Sous le soleil, il fait toujours bon lire… encore plus quand l’histoire entre nos mains se passe sous le soleil exactement ! « Eileen Gray, une maison sous le soleil » est le récit en bulles et en dessins d’une légende qui a peiné pendant plusieurs décennies à sortir de l’ombre. Une histoire double. Celle d’une femme, Eileen Gray, et celle d’une maison, la villa E-1027. C’est sur la Côte d’Azur qu’elle chérissait tant, à Roquebrune-Cap-Martin, que l’architecte et designer, portée par la confiance de son amant (et architecte) Jean Badovici, a bâti à la fin des années 30 une villa blanche et terriblement moderniste avec une vue imprenable sur la Grande Bleue. C’est aussi dans ce coin de paradis, face à cette maison aux allures de paquebot, qu’en 1965, Le Corbusier est retrouvé mort noyé. L’événement ouvre l’ouvrage, et ce n’est pas un hasard. Longtemps, la légende a voulu que la villa E-1027 soit l’oeuvre du maître de l’architecture moderne…
Réhabiliter l’oeuvre sensuelle d’Eileen Gray
Conçu à quatre mains par l’architecte Charlotte Malterre-Barthes et l’illustratrice Zosia Dzierzawska, « Eileen Gray, une maison sous le soleil » raconte l’histoire de cette méprise. A travers un récit finement documenté et une ribambelle de dessins où transparaissent la liberté chère à Eileen Gray, le duo retrace le parcours de cette jeune irlandaise éprise d’indépendance qui se lance dans l’aventure de la décoration d’intérieur à Londres, puis à Paris dans les Années Folles. Si tout l’album est construit autour de la villa E-1027 – de l’élaboration du projet à la disparition de Le Corbusier – le récit est ponctué de flash-back qui une fois assemblés mettent en perspective, non seulement, le talent et la philosophie architecturale de la jeune artiste mais aussi comment elle a été dépossédée de cette « maison sous le soleil ». Très tôt, cette designer spécialiste de la laque critique les principes de l’architecture moderne qui, selon elle, manque cruellement de sensualité. Au fil des pages et des dessins sensibles emplis de poésie se dévoile cette personnalité pour qui « la décoration d’intérieur s’apparente à un outil pour nourrir les sens ». Les sens sont nourris ici à travers des dessins qui accordent toute leur importance aux paysages naturels voisins de la villa et aux réflexions que Gray a régulièrement avec Badovici sur « l’architecture comme expérience corporelle ». C’est lui qui sollicitera Le Corbusier pour peindre des fresques au sein de la villa. Des interventions picturales belles et célèbres qui viennent pourtant casser l’intégrité structurelle de l’intérieur et compromettent tout l’esprit de villa sensuelle qui évolue en fonction de ses habitants que désirait tant Eileen Gray. Cette bande-dessinée a le mérite de faire revivre ce désir premier, celui d’une architecture réaliste et voluptueuse à la fois.
Eileen Gray, une maison sous le soleil de Charlotte Malterre-Barthes et Zosia Dzierzawska, Dargaud
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