On connaît la sensation. On l’expérimente d’ailleurs fréquemment. Parfois, quand on étouffe sous le poids du quotidien, on rêve de tout lâcher, oralement. De hurler comme pour évacuer la frustration, la colère, la lassitude qui ponctuent notre vie pro et perso à ce moment-là. Un « AhHhHhHh ! » libérateur qui viendrait remplacer tous les mots, et peut-être même panser les maux.
Crier dans le vide fait du bien, n’importe quel coach de vie vous le dira. Surtout Lucie Mariotti, icône de la Villa des coeurs brisés, l’émission de télé-réalité qui rassemble les âmes esseulées du milieu. L’experte semble d’ailleurs plutôt accro à la technique tant elle l’utilise sur ses cobayes meurtri·e·s. « Lâche tout et crie face à la mer », l’entend-on conseiller à un Illan, un Thomas, une Stéphanie au bout du rouleau, lessivé·e·s par des années d’échecs sentimentaux (souvent) mis en scène devant la caméra. Et ça marche. Ou en tout cas, ça donne envie (le cri, pas les échecs).
Seulement voilà : cette méthode est compliquée à appliquer quand on n’habite pas dans une zone reculée, mais plutôt au troisième étage d’un immeuble dont la piteuse isolation fait résonner le moindre pas à 4 heures du matin (et on ne parle pas des chasses d’eau). Difficile d’imaginer, aussi, que l’écho soit vraiment satisfaisant quand il ne rebondit pas contre une montagne ou une étendue d’eau. On peut toujours trouver un parc, d’accord, mais rien d’aussi grandiose que de s’exprimer à l’air pur. Pourtant, ça nous démange.
Joie, il semblerait que l’office de tourisme d’Islande ait entendu notre appel – silencieux, lui. Le pays propose de diffuser les cris des tendu·e·s (aka nous) dans sept de ses sites naturels les plus déserts. Forcément, on fonce.
« Let it out » : crier de bon coeur en Islande
« Let it out », c’est le nouveau concept imaginé par l’office de tourisme d’Islande qui s’adresse à ceux et celles qui, clairement, n’en peuvent plus. Et particulièrement en temps de pandémie, où l’anxiété est permanente et les libertés encore très restreintes dans certains pays (à Lisbonne par ailleurs, le reconfinement par quartier se poursuivra jusqu’à la fin du mois de juillet. Frissons). Il s’agit de « let it out », donc (« le laisser sortir » en français). Sous-entendu ce qui nous pèse et qu’on ne peut/veut plus contenir dans notre tête à deux doigts d’exploser.
L’organisme s’est associé à la thérapeute Zoë Aston, installée à Londres, afin de guider les débutant·e·s de la libération vocale, et confirmer la théorie selon laquelle, oui, l’exercice fait du bien. Le but : crier dans son téléphone et envoyer l’enregistrement, afin que notre performance soit livrée plus tard, sur l’un des sept haut-parleurs situés dans des lieux complètement isolés aux quatre coins du pays nordique. Devant les vagues, les falaises, les champs locaux. Insolite et tentant.
Pour soumettre sa participation – et éventuellement l’entendre résonner – il suffit de se rendre sur le site du projet et de cliquer sur « tap to scream ». Facile. Pour les timides, il y a même une section qui permet d’écouter celles des autres avant de soi-même donner de la voix.
La « scream therapy » et ses vertus indéniables
Convaincu·e ou non par l’initiative, la pratique regorge en tout cas de bienfaits. La psy affirme même que « le cri comme outil thérapeutique a été développé dans les années 1970 comme moyen de libérer l’émotion refoulée », et peut réellement faire une différence en ce qui concerne notre niveau de stress.
« [Nous utilisons] la thérapie par les cris primaires lorsque nous n’avons pas nécessairement les mots pour exprimer nos frustrations et les choses un peu plus viscérales », explique-t-elle dans une interview pour Condé Nast Traveller. « C’est exactement ce qui se passe pour les gens en ce moment, parce que nous ne sommes pas équipés pour faire face aux sentiments que nous éprouvons et, parce que nous ne bougeons pas autant que d’habitude, il y a une accumulation physique d’émotion, qui peut produire des blocages et des conséquences comme la dépression et l’anxiété ».
Pour beaucoup, crier sans se retenir aide à débloquer lesdites émotions, à les surmonter, et finalement à les laisser partir, poursuit l’experte. « La ventilation (produite par le cri, ndlr) permet à ce blocage émotionnel de se déplacer, de sorte que la partie de l’esprit qui était en mode survie depuis plusieurs mois est alors libérée pour prendre de très bonnes décisions sur ce qui se passe à l’avenir ». Un réflexe à adopter en même temps que la méditation de pleine conscience, conseille-t-elle.
Comment « bien » crier
Maintenant qu’on a décidé de se prêter au jeu, autant suivre quelques règles qui nous faciliteront la tâche, quelque peu impressionnante pour les novices. Zoë Aston avise ainsi de procéder comme décrit ci-dessous, et surtout de ne pas trop réfléchir.
- Déterminez grossièrement ce que sera votre « cri ». Certaines personnes miserons sur le volume, d’autres sur les mots, d’autres encore la respiration.
- Tenez-vous debout, les pieds écartés à la largeur des hanches, avec une légère flexion des genoux. Détendez vos épaules. Vous pouvez trouver utile de mettre vos mains sur vos hanches, ou d’utiliser vos bras pour vous aider à évacuer une partie de l’émotion refoulée. Suivez votre instinct.
- Imaginez un bébé qui pleure et crie. Le bruit vient de son ventre. C’est de là que devrait venir votre propre cri. Si ça peut vous aider, mettez vos mains sur votre ventre et prenez quelques respirations profondes avant de commencer.
Le tout, pour résumer, c’est de se concentrer sur la sincérité du son. De ne pas y aller mollo. De ne pas avoir peur de faire du bruit, de prendre de la place. Et d’ouvrir les vannes une bonne fois pour toutes. Alors, à nos cordes vocales.
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