Justine Dupont, surfeuse de monstres d’écume

À 28 ans, cette championne de surf file sur les plus grosses vagues du monde, bousculant au passage les stéréotypes d’un sport longtemps vu comme masculin.

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Nazaré, Portugal, Février 2020. Solide sur ses appuis, glissée dans sa combi, Justine Dupont file comme le vent sur sa planche. Derrière elle, un mur d’eau de plus de 20 mètres, l’équivalent d’un immeuble de huit étages, prêt à s’abattre dans un fracas d’écume. Dans de telles conditions, la vitesse peut dépasser les 60 km/h, et la moindre erreur être fatale. Pourtant, au bout d’une petite minute, Justine émerge des flots, victorieuse du monstre. Elle vient de briser un record. Un de plus.

Lorsqu’on la joint au téléphone, début juillet, à Nazaré justement, où elle s’entraîne avec son compagnon, le bodysurfeur Fred David, elle nous détaille son exploit en toute modestie – et avec une petite pointe d’accent chantant du Sud-Ouest : «C’était la plus belle vague de ma vie ! Cela faisait cinq heures que nous étions dans l’eau, il y avait une grosse houle, il faisait froid, quand soudain on voit se profiler une supervague… On sait d’instinct qu’elle va être dingue, alors il faut être prêt, et garder une forme de crainte, qui permet de rester concentrée.»

En vidéo, Justine Dupont bat le record de la plus grosse vague jamais surfée

Justine le sait, la chute peut faire très, très mal. En 2018, la championne se blesse au genou et à l’épaule à Hawaï, et doit enchaîner cinq mois de rééducation : «J’ai pris un tout petit risque… mais ça fait partie du jeu», dit-elle, philosophe. Aujourd’hui en pleine possession de ses moyens, elle poursuit, insatiable, son entraînement, aussi à l’aise sur un paddle que sur un shortboard (une planche rapide, NDLR).

Comme un poisson dans l’eau

Avec sa chevelure blonde de lionne et son large sourire, Justine vibre de cette drôle de lumière que possèdent ceux qui vivent de leur passion. Sur son compte Instagram comme sur sa chaîne YouTube baptisée Au fil des vagues, où elle partage le récit de ses exploits, la surfeuse pro affiche toujours le smile. Et le «partage» est un mot qui a du sens pour elle : «Sur les réseaux sociaux, j’essaie d’être comme je suis dans la vie, spontanée et directe.»

Si certaines surfeuses affichent leurs courbes parfaites et dorées, sculptées à coups de surf sessions, Justine, elle, choisit plutôt de raconter sa vie en mode feel good, entre gadins et belle complicité avec son équipe : «Je suis sportive, pas mannequin. Mais il y a de la place pour tout le monde», ajoute-t-elle, diplomate.

Le surf pour les nuls

Un livre
Petite philosophie du surf, de Frédéric Schiffter. Dompter la vague, c’est s’adapter aux imprévus de l’existence. Sorti en 2005, ce court essai philosophique s’interroge sur le sens de la vague – et de la vie. Une réflexion salutaire sur la plage… entre deux magazines people.

Un film
Blue Crush (2002), de John Stockwell. Une histoire d’amour à l’eau de rose entre surfeurs, avec notamment Kate Bosworth, alors à peine connue, et Michelle Rodríguez. Avec des scènes de surf ultra bien filmées, qui donnent envie de se lancer.

Surf et sexisme

Le 13 novembre 2019, puis le 11 février 2020, à Nazaré, la surfeuse française dompte deux vagues hautes de plus de 20 mètres. Des records.

Des championnes comme Tessa Thyssen ou Pauline Ado ont dénoncé le sexisme du milieu, et les sponsors qui affluent dès qu’une surfeuse a un joli minois, même si son niveau est moyen. Quand on lui parle de certains sites qui choisissent de cibler ses fesses plutôt que ses exploits sportifs, la championne répond : «C’est un milieu assez macho, et un sport qui a longtemps été dominé par les hommes. Ça a beaucoup évolué ces dernières années. Depuis peu, les prize money (les récompenses en compétition) sont les mêmes pour les hommes et les femmes. C’est une énorme avancée.»

