Un an après le Grenelle des violences conjugales et sa quarantaine de mesures, Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la Fondation des femmes, dresse un bilan en demi-teinte. Un constat partagé par de nombreuses associations. De nouvelles mesures sont attendues en 2021.
Le 25 novembre 2019, le Grenelle des violences conjugales – orchestrée par la secrétaire d’État de l’époque Marlène Schiappa – avait débouché sur une quarantaine de mesures. Toutes étaient censées contribuer à «briser la chaîne du silence» et provoquer un «électrochoc» pour endiguer les violences dans le couple. Un an après son lancement médiatisé, les associations dressent «un bilan en demi-teinte», avec un nombre de féminicides toujours alarmant. En 2019, 146 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, soit 25 de plus qu’en 2018, selon les derniers chiffres officiels. Ces meurtres sont le stade ultime des violences conjugales, dont sont victimes chaque année plus de 210.000 femmes majeures en France.
Ce qui a changé depuis un an
Avec le Grenelle, c’est certain, le Parlement français a pris la mesure du phénomène des féminicides. Depuis, deux lois ont émergé. L’une, adoptée en décembre 2019, généralise le bracelet anti-rapprochement pour les (ex-)conjoints violents ; l’autre, en juillet 2020, introduit une exception au secret médical en cas de «danger immédiat» et ouvre la possibilité de suspendre l’autorité parentale dans le cadre du contrôle judiciaire d’un parent violent. Cette année encore, 1000 nouvelles places d’hébergement et de logement d’urgence, ouvertes aux femmes fuyant leur domicile en raison des violences, ont été créées.
Annie Guilberteau, à la tête du Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), salue d’autres efforts : l’inscription du suicide forcé dans le code pénal, le décret visant à faciliter le recours aux ordonnances de protection ou encore la saisie des armes en cas de dépôt de plainte. «Je me souviens de femmes qui déposaient plainte après avoir été menacées de mort par leur mari et à qui la police répondait : « Votre mari est chasseur, on ne peut pas lui enlever son arme de loisir »», raconte Annie Guilberteau, lors d’une conférence de presse virtuelle tenue ce jeudi 3 septembre.
Ce que regrettent les associations
Mais pour les associations, la carence en moyens demeure sur le terrain. Sur la quarantaine de mesures annoncées, «environ un tiers d’entre elles ont été réalisées, un tiers sont en cours de réalisation et un dernier tiers n’ont pas été initiées», relève Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. «On reconnaît que des efforts ont été faits. Outre les avancées législatives, on remarque qu’on communique beaucoup plus sur les violences conjugales et qu’on prend plus en compte les auteurs de violences. Et pour la première fois, on s’est intéressé aux familles des victimes de féminicides.»
Pour autant, cela n’est pas assez. Seules les mesures les moins coûteuses ont été adoptées. «Le financement de nouvelles structures dédiées à la prise en charge sanitaire psychologique sociale des femmes victimes sur le modèle de la Maison des femmes est, par exemple, en suspens», regrette Anne-Cécile Mailfert. Autre déception : le 3919. Cette ligne d’urgence pour les femmes victimes de violences conjugales n’est aujourd’hui ouverte que de 9 à 19 heures, du lundi au samedi. Alors qu’elle devait être opérationnelle 24 heures sur 24 «d’ici la fin de l’année», comme l’avait assuré Marlène Schiappa. L’extension de la plage horaire est désormais repoussée au printemps 2021.
En vidéo, les vrais chiffres des violences faites aux femmes
De nouvelles annonces
La crise sanitaire et le confinement ont aussi mis en lumière le manque d’hébergements spécialisés pour la mise en sécurité des femmes. Et ce, malgré la création de 1000 nouvelles places en 2020. «La situation reste très critique sur l’hébergement d’urgence, qu’il s’agisse de femmes sans domicile fixe ou de celles obligées de quitter le foyer à cause de violences conjugales», alerte Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité. «Chaque jour, plusieurs centaines de femmes appellent sans obtenir de solution d’hébergement. C’est notamment le cas dans les grandes métropoles», ajoute-t-il.
En réponse à ces critiques, le premier ministre Jean Castex a annoncé le 2 septembre la création de 1000 nouvelles places d’hébergement supplémentaires en 2021. Preuve sans doute que le cri d’alarme des associations a été entendu.
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