10 choses que l’on a appris dans la monographie de Paul Smith

Publié à l’occasion du 50ème anniversaire de la marque, le livre Paul Smith – édité chez Phaidon sous la direction de Tony Chambers avec un avant-propos de Jonathan Ive – dresse un portrait en 50 objets d’une légende du design britannique, voire d’une légende tout court : Sir Paul Smith. Si beaucoup de gens connaissent sa passion pour le vélo, ses costumes impeccables, ses amitiés avec les stars du rock et sa créativité foisonnante, cette monographie regorge d’anecdotes qui nous ont permis de mieux comprendre ce créateur pas comme les autres.

Derrière Paul Smith, il y a Pauline Smith

Étrange coïncidence, la femme de Paul Smith s’appelle Pauline et sans elle, le nom de Paul Smith n’aurait peut-être pas été si connu. Paul lui dédie d’ailleurs l’ouvrage dans une dédicace dans laquelle il explique qu’il lui doit tout : “J’avais 21 ans quand nous nous sommes rencontrés. (…) C’est Pauline qui m’a persuadé, il y a cinquante ans, d’ouvrir une boutique différente de toutes les autres. Et c’est grâce à elle que j’ai découvert un univers dont je ne connaissais même pas l’existence – celui des arts visuels, du cinéma, de l’architecture et du design. (…) Ayant étudié la mode au Royal College of Art, elle m’a montré ce qui faisait un véritable vêtement : la tenue, les proportions, l’attention au détail et la qualité. (…) Nous avons été partenaires dans tous les sens du terme – que ce soit pour créer notre société ou pour fonder une famille. (…) Vous ne verrez pas souvent son nom dans cet ouvrage, mais elle est pourtant présente à chaque page”, écrit-il.

Paul Smith a plus ou moins accompagné le succès d’Apple et vendu les premiers aspirateurs Dyson

La préface du livre Paul Smith a été rédigé par Jony Ive, l’ancien designer en chef d’Apple (c’est lui qui a dessiné l’iPhone) et grand ami du créateur britannique. Parmi les souvenirs affectueux qu’il évoque, il se souvient quand Paul Smith a installé les premiers iMac translucides de la vitrine de sa boutique de Floral Street et dit qu’“en tant que designer en chef chez Apple, une société qui venait d’éviter de peu la faillite, je lui dois beaucoup”. Paul Smith évoque également cet iMac G3 vert bouteille (il avoue d’ailleurs ne pas utiliser d’ordinateur mais se servir beaucoup de l’iPhone) plus loin dans le livre et se souvient d’un autre objet futuriste dont il avait pressenti le succès : l’aspirateur Dyson, que Paul Smith proposait à la vente avant même que James Dyson ne trouve de distributeur.

Paul Smith et David Bowie

Le livre Paul Smith a été conçu sous la direction du directeur artistique Tony Chambers qui raconte avoir rencontré le créateur lors d’une séance photo de David Bowie pour GQ (tiens donc), dont Paul Smith était un ami fidèle : Paul Smith a notamment dessiné le pantalon large que porte Bowie sur la pochette de l’album Hunky Dory et le t-shirt qui a accompagné la sortie de Blackstar, le dernier album du chanteur. Paul Smith apparait d’ailleurs sur l’image de la fameuse couverture de GQ qu’il photobombe. A l’instar de Bowie, Paul Smith s’est “continuellement réinventé” explique d’ailleurs Tony Chambers.

Les collections de Paul Smith

A propos de cet ouvrage, Tony Chambers explique que lui et Paul Smith avaient convenu qu’il ne s’agirait pas d’une “rétrospective, ni un catalogue des ‘greatest hits’, ni un simple livre de mode” et c’est en fouillant dans le bureau de Paul Smith, une véritable caverne d’Ali Baba remplie d’objets en tous genres, qu’ils ont eu l’idée de choisir 50 objets qui pourraient dresser un portrait du créateur. Une façon d’allier souvenirs personnels, réflexions sur le design et de montrer comment Paul Smith puise son inspiration…

La définition de la créativité selon Paul Smith

Paul Smith nous a confié un jour que l’inspiration pouvait lui venir de tout et n’importe quoi et que c’était surtout pour lui une question d’observation. Dans son livre, c’est en présentant l’appareil photo Kodak Retinette que son père lui a offert à 11 ans que Paul Smith explique sa vision de la créativité : selon lui, regarder à travers un viseur d’appareil photo oblige à regarder plus attentivement et cela lui a permis de comprendre la différence entre “regarder” et “voir”. Ajoutez-y la nécessité de réfléchir avant de prendre une photo qu’imposaient les coûteuses pellicules argentiques et vous aurez “le début de la créativité” selon Paul Smith. Le parallèle avec la photo s’applique d’ailleurs dans la mode selon lui : “Quand les gens achètent des vêtements, c’est comme s’ils regardaient un instantané. Peu importe que vous vous soyez inspiré d’un voyage au Chili ou des couleurs du soleil couchant. Ils se disent simplement : ‘J’aime bien cette chemise.’”

