Comment arrêter de s’autoflageller ?

“J’ai suffisamment d’expérience pour le faire. Je suis suffisamment informée pour le faire. Je me suis suffisamment préparée pour le faire. Je suis suffisamment mature pour le faire. Je suis suffisamment courageuse pour le faire.” Cette succession de petites phrases auto-motivantes, c’est Alexandria Ocasio-Cortez, actuelle députée du Bronx, aux Etats-Unis qui se la répète, quelques heures avant son tout premier débat télévisé. Une scène immortalisée par le récent documentaire Netflix, Knock down the House et qui n’a pas manqué de susciter chez moi de l’envie et une grande admiration. 

Car, comme beaucoup, je suis incapable de faire preuve d’une telle empathie à mon égard tant j’excelle dans l’art de l’auto-flagellation, cette tendance – certes humaine mais peu bienfaitrice – qui consiste à critiquer et juger en permanence son propre comportement. “Je suis trop grosse”, “Je suis moche”, “Je ne fais pas assez de sport”, “Je ne suis pas une bonne mère”, “Je n’ai toujours pas gagné le Pullitzer.” : nombreux sont celles et ceux qui ont ce genre de petite voix toxique dans leur tête, qui nous matraque nos défauts et faiblesses de façon presque systématique.

Et même lorsque le succès et l’accomplissement sont en rendez-vous, ce Jiminy Cricket démoniaque se pointe pour insinuer que tout ceci n’est qu’un hasard, un heureux concours de circonstances et non bien entendu le fruit d’un travail acharné. “Souvent, le pire jugement ne vient pas des autres mais bien de vous-même”, confirme Alexandra de Roulhac, coach en développement personnel à Paris.

Petite-enfance et acceptation sociale

Et pour cause, cette voix qui ressemble à s’y méprendre à celle de votre belle-mère – Coïncidence ? Je ne crois pas ! – prend racine dans notre petite enfance. Loin d’être mal intentionné, notre « critique intérieur » nous permettrait en effet de répondre à notre besoin vital de satisfaire nos parents, afin qu’ils nous acceptent dans le groupe familial et, par extension, ne nous condamnent pas à une mort certaine en nous abandonnant à la première occasion venue. Tout ceci est bien entendu inconscient. “On a tous entendu nos parents dire « tu peux mieux faire », « sois plus gentille » ou « fais des efforts ».

Pourtant, ce qu’il reste souvent de ces « critiques constructives », c’est surtout le sentiment que ce que l’on fait n’est jamais assez bien”, explique la spécialiste. “Notre cerveau pense que c’est son job de détecter la moindre de nos caractéristiques qui nous rendrait impossible à aimer”, ajoute la psychologue américaine Laura Markham dans une tribune sur Psychology Today. 

Un réflexe de survie primitif en somme, qui présente toutefois le défaut de se répéter tout au long de notre vie, notamment lorsque nous souhaitons plaire à autrui, correspondre à ses attentes ou lorsque nous voulons nous faire accepter par quelconque groupe social. En bref, ce qui était à l’origine notre garde-fou, se transforme en dictateur paranoïaque et autoritaire, détruisant à petit feu l’estime de nous-même. “Vous avez tendance à vous comparer aux autres et rarement à votre avantage parce que bien sûr, vous vous sous-estimez et vous surestimez l’autre”, poursuit Alexandra de Roulhac. Se construit alors progressivement un ego omniprésent et sous-dimensionné, qui vous rappelle incessamment que vous ne correspondez pas à l’être idéal qu’il aimerait que vous soyez. “S’autoflageller peut être aussi une dépendance pour être rassurée et susciter la compassion”, précise la coach, qui rappelle que la peur de ne pas être à la hauteur, et celle de ne pas être aimée sont les craintes les plus courantes qu’elle rencontre chez ses clients.

Prendre ses distances pour reprendre confiance 

Pourtant tous les psychologues sont formels : faire taire nos voix intérieures ne changera absolument rien. En effet, selon Ethan Kross, chercheur au laboratoire “Emotion & Self Control” de l’Université du Michigan, nos auto-critiques reviendront, peu importe notre capacité à faire la sourde oreille. Sa recommandation ? Analyser les mots durs que nous nous adressons avec détachement, comme si nous étions une autre personne. Appelée “auto-distanciation”, cette technique utilisée dans les thérapies cognitivo-comportementales consiste à remplacer le “je” par le “tu” ou le “il/elle” quand vous vous critiquez durement. 

En étant entouré de personnes qui soulignent vos qualités, vos talents, vos forces, que vous pouvez plus facilement en prendre conscience et ainsi reprendre confiance

Au lieu de vous auto-flageller gratuitement, cette astuce vous permet de faire une pause mentale, prendre du recul sur ce que vous vous reprochez et penser de manière aussi objective que s’il s’agissait d’une autre personne. “Je propose toujours à mes coachées de se poser cette simple question : « Si vous parliez à une amie qui a les mêmes problématiques que vous, vous lui diriez quoi ? Et naturellement, elles trouvent des mots bienveillants et encourageants à lui dire…”, renchérit Alexandra de Roulhac, qui conseille également de remplacer les injonctions culpabilisantes comme “je dois” par des « je choisis de » et des « j’ai envie de », qui replacent la confiance en soi au coeur de vos actions.

Autre piste développée par les spécialistes : celle de votre entourage. “Comment vous adresser des mots doux si vous subissez chaque jour des paroles blessantes de la part de votre entourage ?”, questionne la coach. C’est en effet en étant entouré de personnes qui soulignent vos qualités, vos talents, vos forces, que vous pouvez plus facilement en prendre conscience et ainsi reprendre confiance. À l’inverse, “si vous vivez avec une personne borderline ou narcissique, vous aurez tendance à plus vous auto-flageller afin d’anticiper ses “pics”, ses frustrations et éviter tout débordement”, précise la psychologue californienne Margalis Fjelstad, sur son site.

Cette dernière conseille notamment d’être effectivement très attentif à nos auto-critiques, les opposer à nos qualités existantes pouvant nous permettre de reprendre le contrôle dessus. Et de les faire taire, une bonne fois pour toutes.

Source: Lire L’Article Complet