Revue du Madame. – Elle est la voix d’un documentaire sur le changement climatique, Anthropocène, L’Époque humaine, en salles ce 20 novembre. Au détour des rendez-vous promotion, on a abordé les questions de l’environnement, de l’amour et des paparazzi.
Quand on lui a demandé si elle accepterait de faire la voix de ce documentaire, elle a dit oui tout de suite. «L’environnement est probablement la cause la plus noble et la plus fédératrice, il n’y a rien qui nous concerne plus.» Le film en question, Anthropocène, L’Époque humaine, coréalisé par Jennifer Baichwal, Nicholas de Pencier et Edward Burtynsky, atteste de l’empreinte durable, dangereuse, de la domination humaine sur la Terre. Les images sont sublimes et les témoignages, sans appel. «J’aime que le film ne soit pas donneur de leçons», explique Charlotte Le Bon, carré frais et pull à capuche rose fluo. «Il ne fait qu’exposer l’état de notre planète et ce qu’on en fait.»
Si elle est fière d’être la voix du film (en VO, c’est Alicia Vikander), l’ancienne Miss Météo de Canal + refuse pourtant d’être vue comme une militante, ou même une porte-parole. «Je ne me vois pas à l’ONU demain !», ricane-t-elle avec son si reconnaissable accent québécois, précisant ne pas être «la personne la plus verte de la planète». Pas Greta Thunberg, non plus. Charlotte Le Bon reste une artiste, pas une activiste. En 2020, elle va réaliser son premier long-métrage au Québec. Elle va aussi essayer de monter une nouvelle exposition de ses œuvres, si elle trouve le temps. Du temps, elle nous en a accordé un petit peu. Une trentaine de minutes pendant lesquelles on a parlé d’écologie, bien sûr, mais aussi de l’âge, des femmes, de Me Too, des larmes, de l’amour.
« Faire des plateaux verts, écoresponsables »
Madame Figaro. – «Peu de personnes me demandent si je vais bien», s’est plainte Meghan Markle dans une interview à une chaîne britannique, au bord des larmes. Comment allez-vous Charlotte Le Bon ?
Charlotte Le Bon. – Moi, ça va très bien en ce moment. Ça va très bien parce que je suis très très active. Je tourne une série que j’adore avec une actrice que j’adore et un réal que j’adore, qui s’appelle Cheyenne et Lola qui sera diffusée sur OCS à la rentrée 2020. C’est probablement le plus grand défi de jeu que j’ai eu depuis le début de ma carrière. Parallèlement, j’ai plein d’autres projets qui me rendent heureuse. Je suis en train de développer mon premier long-métrage, une adaptation d’un roman graphique de Bastien Vives, qui s’appelle Une sœur. Le film va être tourné au Québec l’été prochain, à 20 minutes de chez moi, de ma petite maison. J’ai la chance d’être produite par Nancy Grant, une jeune productrice qui s’occupe des films de Xavier Dolan.
Lycéennes, étudiantes, artistes, employées dans la mode ou ailleurs : elles se décident toutes, à travers des marches ou des actions, à s’engager face à l’urgence climatique. Y a-t-il une Greta Thunberg qui sommeille en vous ?
Je n’ai pas cette prétention, d’autant qu’il faut une abnégation dingue pour devenir activiste. Moi je reste malgré tout très égoïste, dans mon coin, à faire mes projets. Mais à ma façon, à travers la création surtout, je me dois d’être cohérente avec ce qu’il se passe avec le réchauffement climatique. Je me dois d’être responsable de mes choix. Le choix de mes matériaux, ce que je recycle, ce que je ne recycle pas. Mes choix de consommation aussi, celui de consommer de moins en moins, d’imposer certaines règles sur les plateaux sur lesquels je suis réalisatrice, faire des plateaux verts, écoresponsables.
La bande-annonce du doc « Anthropocène, L’Époque humaine »
Dans une interview accordée à Madame Figaro, Laetitia Casta nous a dit : «Je n’ai aucun problème à dire que j’ai 41 ans», se questionnant sur pourquoi on devrait définir une femme par rapport à son âge. Comment vous sentez-vous dans vos 33 ans, vous ? Et par extension, quel est votre rapport au temps qui passe ?
