La Guerre des mondes de Spielberg : avez-vous vraiment compris la fin ?

Faites-vous partie de ceux qui jugent que la fin de « La Guerre des Mondes » de Steven Spielberg, sorti il y a 15 ans, est un peu trop belle ? Si oui, savez-vous qu’il existe deux façons de l’interpréter ?

Quelques jours seulement après les États-Unis, La Guerre des Mondes éclate dans nos salles le 6 juillet 2005, et marque la deuxième collaboration entre Steven Spielberg et Tom Cruise après Minority Report. Toujours dans le domaine de la science-fiction avec une adaptation, non plus de Philip K. Dick mais du classique signé H.G. Wells en 1898. A l’époque, l’auteur britannique s’était servi de cette histoire d’invasion de la Terre par les extra-terrestres comme d’une métaphore des peurs de l’Angleterre victorienne. Un siècle plus tard, le réalisateur de Jurassic Park s’intéresse quant à lui au traumatisme du 11-Septembre, encore vivace dans l’esprit de ses compatriotes et dont il reprend l’imagerie (des gens qui courent en ligne droite vers la caméra pour échapper à un nuage de poussière notamment) lors du premier masscre commis par les envahisseurs.

Une séquence parmi les plus marquantes de l’été ciné 2005 (et du début du XXIe siècle dans son ensemble), dont La Guerre des Mondes a été l’un des champions avec ses 603,9 millions de dollars de recettes mondiales, qui lui ont permis de devancer Batman Begins, Madagascar ou encore Mr. & Mrs. Smith, et de terminer sa course derrière Star Wars – Episode III. Outre le public, le long métrage a aussi séduit les critiques (4,2 étoiles sur 5 sur AlloCiné, 73 sur 100 sur Metacritic), même si deux éléments lui sont régulièrement reprochés : son dénouement un peu précipité, que Steven Spielberg a lui-même avoué regretter dans la série documentaire Story of Science Fiction de James Cameron ; et ce happy end où le personnage principal joué par Tom Cruise arrive avec sa fille chez son ex-femme et ses beaux-parents (joués, pour l’anecdote, par Gene Barry et Ann Robinson, héros de l’adaptation de 1953), et voit réapparaître son fils, qui semble sortir de nulle part alors qu’il semblait être mort au combat peu de temps auparavant.

Mais est-ce vraiment le cas ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’une hallucination de Ray Ferrier, à la fin d’un film qui insiste plus d’une fois sur l’importance du regard ? La mise en scène peut en effet le laisser penser : après un gros plan sur le visage (et, donc, le regard) de Tom Cruise, Robbie (Justin Chatwin) entre dans le cadre de l’image suivante tel une apparition, sans qu’on ne le voie explicitement sortir de la maison de ses grands-parents, et n’a d’interaction avec aucun des personnages présents, à l’exception de son père, qu’il étreint pendant de longues secondes. Le sourire que leur adresse Mary Ann Ferrier (Miranda Otto) peut certes semer le doute, mais rien ne dit que celui-ci soit lié aux retrouvailles entre son ex-mari et son fils qui n’est alors jamais dans le même cadre qu’elle. Car ce final semble vraiment trop beau pour être vrai. Comme celui de Minority Report, où John Anderton est libéré de sa prison, parvient à confondre celui qui a cherché à le faire tomber et finit par mener une vie idyllique après avoir renoué avec son épouse, qui attend désormais un enfant.

En apparence seulement. Car au moment d’emprisonner le personnage principal du film, son geôlier (Tim Blake Nelson) lui vante les mérites de ce lieu dans lequel « Tous tes rêves se réalisent ». De là à penser que le dernier acte de Minority Report est en réalité un songe de son héros, il n’y a qu’un pas que Steven Spielberg a en partie franchi en reconnaissant que la fin pouvait se lire de plusieurs manières, alors que beaucoup ont remarqué que le grain de la photo change après l’arrivée de John en prison, comme si la réalité était altérée. Et tout porte à croire que le réalisateur et Tom Cruise ont refait le même coup au moment de s’attaquer à La Guerre des Mondes, avec un happy end de façade que l’on imagine destiné à rassurer les financiers de ces opus à gros budget (102 millions de dollars pour le premier, 132 pour le second), mais derrière lequel se cache un dénouement plus sombre et plus en phase avec la volonté de se pencher sur les plaies béantes de l’Amérique de l’après-11-Septembre.

Outre cet ancrage dans l’actualité par le biais de la science-fiction et cette ambiguïté finale, La Guerre des Mondes fait ainsi écho à Minority Report sur le plan thématique à plusieurs reprises, et notamment lorsque les deux opus se muent en drame sur l’échec d’un père responsable de la disparition de son fils. Avec, dans un cas comme dans l’autre, l’importance de la notion de regard : c’est lorsqu’il échappe au sien que l’enfant de John Anderton disparaît à la piscine, alors que celui de Ray Ferrier, que l’on pensait mort, semble réapparaître à travers ses yeux. A moins qu’il ne s’agisse de la réalité, et Steven Spielberg choisi de laisser la porte ouverte, pour permettre à chacun de penser pour une version ou pour l’autre, selon que l’on est optimiste ou pessimiste, donnant ainsi plus de profondeur à un blockbuster qui fête ses 15 ans en cet été 2020.

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