En février dernier, Justine a pu faire la démonstration de sa maîtrise de la big wave : au Portugal, en pleine compétition, elle surfe un monstre d’écume devant la foule en délire avec à la clé un record qui, quand il sera homologué en août, fera d’elle la seule femme, avec la Brésilienne Maya Gabeira, à avoir dompté les phénomènes surnaturels de Nazaré.

L’appel du large

Dans leur petit paradis, Fred et Justine se lèvent chaque jour avec un seul but, rider la plus belle vague : «On s’entraîne suivant la météo, souvent deux ou trois heures par jour», précise-t-elle. Comme toutes les sportives de haut niveau, Justine a une hygiène de vie impeccable – Pilates, yoga, alimentation équilibrée : «Je suis végétarienne depuis peu, et les résultats sont là : je dors moins, mon humeur est plus stable. Je limite aussi le gluten. Ce qui m’intéresse, c’est une approche globale, optimiser mes performances et surtout comprendre mon corps pour avoir confiance. La confiance, c’est la conscience de ce que l’on peut faire.»

Justine Dupont à la Roxy Pro Biarritz 2012. (Biarritz, le 12 juillet 2012.)

L’océan attire Justine comme un aimant depuis l’enfance. Originaire de Saint-Médard-en-Jalles, près de Bordeaux, elle tâte de la planche à 11 ans en vacances à Lacanau, spot pour surfeurs locaux : «Au début c’était un loisir, un plaisir, une passion, je ne le voyais pas du tout comme un métier. Et puis je suis partie faire Sport Études à Bayonne à 16 ans, et là je suis tombée dedans.» À 15 ans, elle est déjà vice-championne du monde de longboard. Elle se fait vite un nom dans le circuit ultracompétitif des big waves. En 2019, elle est championne du monde de stand-up paddle et vice championne du monde de longboard. Un exploit sans égal.

Audace et transcendance

Pour Justine et ses camarades, cette quête d’union avec la nature a quelque chose de philosophique. En hawaïen, surf se dit he’e nalu : «Faire corps avec la vague en glissant sur elle.» On pense aussi à Kant, quand il écrivait : «Confrontés à l’immensité du monde, nous mesurons la petitesse de notre être, ce que nous voyons n’est pas beau, mais sublime […] Devant ces spectacles, nous éprouvons un sentiment de jubilation mêlé d’effroi.» (in Critique de la faculté de juger, 1790). Fred David, compagnon et binôme de Justine (il la mène en jet-ski au large), dit qu’elle est «une athlète extraordinaire qui accepte d’être qui elle est. Sur la vague, elle se transcende.» Pugnacité, abnégation, contrôle mais aussi transcendance, voilà donc le secret de cette fille qui rend le surf magique.

À suivre sur www.redbull.com/int-en/greatest-wave-justine-dupont-ever-surfed-nazare-interactive-story

3 spots pour démarrer

Les 100 Marches, à Bidart : Au sud de Biarritz, ce joli spot caché, accessible seulement à pied, permet aux débutants de tâter la vague, à marée haute comme à marée basse.

Byron Bay, en Australie : Sur la côte est, Byron Bay est la Mecque des surfeurs et des branchés. La plage y est superbe, avec un spot baptisé The Pass, une vague qui se déroule sur une centaine de mètres, ce qui permet de glisser pendant près d’une minute (avec un peu de chance !).

Kuta, à Bali : La plage de Kuta, longue de 8 km, est l’un des spots les plus réputés de l’océan Indien. Ici, les vagues n’excèdent pas 2 mètres. Un lieu enchanteur idéal pour démarrer la pratique.

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