C’est pas tout noir ou tout blanc. Il y a des jours où je regarde ma gueule et ça me fait «chier». Et d’autres où je me trouve beaucoup plus belle et épanouie que quand j’avais 20 ans. Je disais récemment à une copine que retourner dans la vingtaine, ce serait hors de question ! Ça ne m’intéresse absolument pas. Ce que je trouve un peu injuste, c’est que ces questions sur le rapport à l’âge existent. J’ai l’impression que ce ne sont pas des questions qu’on pose aux hommes. En faisant exister ces questions, on fait exister la problématique. Alors qu’on s’en fiche en réalité. À 33 ans, je n’ai jamais été aussi active dans toutes les sphères artistiques de ma vie, et je n’ai jamais eu autant de choses à dire. Plus je vieillis, plus je connais de choses sur moi, plus j’ai des choses à dire, plus j’ai envie de les raconter. D’où vient le mal dans le fait de vieillir ? Je trouve ça bête et absurde, ça n’a aucun sens.
« Ma mère ne m’a jamais incitée à penser en termes de genre »
Depuis la rentrée se sont mariés Justin Bieber, Rafael Nadal et Jennifer Lawrence. Honnêtement, auquel auriez-vous préféré être invitée ?
Jennifer Lawrence, parce qu’elle a des potes dans le cinéma qui sont quand même de très très grands génies, j’aurais kiffé prendre un verre avec David O. Russell (le réalisateur d’Happiness Therapy, NDLR), plutôt que Hailey Baldwin (la nouvelle épouse de Justin Bieber, NDLR), à qui je n’aurais pas grand-chose à dire je crois, et réciproquement d’ailleurs. Et Rafael Nadal, bon, j’aime bien le tennis vaguement, mais c’est pas ma passion.
Christina Koch et Jessica Meir, astronautes à la Nasa, ont marqué l’histoire en effectuant ce 18 octobre la première sortie 100% féminine dans l’espace. Qu’est-ce que vous auriez aimé être la première femme à faire ?
Aucune femme n’a encore marché sur la Lune encore, si ? J’aimerais bien, ça… Bon, ça demanderait de changer drastiquement, à partir de maintenant. À la fin de cette interview, voilà, je m’envole pour Houston et je m’entraîne pendant les vingt prochaines années de ma vie. En réalité, j’ai eu une chance inouïe dans mon éducation : ma mère ne m’a jamais incitée à penser en termes de genre. Elle ne m’a jamais incitée à penser que j’étais limitée parce que j’étais une femme. Pour moi, l’égalité entre les hommes et les femmes est une évidence, ce n’est pas quelque chose qu’on devrait contester, et je trouve ça dingue qu’on doive encore en parler aujourd’hui. Première femme, premier homme… On parle juste de l’être humain, en fin de compte. Ce qui est vrai, malheureusement, c’est que s’il y a autant d’hommes qui ont fait les premiers pas sur quelque chose, c’est parce qu’on n’a pas donné assez d’importance aux femmes à travers le temps et ça, c’est tragique.
Dans une enquête sur les méthodes plus ou moins douteuses des tabloïds anglais, on s’est attachés à connaître les limites de ce genre de journaux, financières et morales. Quelle est votre rapport à la presse people, vous ?
Je la hais. Je la déteste. Et en même temps, je suis la première à feuilleter les trucs américains… Mais je trouve ça terrible en fait, parce qu’on fait certes un métier dit public, mais à la base on est juste des artistes qui souhaitent s’exprimer à travers de la performance. Être public ne veut pas dire avoir envie d’être exposés publiquement tout le temps à tout le monde. Ça n’a absolument rien à voir. Qu’on soit acteurs ou bibliothécaires, on a tous besoin d’un respect de notre intimité. J’en ai eu des articles qui sont sortis dans la presse people, et j’attaque systématiquement. Même quand ce sont des articles flatteurs. Il y avait par exemple cette photo de moi en maillot de bain, j’étais en train de me baisser et les journalistes faisaient des commentaires flatteurs sur mon derrière. Mais c’est hors de question, quoi, je ne laisserai jamais passer ça !
« Je pleure hyper facilement »
Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne et psychothérapeute, nous expliquait récemment pourquoi les femmes avaient plus de mal que les hommes à demander de l’aide. C’est quand, la dernière fois, que vous avez demandé de l’aide ?
Je n’ai aucune difficulté à demander de l’aide. Au contraire. J’adore le travail d’équipe sur un film par exemple, faire partie d’une petite communauté qui travaille ensemble et qui s’entraide. J’aime demander de l’aide sur un film, j’aime ne pas savoir ce que je fais, demander l’opinion de certaines personnes et recevoir des critiques. Il faut arrêter de se dire que parce qu’on est une femme, on doit essayer de ne pas être aidée, on s’en fout.
«Je me sens totalement dépassée», confiait Charlize Theron dans une interview, évoquant son quotidien entre enfants et tournages. Qu’est-ce qui vous dépasse, vous ?
