Adieu plâtres, attelles et autres écharpes ! À l’avenir, la médecine pourra nous offrir de quoi alléger nos fractures et en accélérer la réparation.
On se prend les pieds dans le tapis, notre cheville vrille sur un trottoir ou on perd l’équilibre sur l’escabeau… et c’est le début des problèmes ! Après 60 ans, les os sont plus fragiles. Une fois sur douze, la voltige se termine en fracture qui, bien sûr, se répare moins bien en vieillissant. Puis l’immobilisation nous empêche de nous servir de notre bras ou de marcher et nous fait perdre des forces. Voilà comment on peut mettre des mois à récupérer d’une chute au départ anodine. Pour enrayer ce cercle vicieux, médecins, chercheurs et entrepreneurs planchent sur de nouveaux moyens de consolider nos os et de rester le plus actif possible, même quand c’est cassé.
Des plâtres poids plume imprimés en 3D
Fabriquées par la start-up belge Spentys, les versions pour le bras pèsent en moyenne 90 grammes. Autant dire qu’on les sent à peine ! « Et pourtant, le dispositif immobilise aussi bien qu’un plâtre classique. Sa structure sur mesure, conçue grâce à un scanner 3D qui donne une image de l’anatomie extérieure, épouse parfaitement le membre », explique Louis-Philippe Broze, cofondateur de la société. En plastique composé d’amidon de maïs ou de sucre de canne, un matériau ultraléger et résistant, recyclé et recyclable, le « plâtre » ne craint pas l’eau : on peut se doucher avec ! Les hôpitaux équipés par la solution Spentys peuvent en imprimer jusqu’à trois simultanément en moins d’une heure. La marque fabrique aussi des attelles sur mesure pour les pathologies chroniques telle l’arthrose. « On adapte le produit au patient : une matière plus flexible et confortable pour quelqu’un qui bouge peu, un matériau plus épais pour quelqu’un de très actif. Et comme le plâtre n’est pas ‘plein’, on peut créer des alvéoles autour d’une cicatrice ou de l’os du poignet pour davantage de confort. » Ces conceptions, déjà testées dans trois hôpitaux au Benelux, pourraient arriver sur le marché français fin 2020. Le Pr Thierry Bégué souligne toutefois une limite : « Le principe est intéressant, mais les fractures s’accompagnent souvent d’un œdème. Le membre gonfle, donc le plâtre sur mesure risque de ne plus être adapté au bout de quelques jours quand ça dégonfle. Comme avec un plâtre classique, il faudra sûrement en refaire un autre. »
Moins d’opérations avec les matériaux résorbables
Une seconde intervention est souvent nécessaire pour retirer les plaques, broches ou vis posées pour stabiliser une fracture, qui peuvent gêner le mouvement et devenir irritantes. Les médecins aimeraient éviter cette étape afin de limiter les risques associés, en particulier chez personnes les plus âgées. Dans cet objectif, de nombreux essais voient le jour, avec des biomatériaux résorbables visant à remplacer le titane et le métal. « On utilise par exemple depuis longtemps des implants fabriqués avec des sucres (mucopolysaccharides, MPS) ou des polymères d’acide lactique, mais ces derniers se résorbent trop vite, en moyenne en six à huit semaines, alors que chez les plus de 60 ans, les délais de consolidation sont plus longs. On aimerait trouver un matériel stable durant au moins trois mois pour s’assurer que la fracture est bien consolidée », détaille le Pr Bégué. Plusieurs pourraient répondre à ces critères. Parmi les plus sérieux : le magnésium, étudié notamment aux États-Unis et en Allemagne. Mais il reste à vérifier qu’il ne présente pas de danger à long terme, car il libère du magnésium en continu dans l’organisme.
Des stimulateurs de cicatrisation osseuse
« En cas de fracture, surtout liée à l’ostéoporose, l’objectif est d’immobiliser moins longtemps, voire plus du tout, pour éviter la perte d’autonomie. À l’heure actuelle, celle-ci peut aller jusqu’à deux mois pour les membres supérieurs et trois mois en moyenne pour les membres inférieurs », rappelle le chirurgien orthopédiste. Pour la réduire, il faut donner un coup de pouce à la réparation osseuse naturelle, qui ralentit avec l’âge. « La médecine régénératrice vise à favoriser le travail des cellules qui vont recoloniser la fracture et reformer l’os », explique Jérôme Grenier, doctorant en ingénierie biomédicale à l’université Paris-Saclay. On utilise déjà des greffes d’os ou des substances proches de l’os (tels le corail ou le phosphate de calcium). Aujourd’hui, de nombreux polymères résorbables (naturels ou de synthèse) sont à l’étude. Parmi eux : des hydrogels naturels que l’on peut fabriquer à bas coût, ce qui compte pour un éventuel remboursement et une utilisation à grande échelle. Novosteo, une start-up américaine affiliée à l’université Purdue (Indiana), lance de son côté des essais cliniques pour un médicament injectable n’importe où qui cible uniquement la zone fracturée. Il s’agit de peptides et de protéines qui viennent s’accumuler dans l’os, s’ajoutant à celles fabriquées naturellement. Quatre semaines après les injections, le scanner montre un os de meilleure densité par rapport à l’os témoin. Ce dispositif est testé en priorité pour les fractures de hanches chez les plus de 65 ans.
Des « colles » injectables pour remplacer plaques et vis
Et si on pouvait substituer aux broches et autres vis une super-colle qui ressouderait les os ? L’idée est séduisante, mais il faut une substance suffisamment solide et durable pour maintenir la fracture, biocompatible et résorbable une fois l’os réparé, car « si la résorption est trop rapide, on risque une nouvelle fracture », souligne le Pr Bégué. On espère beaucoup d’une solution mixte : un matériau adhésif résorbable (carbonate de calcium, phosphate tricalcique…), injecté par une grosse seringue pour ressouder les deux bords de l’os, et une résine plus solide, libérée à l’intérieur de celui-ci pour l’empêcher de bouger. « Plusieurs sociétés travaillent sur le sujet en France. Elles ont déposé les brevets et commencent les études cliniques », précise le Pr Bégué.
Un bandage qui accélère la guérison
Enfin, l’université Duke, en Caroline du Nord, tente une autre approche : un bandage appliqué directement sur l’os brisé pour capturer et piéger l’adénosine à cet endroit. L’équipe a identifié il y a quelques années le rôle de cette molécule dans la croissance osseuse : en cas de fracture, le corps submerge naturellement la zone d’adénosine, mais ces niveaux localement élevés ne perdurent pas. L’idée est donc de prolonger le phénomène pour stimuler le processus de guérison naturelle. À l’heure actuelle, cela a été testé avec succès sur des souris. « Ce pourrait être intéressant surtout pour les fractures sur des zones non portantes. Pour les autres, un matériel de fixation reste indispensable pour souder les fragments d’os entre eux », estime le Pr Bégué. Reste qu’avec toutes ces recherches, il y a clairement de l’espoir pour faire de vieux (et de bons) os.
Merci à notre expert , Pr Thierry Bégué, chirurgien orthopédiste.
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