CONFIDENCES – Au générique de la fiction Grand Hôtel sur TF1 et du film Boutchou, ce 23 septembre, Carole Bouquet incarne l’élégance française. Son cœur bat aussi pour l’Italie. Mais c’est surtout à la femme, à la mère et à la grand-mère que l’on avait envie de donner la parole. Sans masque.
Trois petits tours et puis s’en va. Carole Bouquet est attendue ailleurs, sur une île, son île, Pantelleria, au large de la Sicile. Elle a rendez-vous avec cette terre rocailleuse qui, par quel mystère, a su pénétrer jusqu’à son âme ; avec cette autre vie où elle n’est plus l’actrice que l’on dorlote, mais une entrepreneuse qui relève les manches et parle vendanges, travaux, saisons, le maillon d’une chaîne d’hommes et de femmes qu’elle a le sentiment de trahir en partant faire son métier d’image. Elle le dit certes en riant, mais on sent bien que cela compte, cette fidélité à ces gens là-bas…
Gala : Il semble que vous n’êtes que de passage en France…
Carole Bouquet : Oui. Je suis venue pour tourner Fantasmes, écrit et réalisé par Stéphane et David Foenkinos, qui rappelle le genre de films à sketch des années cinquante en Italie. Après, je repars à Pantelleria car je suis en pleins travaux et on a décidé d’essayer de faire un vin blanc sec, une aventure très différente de celle du passito que l’on produit déjà.
Gala : Qu’est-ce qui vous plaît tant dans ce travail de la terre ?
Carole Bouquet : Ce n’est pas moi qui la travaille, mais ce qui m’a plu, ce que j’ai voulu, au début, c’était juste avoir un tout petit bout de terre en Italie, pour pouvoir dire que j’étais italienne, que j’étais légitime dans ce pays, et pas simplement parce que je l’aime et que j’en parle la langue.
Gala : D’où vous vient une telle passion ?
Carole Bouquet : J’ai besoin de cette lumière. Je parlais hier avec Monica Bellucci avec qui je tourne, et je lui disais que chaque fois que j’arrive à Rome – et j’y vais depuis l’âge de vingt ans, parfois plusieurs fois par an –, je demande au taxi de m’arrêter Piazza del Campidoglio, sur la colline du Capitole, pour regarder cette beauté. Je ne m’en lasse jamais. Je sais, c’est totalement disproportionné, mais quand je sens ces odeurs de mimosa, de romarin et d’ail, ça me renvoie à l’enfance. Petite, j’allais dans le Midi, en bord de mer et, pour des raisons qui me sont personnelles, j’y voyais une promesse de bonheur. Depuis, plus je vais vers le Sud et plus je suis heureuse.
« J’ai beaucoup organisé ma vie autour de celle de mes enfants »
Gala : Etiez-vous confinée là-bas ?
Carole Bouquet : Non, à Paris, avec un de mes fils, Louis, sa fille Gaia et ma belle-fille qui était enceinte (la petite Paloma est née pendant le confinement, ndlr). On était dans des conditions merveilleuses, mais enfermés dans un appartement.
Gala : Faites-vous partie des gens qui ont trouvé quand même du positif dans le confinement ? Cet arrêt sur soi a-t-il été l’occasion de faire le point, par exemple ?
Carole Bouquet : Non. Premièrement, j’ai un métier qui, quand on n’est pas immensément actifs et débordés de toutes parts, nous offre des immenses moments de pause et donc de réflexion. Et puis je savais que très vite tout allait recommencer comme avant : la circulation, la consommation… Je ne crois pas à un changement radical.
Gala : Pour certaines familles, ce fut l’occasion de se retrouver…
Carole Bouquet : Là encore, je suis une privilégiée car mon travail m’a laissé le temps d’être beaucoup avec mes enfants. J’ai même fait l’école avec eux sur les tournages quand ils étaient petits. Et plus tard, quand ce n’était plus possible, je me suis organisée pour tourner pendant les vacances scolaires. J’ai beaucoup organisé ma vie autour de celle de mes enfants.
Gala : Vous nous aviez dit un jour que vos fils étaient des tuteurs…
Carole Bouquet : Je ne dirais pas ça aujourd’hui, pas de cette façon en tout cas car le tuteur est ce que je mets autour de mes vignes pour qu’elles grandissent. J’espère que, malgré mes failles, c’est moi leur tuteur ! Que mes fils qui sont ma joie et ma force peuvent s’accrocher même si le vent mauvais souffle. Mais il est vrai que toute ma vie, profondément, tourne autour de la responsabilité que j’ai par rapport à eux. Même si je fais mal, même si je me trompe.
Gala : Vous êtes une des héroïnes de la série Grand hôtel sur TF1. Enfant, est-ce qu’une série télévisée vous a tenue en haleine ?
