Tout serait dit dans les Yoga Sutras de Patanjali, un manuscrit ancien de 2000 ans : « une pratique longue, ininterrompue et vigilante est la base solide permettant de contrôler les fluctuations (du mental).«
OK, mais à notre humble niveau, peut-on l’exprimer autrement ? Elodie Garamond, enseignante de Vinyasa, Yin et Ashtanga, créatrice des célèbres centres Tigre, et Jean-Michel Kuhry, professeur de yoga Iyengar depuis vingt ans, partagent leurs expériences pour booster nos passages sur le tapis.
Pratiquer régulièrement
Comme pour toutes les activités physiques, plusieurs séances par semaine changent clairement la donne, à condition de respecter une progression. « La première année, contentez-vous d’un cours par semaine car il faut faire de la place dans sa vie pour une nouvelle activité », justifie Jean-Michel Kuhry. « Ceux qui commencent fort avec deux ou trois cours par semaine grillent généralement vite leurs cartouches et désertent après trois mois ».
À partir de la deuxième année, les élèves qui viennent deux à trois fois par semaine sont ceux qui progressent le plus.
Respecter le temps du corps
Surtout ne pas griller les étapes ! L’enseignant de yoga Iyengar alerte encore sur l’effet « tout feu, tout flamme » : « Le yoga des premières années est fatigant pour le corps, il bouleverse les équilibres, les émotions, induit des transformations profondes », prévient Jean-Michel Kuhry. À viser trop haut, trop vite, on se blesse, se décourage, on ne tient pas sur la longueur. « Après cinq ans, on peut y aller franco ».
Développer l’attention
Les progrès posturaux vont de pairs avec ceux de la conscience du corps. Au début, on œuvre à maintenir l’attention sur une zone du corps à corriger. Genoux, bassin, épaules, tête, regard, souffle… Avec les années, on additionne les points d’ancrage sans décrocher.
« Tout l’art du yoga est d’arriver à maintenir la vigilance dans le corps tout entier », résume l’enseignant qui invite à pratiquer sans musique, et au moins dans les premiers temps, sans miroir, afin de centrer l’attention sur la perception.
Se concentrer sur nos sensations corporelles
À en croire Elodie Garamond, intellectualiser la pratique constitue un frein, tout comme le fait de se comparer aux autres : « il y a de nombreux obstacles dans le regard que l’on porte sur soi ». Ce dernier peut être faussé, voire inexistant.
« Beaucoup de gens sont comme passagers clandestins de leur corps. Ils ont du mal à saisir ce qu’on leur demande par alignement, mobilisation », remarque l’enseignante qui conseille, dans cette configuration, de commencer par la pratique de l’Iyengar. « Si les postures sont conçues pour être alignées, ce n’est pas pour faire joli. Il s’agit d’éviter de se faire mal et de décroitre l’effort musculaire nécessaire à leur maintien : le but est de se sentir stable et confortable », clarifie-t-elle.
Trouver sa respiration
Comme l’alignement, bien respirer s’apprend. « Certains élèves s’arrangent pour zapper cette étape du cours en arrivant en retard ou en partant en avance », remarque Elodie Garamond.
Or, les exercices de respirations, de pranayamas et de méditation ne sont pas des options, sinon, on passe à côté de la pratique. « Un corps mal oxygéné ne répond pas. Les systèmes osseux, tendineux, musculaire sont contractés, on stagne dans les postures. Il n’y a pas de fluidité dans le mouvement. Un très bon élève, qui avance dans sa pratique, fait du pranayama tous les jours », martèle l’enseignante.
Son conseil : au besoin, offrez-vous quelques cours spécifiques de pranayama histoire d’acquérir les respirations de base ; celle qui permettront de calmer ou d’énergiser, réchauffer ou refroidir.
Se concentrer sur ce que l’on fait
Avoir le corps sur le tapis et l’esprit au bureau, ce n’est pas yoga ! Respirer en conscience permet d’accéder à l’alignement total : esprit – corps – posture. « Pour avancer, il faut avoir compris cette connivence et l’installer. Cela prend du temps, de la pratique et de la discipline ; le yoga est exigeant », prévient Elodie Garamond.
