Originaire de Bretagne, Gaëlle Le Noane est à l’initiative de Marguerite & Cie, une marque de protections menstruelles biologiques. À 44 ans, celle qui habite à Lesconil dans le Finistère vient de convaincre la région Bretagne et le rectorat de la nécessité de proposer des tampons et serviettes gratuitement aux jeunes femmes. Devraient ainsi y être installés prochainement les distributeurs de protections périodiques gratuites et biologiques de Marguerite & Cie, afin de lutter contre la précarité menstruelle.
Une nouvelle particulièrement encourageante pour sa fondatrice, que Marie Claire a rencontrée pour échanger sur les protections biologiques, ainsi que sa volonté de les rendre gratuites pour toutes les personnes menstruées. Entre deux réponses, elle évoque celles qui l’ont inspirée à réaliser ce projet ambitieux, et notamment l’autrice Élise Thiébaut, à qui on doit Ceci est mon sang.
Plus de 200.000 personnes menstruées fournies
Solaire, Gaëlle Le Noane commence par expliquer que la Bretagne n’est pas la seule à avoir récemment cerner l’importance de la gratuité des protections périodiques. À ce jour, quinze universités, mais aussi des entreprises, des collectivités territoriales et tous les collèges du 10e arrondissement de Paris ont eux aussi décidé de s’approcher de Marguerite & Cie pour proposer des serviettes et des tampons biologiques gratuitement aux femmes qui occupent leurs locaux.
Pour elle, ce choix est « éminemment politique » : « Il y a une volonté d’agir contre la précarité mensuelle ces dernières années », observe l’entrepreneuse.
Contactée et reçue par l’ancien secrétaire à l’Égalité Femmes-Hommes de Marlène Schiappa, et en discussion avec Anne Hidalgo pour étendre ce processus, cette entrepreneuse qui a tout quitté il y a deux ans pour lancer Marguerite & Cie, commence enfin à récolter le fruit de ses efforts : ses distributeurs brevetés permettent désormais à plus de 200.000 personnes menstruées d’utiliser des protections éthiques et ce, gratuitement.
Des protections périodiques solidaires et éthiques
Car en effet, si la marque a été choisie par la région Bretagne et ces autres partenaires de taille, c’est aussi parce qu’elle est solidaire et respectueuse de l’environnement, en plus d’être pensée pour proposer aux femmes une alternative sans danger, à leurs habituelles protections périodiques. Ainsi, les protections et tampons vendus permettent à l’entreprise d’en offrir un grand nombre à l’ADSF (Agir pour le Développement de la Santé des femmes), dont Gaëlle Le Noane est une fière militante.
Mais Gaëlle Le Noane participe aussi, avec son entreprise, à l’insertion professionnelle des personnes handicapées : ses produits sont conditionnés dans un atelier E.S.A.T de l’association des Paralysés de France. Et ce n’est pas tout, son partenaire pour ses tampons et serviettes n’est autre que Natracare, entreprise écoresponsable qui donne 1% de son chiffre d’affaires à des causes environnementales dans le cadre du 1% for the Planet. Ceux-ci envoient les produits en vrac à Marguerite & Cie, dans l’objectif de limiter l’impact écologique des protections périodiques.
Celles-ci sont d’ailleurs produites sans chlore, sans plastique et sans parfum, pour préserver la santé des utilisateur(ices). Gaëlle se réjouit de l’ensemble de ces initiatives, mais aussi d’être parvenue en février à créer trois emplois pour l’aider à les mener à bien. Il faut dire qu’il y a de quoi être fière : la marque, dont le nom est inspirée des grandes Marguerite Duras ou Yourcenar, a été réalisée jusque-là de A à Z par cette ancienne orthophoniste, qui n’a pourtant aucune formation en entreprenariat.
Et quand on lui demande comment elle en est venue à avoir une approche écoféministe autour des menstruations, elle s’étonne : « Je ne sais pas trop, ma mère ne m’en parlait pas vraiment, ça ne la mettait pas particulièrement à l’aise. C’est seulement récemment qu’on a pu enfin avoir une conversation à ce sujet. Même avec mes amies de l’adolescence, on était très complexées d’évoquer nos règles ensemble et encore moins quand il y avait des garçons présents. Ça change ! ».
Les Français prêts à accepter la gratuité des tampons et serviettes ?
En première ligne du débat autour des menstruations, Gaëlle Le Noane constate que la nouvelle génération, hommes et femmes confondus, est « de plus en plus prête à briser le tabou » qui les entourent. L’année dernière, alors qu’elle tenait un stand aux Vieilles Charues, elle a été étonnée de voir le nombre de jeunes femmes échanger avec elles sur le sujet de façon décomplexée.
Celles-ci semblent selon elle « bien plus alertes quant à la toxicité des protections pour leurs organismes » que ne l’était sa génération. L’objectif, c’est désormais de les sensibiliser aussi à l’impact environnemental de leurs choix en terme de protections périodiques. Mais avant cela, il lui faudra encore lutter pour que l’idée de protections gratuites soit accepté par l’ensemble de la société française.
Certains s’offusquent de voir qu’on propose des protections périodiques gratuitement.
Un combat pas encore gagné, au vu des nombreux commentaires négatifs dont son initiative fait l’objet : « Certains s’offusquent de voir qu’on propose des protections périodiques gratuitement. Ce qui revient à chaque fois, c’est qu’à ce titre, on devrait aussi rendre les rasoirs gratuits pour les hommes, ce qui n’a pour moi aucun sens en terme de comparaison », regrette l’entrepreneuse.
Ce changement générationnel se voit aussi dans les propositions qu’elle reçoit pour installer des distributeurs : ce sont souvent les jeunes étudiantes qui viennent d’elles-mêmes la contacter car elles estiment que leurs établissements devraient offrir cette possibilité. Preuve que les mentalités évoluent, comme à Rennes 1, où « un groupe de jeunes femmes avait poussé l’université à investir dans des distributeurs par un sondage et un gros dossier ».
Reconnaître une protection menstruelle respectueuse du corps
Mais avant de nous quitter, la fondatrice tient à rappeler à celles et ceux qui s’intéresseraient aux protections périodiques biologiques : « Faites attention à ce que vous achetez. Certaines marques vendent du ‘faux bio' », estime-t-elle.
Elle poursuit : « Il suffit que vous plongiez votre protection dans un verre d’eau pour voir à quel point le coton se désintègre et pourrait se retrouver dans vos muqueuses. Parfois, le coton bio peut aussi être entouré d’un film plastique pour que le tampon tienne, c’est du pur greenwashing au détriment de la santé des femmes« , s’indigne Gaëlle Le Naone.
Celle-ci rappelle enfin : « N’oubliez pas que vous pouvez acheter des protections avec du coton bio, mais que ça n’empêche pas à la marque d’ajouter tout un tas d’autres produits qui ne le sont pas, notamment pour les odeurs. Il faut vérifier la transparence de la marque, et si le coton est vraiment bio, car certains vont même jusqu’à mentir là-dessus en évoquant du coton naturel ou d’autres tournures toutes aussi ambigües. »
Désormais, l’équipe de quatre salariés que compose Marguerite & Cie espère toucher un million de personnes menstruées d’ici la fin de l’année 2020. Un challenge d’envergure pour cette marque engagée aux convictions écoféministes, restée en Bretagne.
Pour l’instant, ce sont les distributeurs, payés et approvisionnés par les établissements scolaires qui permettent à Marguerite & Cie d’être rentable. Les abonnements, eux, ne représentent qu’une faible partie du chiffre d’affaires.
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