L’injustice, le manque de bienveillance, l’égoïsme. Cela me dépassera sans doute jusqu’à la fin de mes jours.
Lors d’un discours aux WellChild Awards, le prince Harry a fondu en larmes à l’évocation de son fils Archie. Vous pleurez souvent ?
Je pleure hyper facilement. Aussi facilement que je ris. Les larmes peuvent témoigner de ma tristesse ou de ma joie. C’est encore une fois dû à mon éducation. Quand j’étais petite et que je pleurais, ma mère m’invitait à aller au fond de ma tristesse et à complètement assumer mes pleurs. «Pleure jusqu’à ce que tu n’aies plus envie de pleurer», en gros. Même quand j’étais en colère contre elle, elle me disait «sors ta colère au complet» ; elle me mettait dans ma chambre et je la retournais. J’expulsais tout. Ma mère rentrait ensuite en me disant : «C’est bon t’as terminé ? Allez, maintenant, range ta chambre». Du coup, pleurer, pour moi, c’est sain, et nécessaire à mon bon fonctionnement.
Dans une enquête sur la rupture, des psychologues constataient qu’il y a encore deux générations, on se mariait pour la vie. En 2017, le Conseil économique, social et environnemental le rappelait pourtant : aujourd’hui, un couple sur trois se sépare en France. L’idée du couple, elle résonne comment chez vous ?
J’ai un très grand besoin d’indépendance. Je suis en couple depuis plusieurs années mais je ne vis toujours pas avec mon partenaire ; il en sera peut-être un jour question mais je ne suis pas pressée parce que je sais que j’ai besoin de mon espace. Pour certaines personnes, c’est un manque d’engagement de ma part. Mais pas du tout, je suis extrêmement engagée dans cette relation, je suis très amoureuse, mais j’ai besoin de savoir que si j’ai envie d’être seule, je peux vivre ma vie comme bon me semble. Chacun a sa façon de vivre, il y a autant de définitions du couple qu’il y a d’êtres humains.
« J’ai des amis formidables, un copain formidable »
Depuis le début de l’affaire Weinstein, le monde du cinéma a brisé le silence sur le harcèlement et l’agression sexuels, puis le monde de la mode, notamment… Vous faites et/ou avez fait partie de ces deux mondes… Quel est votre point de vue ? À l’égard de votre propre expérience peut-être ?
Me Too était nécessaire, il fallait révéler ce tabou. Qu’il y ait ces femmes très courageuses qui soient allées sur le devant de la scène pour commencer cette révolution, c’est admirable. J’espère juste que ça va durer dans le temps, et que le mouvement va rester intègre, sincère, qu’il ne va pas chavirer du côté des injustices. Parce que forcément il y a des hommes qui ont été malmenés là-dedans, et j’ai l’impression qu’il est là le nouveau tabou, on n’a pas le droit d’en parler. Ce serait terrible d’utiliser ce mouvement pour manipuler des personnes.
On s’est intéressées de près à l’école américaine, entre optimisme à toute épreuve et ambiance start up dès la maternelle. Et l’école québécoise, c’était comment ?
J’ai passé mes années de primaire dans une école alternative, un tout petit établissement, et mes souvenirs en sont impérissables. Autant je ne voudrais pas retourner dans ma vingtaine, autant je retournerais dans mon enfance n’importe quand ! C’était des sublimes années. On était 60 au total dans l’école, les plus âgés prenaient soin des plus petits, on avait des projets qui nous réunissaient tous. Quand j’étais en troisième année par exemple, on a récolté assez d’argent pour venir passer deux semaines en France, dans le Poitou.
En parlant, chose rare, de sa vie privée, Marlène Schiappa a récemment déclaré qu’elle «avait la chance d’avoir un mari formidable». C’est quoi votre chance à vous ?
Ma chance, c’est de faire ce que j’ai envie de faire dans ma vie. Je jouis d’une liberté complètement dingue. J’ai la chance de gagner suffisamment ma vie pour aller voir ma famille quand je le souhaite au Québec ; de faire le métier qui m’anime et que j’aime, et de faire plein de métiers différents en fait. Personne ne m’oblige à choisir, et je ne le souhaite pas. Artistiquement, je peins, je dessine, je joue, j’écris, je réalise, je fais de la photo… Et toutes ces choses me nourrissent et font que je deviens une meilleure artiste tous les jours. Pour ne rien gâcher j’ai des amis formidables, un copain formidable, une famille formidable, je suis la personne la plus riche du monde.
Anthropocène – L’Époque humaine, de Jennifer Baichwal, Nicholas de Pencier et Edward Burtynsky, en salles le 20 novembre 2019.
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