Bien choisir son professeur
Celui-ci devra enseigner avec le moins d’ego possible. « Il n’est pas là pour montrer ce que lui sait faire mais pour amener l’élève à trouver la quintessence de sa propre pratique, lui permettre de sentir les choses, lui faire entrevoir ce qu’il lui sera possible de faire… tout cela sans le challenger à l’excès », explique Elodie Garamond.
Pour Jean-Michel Kuhry, l’enseignant est aussi là pour structurer notre pratique au fil du temps : au fur et à mesure qu’il observe votre corps, votre progression ou au contraire votre stagnation, il adaptera les priorités. Dans un cours, nous faisons toutes la même posture mais chacune devra porter attention à un point différent, pour protéger une zone fragile ou travailler sur une zone raide.
Avoir foi en soi et dans le yoga
Les deux premières années peuvent être très éprouvantes. « On n’y arrive pas, on découvre nos raideurs, nos incapacités, on voit l’enseignant ou certains élèves tenir des postures parfaites… bref, on est face à la réalité de notre corps », expose Jean-Michel Kuhry. Pour lui, on ne peut pas mentir avec le physique et « c’est peut-être cela qu’on vient rencontrer dans le yoga ».
Son conseil : accepter la lenteur des progrès, la difficulté, l’inconfort (la douleur, c’est surtout pour l’égo…). Alors, tout devient possible. « Les choses se mettent en place. On envoie des intentions et un jour, on récolte le fruit de nos efforts », rassure-t-il. Un peu comme dans une psychanalyse, Il faut décider de s’investir vraiment, être consciente que cela coûtera quelque chose, à plusieurs niveaux, mais que la moisson sera au-delà de nos attentes.
Mettre en place une pratique personnelle
« Pratiquer à la maison, tout seul est ce qu’il y a de plus difficile à faire. Un défi de tous les jours, pendant des années », admet Jean-Michel Kuhry. Après trois ou quatre ans, l’enseignant encourage à mettre en place des séances personnelles, à customiser et équilibrer selon nos besoins : extensions vers l’avant ou l’arrière, inversions… « Le secret est de commencer petit, dix minutes suffisent ».
Organiser son espace au quotidien à la maison est une première étape, importante : on fait entrer le yoga chez soi, dans notre vie, tout simplement. Surtout, on évite les « Il faut que ».
« On n’est pas obligé de rien ! Si on n’y arrive pas, on se contente d’aller aux cours et c’est déjà bien. Les choses finiront par s’installer », tempère Jean-Michel Kuhry, qui appelle à la self bienveillance. Elodie Garamond estime qu’aujourd’hui, il est très simple de s’offrir des fenêtres très courtes de pratique via des offres de yoga en ligne très accessibles : « nous avons conçu spécialement à cet effet des séquences de dix à vingt minutes sur Yoga Play. Quand on pratique une fois de temps en temps, on oublie les sensations et limite toute progression. Le rendez-vous quotidien avec le mat est un must ! »
Oser regarder à l’intérieur de soi
Physique, émotionnel, intellectuel… Jean-Michel Kuhry est formel : avancer sur la voie du yoga relève de l’exploration totale ; un point de vue qui peut faire basculer la pratique. « On ne cherche pas la perfection. Le but n’est pas l’illumination finale mais le chemin », évoque-t-il.
Qu’est-ce que je ressens ? Est-ce que j’accepte mes faiblesses, mes limites ? Puis-je les dépasser et comment ? « Le tapis de yoga est un laboratoire dans lequel nous mettons en jeu notre être ».
Extraordinaire, parfois éprouvante, la découverte de soi à travers le corps est la plus belle des aventures, côté sombre inclus. « On y côtoie des tensions psycho-émotionnelles insoupçonnées, des aspects de nous qu’on n’a pas envie de regarder en face, en d’autres mots des ogres et des ogresses symboliques. Mais la rencontre avec soi n’a pas de prix », sourit l’enseignant.
Tout ça dans une simple posture. Bon voyage !
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