Marchand d’art, spécialiste des sièges du XVIIIe siècle, il est l’homme par qui le scandale est arrivé. Rencontre dans sa galerie avec celui qui veut assainir le marché. À voir dans Grands Reportages : Sur la trace des faussaires, samedi 16 novembre à 13 h 30 sur TF1.
Comment avez-vous rencontré Bill Pallot, sommité du marché de l’art ?
Charles Hooreman : Je suivais son cours à la Sorbonne sur les sièges au XVIIIe siècle. Grâce à lui, je me suis pris de passion pour les sièges anciens. Nous aimions beaucoup échanger.
Que s’est-il passé en mai 2012 ?
Comme souvent, je suis passé à la galerie parisienne où travaillait Bill. J’ai repéré deux ployants (sortes de tabourets, ndlr) du XVIIIe . Un défaut de sculpture m’a alerté. Après quinze minutes d’examen, j’avais sept éléments pour affirmer qu’ils étaient bidons. Faux.
En parlez-vous à Bill ?
Il n’était pas là ce jour-là. Je reviens quelques jours plus tard. Face à moi, il louvoie avec son bagout exceptionnel. Mais je sais avoir raison. Je rentre chez moi déçu que mon héros soit un escroc.
Deux mois après, vous découvrez que le château de Versailles, le plus gros acheteur de mobilier XVIIIe au monde, s’est porté acquéreur de deux paires de ces ployants !
C’était révoltant ! Mon musée chéri, ses collections publiques qui nous appartiennent à tous ! Je ne supportais pas l’idée que mes enfants voient des faux présentés comme authentiques, avec des cartels indiquant "d’époque Louis XVI, faits pour Marie-Antoinette", alors qu’il s’agissait de sièges fabriqués deux mois auparavant !
Vous envoyez des mails aux conservateurs de Versailles… qui ne réagissent pas…
Je les ai relancés pendant trois ans. Ce n’est que lorsque j’ai menacé d’alerter la presse qu’on m’a convoqué. Pour me calmer. Je m’attaquais à un symbole national, admettre cette escroquerie était discréditant…
En 2015, les policiers de l’OCBC vous contactent : ils enquêtent en secret depuis des mois et sont sur la piste de Bill Pallot.
Je les ai vus à maintes reprises. Et en 2016, Bill a été interpellé. Je l’ai su en temps réel via le Figaro. Ce soir-là, je lui ai envoyé un SMS : "Bill. La vérité vous rendra libre. Charles."
L’escroquerie représenterait 2,7 millions d’euros. Bill Pallot a fait quatre mois de préventive et est toujours dans l’attente de son procès. Il encourt de la prison ferme et 750 000 euros d’amende. L’avez-vous revu ?
On s’est croisés à des vernissages. Il continue à fréquenter les salles de ventes, Drouot… Il ne sait rien faire d’autre.
Que sont devenus les faux sièges ?
Enfermés dans une salle à Versailles !
Regrettez-vous votre croisade ?
Non, il faut briser l’omerta. Les faux discréditent et détériorent le marché.
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