Carole Bouquet : Oui, Angélique marquise des anges. J’étais folle du brun, ténébreux et mystérieux Joffrey de Peyrac (joué par Robert Hossein, ndrl) ! C’est la seule chose que j’ai regardée enfant. Ou alors toute petite, Bonne nuit les petits que j’adorais, avec un nounours qui passait sur son nuage.
« J’ai des fils qui sont de très bons pères et des belles-filles qui sont de très bonnes mères »
Gala : Est-ce que vous revisitez votre enfance aujourd’hui avec vos quatre petits-enfants (son fils Dimitri a une fille, Darya, 9 ans, et un garçon Balthazar, bientôt 2 ans) ?
Carole Bouquet : Pas mon enfance, non, je n’ai rien à aller y chercher, mais je peux visiter avec mes petits-enfants l’enfance de mes enfants que j’ai eu tant de plaisir à inventer. J’ai tout adoré de cette période : les jeux, les vacances, aller à la sortie de l’école, prendre le goûter avec tous leurs copains, faire du manège, les magasins… Comme en plus j’avais des garçons, c’était un territoire qui m’était étranger et donc je me sentais très libre.
Gala : Dans Boutchou, d’Adrien Piquet-Gauthier, qui sort le 23 septembre, vous campez une grand-mère prête à tout pour avoir son petit-fils pour elle. Vous reconnaissez-vous un peu dans ce personnage de comédie ?
Carole Bouquet : Non. D’une part, je suis une grand-mère qui travaille, du coup, j’ai moins de disponibilité avec eux que j’en avais avec mes propres enfants, qui vivaient 24 heures sur 24 à la maison. Je ne suis donc malheureusement pas autant avec eux que j’aimerais l’être. D’autre part, j’ai des fils qui sont de très bons pères et des belles-filles qui sont de très bonnes mères. Ce sont plutôt des rendez-vous que j’ai avec mes petits-enfants, le temps de vacances ou de voyages.
Gala : Comment vous appellent-ils ?
Carole Bouquet : Ma petite-fille Darya n’arrivait pas à prononcer les « r » quand elle était bébé, elle disait « Cayole ». J’ai trouvé ça tellement mignon que c’est resté !
« J’ai l’impression d’avoir eu dix vies! »
Gala : Quand vous avez été grand-mère pour la première fois, avez-vous eu tout à coup la sensation que vous aviez passé un cap ?
Carole Bouquet : Pas du tout. J’étais très émue que mon fils ait un enfant, mais cela n’avait aucun rapport avec mon âge ou la notion du temps qui passe. Après, si vous me demandez aujourd’hui si je suis étonnée d’avoir 60 ans – et en l’occurrence, j’en ai 63 –, alors oui, je n’en reviens pas ! Même si j’en ai très peu chez moi, quand il m’arrive de regarder d’anciennes photos, j’ai l’impression d’avoir eu dix vies ! Que des siècles sont passés !
Gala : Si par magie vous pouviez arrêter l’horloge du temps à un âge idéal, quel serait-il ?
Carole Bouquet : Je dirais quand Dimitri avait 11 ans et Louis 5 de moins. J’ai adoré la petite enfance de mes enfants. J’ai adoré regarder le monde à travers leurs yeux. Et quand je joue avec mes petits-enfants, je retrouve cette sensation. Le temps s’arrête.
« Je ne sais pas ce que c’est que de vieillir toute seule »
Gala : Est-ce plus facile de vieillir quand on a un homme à ses côtés ?
Carole Bouquet : Je ne peux pas répondre à cette question, parce que je ne sais pas ce que c’est que de vieillir toute seule.
Gala : Vous qui paraissez si indépendante avez, il est vrai, rarement été célibataire…
Carole Bouquet : Disons-le, je n’ai jamais vécu seule ! Je suis extrêmement indépendante, c’est vrai, et je le revendique un peu trop, ce qui agace souvent les hommes, mais je ne suis pas tellement faite pour vivre seule. J’aime être en famille, entourée d’enfants, d’amis, de ma filleule Daphnée (la fille de la scénariste et actrice Telsche Boorman, qui était sa meilleure amie, ndlr), et des siens que je ne vois pas assez parce qu’ils vivent à Londres… C’est pour ça que je souffre un peu en ce moment. Et je ne suis pas la seule, je pense, à trouver que naître seul et mourir seul n’est pas ce que l’on a inventé de tellement bien cet hiver. Voilà. Je comprends la peur, je comprends et respecte les consignes de prudence, mais c’est violent. Et je n’aime pas le monde dans lequel vivent en ce moment mes enfants et mes petits-enfants. Ma génération a connu l’insouciance, on croyait que la paix gagnerait tous les pays, on entendait les voix de Lucie Aubrac, de Stéphane Hessel pour qui l’Europe avait un sens, les procès de Nuremberg étaient faits pour dire « plus jamais ça », on portait le rêve d’un monde meilleur… Là, je ne vois pas beaucoup d’espace pour rêver…
Cet entretien a été initialement publié dans le magazine Gala n° 1423, en kiosque le 17 septembre 2020.
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