Paul Smith a ouvert un concept-store avant l’heure

Comme évoqué précédemment, Paul Smith a aussi vendu des objets comme des aspirateurs Dyson ou encore des calculatrices Braun dans sa première boutique londonienne ouverte en 1979. Cette boutique qu’il qualifie d’unique en son genre, on l’appellerait aujourd’hui concept-store, mais pour Paul Smith, c’était quelque chose d’évident, un résultat de sa curiosité, ce qui l’a aussi amené à faire des collaborations avant l’heure également, comme quand il raconte avoir fait faire des carnets Filofax en cuir vert, rouge et bleu dont il a vendu “quelque chose comme 17 000 – un nombre colossal”.

Paul Smith et la couleur

Les créations de Paul Smith ont toujours montré son goût pour la couleur et cela lui a semble-t-il plutôt bien servi. Quand il était designer textile free-lance employé par un fabricant sur un salon commercial, Paul Smith raconte avoir utilisé un bouquet de tulipes pour différencier son stand des autres, ce qui qui a permis de faire toute la différence : “Cela a attiré l’attention de Calvin Klein, qui est entré. Il a vu les dix couleurs – dont le bordeaux, le vert foncé et le bleu pâle – et a fini par commander plusieurs milliers de mètres en bleu et noir. Mais la carotte, c’était les huit autres couleurs, et les tulipes, bien sûr. Parfois, la carotte fait tout”, écrit-il. Paul Smith a donc gardé l’habitude de montrer ses créations dans plusieurs couleurs lors de ses défilés, même si ce sont parfois les versions marine et noir qui se vendent le plus.

L’histoire derrière les rayures de Paul Smith

Peut-être encore plus que son logo, la signature de la marque de Paul Smith c’est “sans aucun doute les rayures” comme il le reconnaît lui-même. Dans le livre, il explique d’ailleurs leur histoire assez singulière : dès les premières collections, Paul Smith a voulu inclure des rayures dans ses créations (comme sur les poignets contrastés d’une chemise blanche par exemple) afin de rendre plus intéressants ses vêtements créés à partir des tissus “ordinaires” qu’il pouvait alors se procurer. Le succès du détail aidant, il a fini par faire développer des tissus exclusifs avec “une combinaison de rayures de couleurs vives qui n’existaient pas encore pour une clientèle masculine et qui devinrent très populaires”. Cela a abouti à un ensemble de rayures bayadères de 14 couleurs qui eurent tellement de succès que les clients redemandèrent le même tissu lors de la collection suivante. Reconduites l’année suivante, elles ont toujours bien fonctionné “sauf durant les quelques années où j’ai décidé de m’en passer parce que j’estimais qu’elles n’étaient plus pertinentes ; ce choix nous a coûté quelque cinq millions de livres et on me l’a amèrement reproché”, explique Paul Smith qui a donc réintroduit et réinterprété ce motif sous une autre forme : le réinventer, comme il dit.

Du vélo à la mode

Passionné de vélo, Paul Smith rêvait ado de devenir coureur cycliste professionnel mais un accident a changé sa vie : transporté à l’hôpital avec de multiples fractures après être rentré à pleine vitesse dans une voiture, il s’y fait des amis qu’il retrouve par la suite dans un pub de Nottingham appelé The Bell. C’est là qu’il se met à fréquenter les élèves de l’école d’art du coin qui l’initient à l’art et au design. L’une d’entre eux ouvre une boutique de vêtements et propose à Paul Smith d’y travailler : Il y restera 5 ou 6 ans avant d’ouvrir sa première boutique. “Sans cet accident de vélo, rien de tout cela ne serait sans doute jamais arrivé !”, écrit Paul Smith.

Le secret du succès de Paul Smith

Même après 50 ans de carrière, Paul Smith semble toujours tourné vers l’avenir, comme le laissent entendre ses remerciement à la fin du livre : “2020 a été une année de défis inédits. Il n’a jamais été aussi important de valoriser notre créativité et notre mode de pensée. Je tiens à remercier mes collaborateurs, mes amis et ma famille pour leur soutien sans faille durant cette période difficile. J’attends avec impatiences les joies et le bonheur à venir”. Cet enthousiasme, c’est peut-être la clé du succès de Paul Smith, comme l’explique Tony Chambers dans la préface du livre : “J’avais des théories très personnelles sur le succès de Paul (…) Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui manifeste autant d’enthousiasme. Il dit qu’il est comme un enfant – et non pas enfantin -, et, tel Pablo Picasso, qui a passé sa carrière à essayer de retrouver l’innocence artistique qu’il avait étant enfant, Paul n’est pas devenu un adulte cynique et inhibé par la maturité. Cela se ressent dans son travail (…) Tous ceux qui ont contribué à cet ouvrage ont étayé voire dépassé mes théories. Leurs commentaires m’ont prouvé que la marque Paul Smith reflète la notion de personnalité, principale attente des clients.”

Paul Smith, sous la direction de Tony Chambers, avant-propos de Jonathan Ive – 264 pages, Phaidon, 65€

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