Refaire sa vie sans léser personne

De nombreux sexagénaires retrouvent l’âme soeur après une séparation qui a mis fin à des années de vie commune. Plusieurs techniques existent pour protéger son nouveau conjoint tout en préservant les intérêts patrimoniaux de ses enfants. Revue de détails.

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Lorsque le petit dernier a quitté la maison, cela a été comme un déclencheur pour notre couple. Nous avons décidé de nous séparer d’un commun accord », se remémore Sylvie, 65 ans, divorcée depuis quelques années. Elle a ensuite emménagé avec son nouveau compagnon, lui aussi séparé et père de trois enfants. Selon l’Institut national d’études démographiques (Ined), le nombre des divorces des plus de 60 ans a doublé depuis 1985. Souvent, ce sont les femmes qui sont à l’initiative de la rupture. Pour beaucoup, c’est le début d’une nouvelle vie amoureuse puisque le nombre de mariages est aussi en augmentation chez les seniors.

Refaire sa vie impose de faire des compromis. « A nous deux, nous avons six enfants âgés de 20 à 35 ans qui ont dû apprendre à se connaître », confie Sylvie. Mais c’est surtout lors des successions que la situation peut se révéler conflictuelle. D’un côté, les droits des enfants nés d’une précédente union sont à respecter. De l’autre, le nouveau conjoint doit être protégé pour lui permettre de conserver son train de vie. « Or, le juste équilibre n’est pas toujours facile à trouver », constate Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris. Car tant que les parents et leurs nouvelles moitiés sont là, la famille reste unie, au moins en façade. Mais dès le premier décès, des désaccords peuvent resurgir et les héritiers s’affrontent autour des questions d’héritage. Nos conseils pour favoriser la paix des familles.

Choisir le bon statut pour votre couple

La meilleure protection reste le mariage. A condition de bien réfléchir au régime le plus adapté à votre situation personnelle. Votre patrimoine, vos revenus, la présence d’un ou plusieurs enfants, communs ou non…, plusieurs éléments entrent en compte pour faire le bon choix et protéger votre moitié sans léser vos descendants. Le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (appliqué par défaut si vous convolez sans contrat de mariage) peut être judicieux si vos revenus sont très déséquilibrés. « Il permet à chacun de conserver ses biens personnels acquis ou reçus avant l’union et de mettre en commun ce que l’on gagne ou ce que l’on achète durant la vie à deux », rappelle Nathalie Couzigou-Suhas.

Mais, quand cela est possible, privilégiez la séparation de biens. Dans ce régime, chaque époux est propriétaire des biens qu’il acquiert et des revenus qu’il gagne avant et pendant le mariage. Pour le patrimoine constitué à deux, la règle est celle de l’indivision où la part de chacun s’établit selon sa contribution. « Nous conseillons ce régime aux couples qui refont leur vie puisqu’il présente l’avantage de cloisonner le patrimoine des deux familles et limite les conflits au moment du décès de l’un des parents », estime Nathalie Couzigou-Suhas

Quel que soit le mode d’union choisit, en présence d’enfant(s) d’une précédente union, l’époux survivant ne reçoit qu’un quart du patrimoine. Mais il peut continuer à occuper le logement familial durant toute sa vie et bénéficier de la pension de réversion, au prorata de la durée du mariage (lire encadré). Sa protection peut encore être améliorée par un testament, par exemple, ou par une donation entre époux qui lui permettra de conserver l’usufruit de certains biens (donc le droit de les utiliser et d’en percevoir les revenus) jusqu’à son décès , ces derniers revenant ensuite aux enfants.

Le pacte civil de solidarité (pacs), signé chez un notaire, est une option pour ceux qui ne souhaitent pas repasser devant Monsieur le maire. Accompagné d’un testament, il permet de transmettre à votre partenaire une part de vos biens sans que ce dernier ne règle de droits de succession. Mais attention, ce contrat reste moins protecteur que le mariage. « On ne peut laisser à l’autre qu’une part limitée de son patrimoine. Sans compter que le partenaire n’a pas le droit de toucher la pension de réversion réservée aux couples unis par le mariage », indique Catherine Costa, directrice d’ingénierie patrimoniale. Mais, après un divorce douloureux, certains couples préfèrent vivre en union libre et ne veulent plus entendre parler d’engagement formel. Il faut alors bien avoir en tête que cette solution est la moins protectrice pour le concubin (ou la concubine).

Préserver ses enfants

Si vous souhaitez maintenir l’égalité entre eux, qu’ils soient biologiques ou de cœur, n’hésitez pas à anticiper votre transmission en rélisant des donations. Le code civil réserve une part minimale de votre succession à chacun de vos enfants (1/2 en présence d’un enfant, les 2/3 avec deux enfants, les 3/4 avec trois enfants et plus). En anticipant la transmission de votre patrimoine, vous pourrez aussi minorer fortement les droits. La loi vous permet de donner, tous les 15 ans, jusqu’à 100 000 euros sans impôt à chacun de vos enfants. A cela s’ajoute un don de liquidités (espèces, chèque ou virement), totalement défiscalisé, pouvant atteindre 31 865 euros tous les 15 ans, à condition d’avoir moins de 80 ans et que votre enfant soit majeur.

Soyez aussi vigilant si vous avez plusieurs enfants. « Une donation est considérée comme une avance sur la part d’héritage qui devra être rapportée à la succession pour sa valeur au décès du donateur », explique Nathalie Couzigou-Suhas. Par exemple, un parent donne la même somme à ses deux enfants. Le premier s’en sert pour acheter un bien et le second la dépense. A la succession, si le bien a pris de valeur, celui qui a investi devra dédommager celui qui a tout dépensé en partageant sa plus-value. Privilégiez donc la « donation-partage ». Rédigée par un notaire, elle fige la valeur des montants transmis au jour de la donation et préserve l’entente entre vos héritiers. Depuis 2007, la donation-partage est ouverte aux familles recomposées. Chaque parent peut ainsi donner à chacun de ses enfants, issus de ses différentes unions sous certaines conditions.

Favoriser votre bel-enfant

Si vous envisagez d’aider l’enfant de votre moitié que vous considérez comme le vôtre, sachez que beaux-parents et beaux-enfants restent des étrangers aux yeux de la loi. Conséquence : si vous lui faites une donation, elle sera taxée à 60% (dès le premier euro). Pour éviter cette taxation, vous pouvez le désigner bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie. Autrement, vous pouvez l’adopter afin qu’il puisse bénéficier de la fiscalité avantageuse des transmissions entre parent et enfant. Mais attention, cette démarche ne doit pas être prise à la légère car l’adopté devient alors l’un de vos héritiers légaux. De plus, les conditions de l’adoption « simple » sont strictes : vous devez notamment obtenir l’accord des deux parents de l’enfant s’il est mineur, et le sien s’il a plus de 13 ans. Si vous êtes remarié avec son père ou sa mère, vous devez aussi être âgé d’au moins 10 ans de plus que votre bel-enfant. En cas de pacs ou de concubinage, il faut l’avoir élevé sans interruption pendant au moins 5 ans lorsqu’il était mineur ou 10 ans entre sa minorité et sa majorité.

Merci à Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris et à Catherine Costa, directrice de l’ingénierie patrimoniale à la Banque Milleis.

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