T), cette reconnaissance va entrainer la multiplication de ces lymphocytes et la mise en place de leurs fonctions (production de molécules antivirales, élimination de cellules infectées etc….). La vaccination, parfait exemple d’immunisation acquise, permet d’être immunisé contre un agent infectieux défini. »

Dans le cas de la Covid-19, il peut arriver que cette réponse immunitaire, qui est normalement limitée et contrôlée dans le temps, s’emballe (…)

Comment notre système immunitaire réagit-il lorsque nous sommes contaminés par la Covid ?

« Si vous êtes infecté par la Covid-19, ou toute autre infection, le système immunitaire reconnaît la présence d’un élément étranger (le virus), et va essayer de l’éliminer en s’attaquant aux cellules que le virus a infectées (un virus ne peut pas survivre hors des cellules de son hôte, il est obligé d’infecter des cellules pour se multiplier et survivre, le système immunitaire va donc éliminer nos propres cellules qu’il va reconnaitre comme étant infectées par le virus).

Pour cela, l’armée constituée par les cellules de notre système immunitaire va se mettre en marche : reconnaissance des cellules infectées, alerte d’autres cellules immunitaires en envoyant toutes sortes de messages, production des anticorps pour aller neutraliser le virus, multiplication des lymphocytes T dont certains ont la capacité d’éliminer une cellules infectée dès qu’ils la rencontrent.

Dans le cas de la Covid-19, il peut arriver que cette réponse immunitaire, qui est normalement limitée et contrôlée dans le temps, s’emballe (on parle alors d’orage cytokinique) et crée une inflammation responsable de dommages et complications divers comme la destruction de tissus par exemple. »

D’après les dernières données, quelle serait la durée de notre immunité après une contamination ?

« Au moins 4 mois pour les anticorps et au moins 6 moins pour les cellules T. Les données à long terme vont prendre un peu de temps à être analysées, nous avons encore très peu de recul sur l’épidémie. »

On a beaucoup entendu parler d’immunité collective, était-ce une bonne stratégie ? Pourquoi n’a-t-elle pas fonctionné dans le cas de la Covid ?

« On voit bien que dans les deux régions les plus touchées par la première vague (Île-De-France et Grand Est) seulement environ 10% de la population possède des anticorps contre le virus responsable de la Covid-19. Pour obtenir une immunité collective et que le virus arrête de circuler dans la population il faudrait atteindre le chiffre de 60-70%. On voit bien que cela n’est pas possible, le taux de mortalité de la Covid est de l’ordre de 0.5%. Ce pourcentage sur une population de 67 millions de Français, signifierait un nombre de morts qui n’est pas acceptable.

L’immunité collective ne pourra donc être atteinte que par un vaccin efficace.

On a aussi parlé de laisser les jeunes s’infecter pour contribuer à cette immunité collective, c’est un peu ce qui s’est passé cet été. Le virus a circulé à bas bruit dans une population jeune. Mais on sait qu’il est impossible d’empêcher les interactions entre les générations et on voit le résultat aujourd’hui : le virus s’est peu à peu déplacé vers des populations plus âgées et plus à risques de faire des formes graves. L’immunité collective ne pourra donc être atteinte que par un vaccin efficace. »

Peut-on penser que certaines personnes soient totalement immunisées contre la Covid, sans même jamais avoir été contaminées ?

« Il a été montré que des personnes n’ayant jamais été en contact avec le virus possèdent des lymphocytes T et même des anticorps capables de reconnaitre le SARS-CoV2 (virus responsable de la Covid-19). Cela suggère donc qu’il existe une immunité pré-existante, à savoir que les lymphocytes T et les anticorps ayant déjà rencontré d’autres coronavirus (virus responsables de rhumes) sont également capables de reconnaître le SARS-CoV2. Toutefois, il n’a pas été montré à ce jour que cette immunité pré-existante puisse totalement immuniser les individus. »

Pourquoi certains malades ont-ils été ré-infectés ?

« Cela reste encore très flou. De plus en plus de cas sont décrits mais ça reste encore très limité. Il faut prendre le temps de bien étudier ces ré-infections et d’essayer de comprendre. Si c’est confirmé, cela suggèrerait que l’immunité due à l’infection ne perdure pas dans le temps, ce qui ne serait pas une bonne nouvelle. »

Peut-on espérer un vaccin qui nous garantisse une immunité à long terme contre la Covid ?

« Je pense que c’est tout le challenge des vaccins qui sont actuellement en développement. Ils doivent être sûrs et efficaces et induire une immunité à long terme. C’est pour cela qu’il est important d’étudier et de comprendre ce qu’il se passe lorsque quelqu’un est infecté (ou ré-infecté) par le virus afin de déterminer le type de réponse immunitaire que le vaccin devra induire pour permettre une protection durable. »

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